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2.3 Premiers résultats de l’Observatoire Pierre Auger

2.3.1 Sélection et reconstruction des événements SD

En complément des différents niveaux de déclenchement mis en place au niveau des cuves, une sélection "offline" est implémentée afin de ne conserver que les événements dits "physiques". Une configuration 3ToT (cf. Paragraphe §2.1) ou 4C1, i.e. 4 cuves ToT ou Thresh-oldsituées dans la première couronne entourant la station centrale (cf.FIG.2.6), correspond, ainsi, au quatrième niveau de trigger T4.

FIGURE2.6 - Les trois configurations minimales de niveau de déclenchement 4C1. La station centrale

est définie comme la cuve ayant le signal le plus intense.

La structure du réseau a, par ailleurs, considérablement évolué pendant l’installation des détecteurs de surface. Aussi, pour assurer une bonne qualité de reconstruction et pour pallier les éventuelles pannes de cuves situées au cœur du réseau, un cinquième et dernier niveau de déclenchement est défini. Le T5 (dit "strict") requiert ainsi que la station centrale soit entourée de 6 stations actives c’est-à-dire en fonctionnement, mais non nécessairement triggées [97]. Les événements situés au bord du réseau sont de ce fait exclus de l’analyse. Néanmoins, un T5 plus "lache" a été appliqué, en particulier pour les études des directions d’arrivées (cf. Paragraphe §2.3.4). Ce dernier exige seulement 5 cuves en fonctionnement autour de la station centrale et que le cœur reconstruit de la gerbe soit entouré de 3 stations actives (cf.FIG.2.7).

L’utilisation de niveaux de déclenchement différents selon les études menées entraîne une certaine confusion quant au calcul de l’acceptance du détecteur. Si l’estimation, dans le cas du T5 strict, consiste en compter les hexagones actifs en chaque instant, les effets de bords du réseau ainsi que les cuves en panne conduisent à exclure plus d’événements. L’acceptance associée à l’étude du spectre en énergie est ainsi égale à 7000 km2 sr an alors que celle issue de l’analyse des directions d’arrivées est voisine de 9000 km2sr an. La différence s’explique néanmoins par la structure éminemment variable du détecteur au cours des premières années d’acquisition. La construction à présent achevée, l’écart tend naturellement à s’atténuer dès lors que la géométrie du réseau est fixe.

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FIGURE2.7 - Définition du trigger T5 "relaché". La station centrale (disque rouge) est entourée par 5

stations actives (disques bleus). La station située au coin supérieur gauche est manquante (panne ou station non-installée). L’événement est accepté dans l’hypothèse où le cœur reconstruit est alors situé dans un triangle de 3 stations actives (région grise foncée).

Reconstruction géométrique

Après sélection des stations, un événement SD est constitué essentiellement d’une série de temps de déclenchement tidans les cuves de coordonées

xi = (xi, yi, zi)e. Pour reconstru-ire la dreconstru-irection d’arrivée de la gerbe, nous pouvons, en première approximation, supposer que le front de gerbe est plan (cf.FIG.2.8).

a axe dela gerb e fro nt stations barycentre xi i origine t0 ti

FIGURE2.8 - Géométrie du front de gerbe.

En notant

a= (u, v, w)le vecteur unitaire colinéaire à l’axe de la gerbe et en considérant que la vitesse de déplacement du front est voisine de celle de la lumière c, le temps nécessaire à la propagation du front jusqu’à la station i devient

cti(xi) =ct0− (x(t)−b)a (2.1) oùb est le barycentre des cuves. Dans l’hypothèse où la position des cuves est connue avec une précision infinie et que, par conséquent, la seule source d’erreurs relève de l’incertitude

e. nous adoptons, dans un soucis d’uniformité, la syntaxe utilisée par Offline, le programme officiel de recon-struction de la collaboration Pierre Auger [98]. Nous notons, à cet égard, que la majorité des figures présentées dans ce chapitre sont issues de la documentation officielle [99].

σti des temps d’arrivées, la fonction χ2à minimiser s’écrit

χ2=

i

(cti−ct0+xiu+yiv+ziw)2

σt2i (2.2)

Le problème est néanmoins non-linéaire du fait que u2+v2+w2 = 1. Une solution ap-prochée est obtenue dans la mesure où l’altitude zides stations est négligeable devant xi, yi. Par ailleurs, la minimisation échoue dès lors qu’il existe une dépendance linéaire entre sta-tions (par exemple, les trois stasta-tions sont alignées). La probabilité d’une telle configuration diminue d’autant plus que le nombre de stations pour un événement donné, augmente.

Cependant, le front de gerbe a une courbure non nulle, dont la valeur est reliée à l’alti-tude de production des particules. Un modèle plus réaliste consiste donc à ajouter un terme "parabolique" à l’ajustement (2.1) décrivant la courbure du front de gerbe au voisinage du point d’impact, i.e. ρ≪Rc. L’équation (2.1) devient

cti(xi) =ct0a x+ ρ( x)2 2RC (2.3) où ρ(x)2= (a×x)2 =x2− (a

x)2est la distance perpendiculairement à l’axe de la gerbe. Si le nombre de stations touchées est supérieur à quatre, une minimisation tri-dimen-sionnelle (zi 6=0) de la fonction

χ2 =

i

(c(ti−t0)− |Rca−xi|)2

σt2i (2.4)

est alors calculée (cf. D. Veberiˇc & M. Roth [99]).

L’incertitude sur le temps d’arrivée σti est particulièrement importante dans l’expression du χ2et peut modifier, de façon significative, l’estimation précise de la direction d’arrivée. Plusieurs modèles visant à décrire l’évolution de σti ont été proposés [100–103]. De manière générale, la résolution angulaire du détecteur de surface augmente de pair avec le nombre de cuves touchées, soit avec l’angle zénithal pour E fixée soit avec l’énergie pour θ fixe [101]. Par ailleurs, l’estimation de la résolution angulaire est également évaluée en comparant, pour les événements hybrides, les directions d’arrivées reconstruites indépendamment par le FD et le SD. Les valeurs typiques sont voisines de 2.2° pour les événements à 3 cuves (E&1 EeV), de 1.8° pour 4 cuves et 1.6° pour 5 cuves.

Détermination de la distribution latérale et de l’énergie

Dans le cas du détecteur de surface, l’énergie se déduit de l’ajustement du profil latéral de la gerbe. La distribution latérale du signal est ainsi modélisée par la LDF (Lateral Distri-bution Function) de telle sorte que le signal S(r)peut s’exprimer sous la forme suivante

S(r) =S(1000 m)fLDF(r) (2.5)

où fLDF(r)est une fonction de la distance r, perpendiculaire à l’axe de la gerbe, telle que fLDF(1000 m) =1. Les incertitudes sur la mesure du signal [104–106] sont données par

σS(θ) = (0.32+0.42 sec θ)√

S (2.6)

Diverses paramétrisations peuvent être envisagées à travers la fonction fLDF(r) [107, 108]. Néanmoins, la description la plus appropriée relève du formalisme initialement développé

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par Nishimura, Kamata et Greisen (NKG) [109, 110] où la distribution latérale du signal évolue en loi de puissance selon

fLDF(r) = r r1000 β r+r700 r1000+r700 β+γ , (2.7) où r700=700 m et r1000 =1000 m.

Par l’intermédiaire de la distance r entre l’axe de la gerbe et les stations, la normalisa-tion, S(1000 m), de la LDF dépend du point d’impact et de la direction de la gerbe. Afin de déterminer ces paramètres, le programme de reconstruction procède par itérations en con-sidérant comme point d’impact initial, le barycentre des stations touchées pondérées par la racine carrée de leur signal. La position du cœur est affinée lors de l’ajustement de la LDF et ce jusqu’à ce que le processus converge. Les paramètres β et γ sont alors fixés, au cours de la procédure itérative, suivant

β(θ) = −3.35−0.125 log S1000

+(1.33−0.0324 log S1000)sec θ +(−0.191−0.00573 log S1000)sec2θ

γ = 0

La reconstruction de la LDF est par conséquent obtenue avec seulement trois paramètres libres : S(1000 m)et le cœur de la gerbe défini par ses coordonnées xcet yc. Par ailleurs, la valeur estimée de S(1000 m)est relativement indépendante de la position exacte du cœur de la gerbe de même que de la forme de la LDF (cf.FIG.2.9). Cette propriété s’explique, en partie, par la géométrie du réseau et l’espacement entre cuves (cf. FIG.2.9 encadrée), mais aussi, par le fait que le développement longitudinal à 1000 m de l’axe de la gerbe est alors maximum pour des énergies voisines de 10 EeV, impliquant des fluctuations gerbe à gerbe minimales. L’incertitude finale sur S(1000 m)est estimée en réitérant la reconstruction pour

βvariant de±3%.

En outre, l’ajustement tient compte des effets inhérents au traitement des cuves (sta-tions silencieuses n’ayant pas déclenchées de T2, sta(sta-tions saturées, effets d’asymétrie amont-aval, . . . ).

À la fin de la procédure de reconstruction, chaque événement dispose essentiellement des paramètres géométriques : position du cœur(xc, yc), angles zénithal θ et azimutal φ, et d’un estimateur de la taille de la gerbe S(1000 m)dépendant de l’énergie, de l’angle zénithal et de la nature du primaire. Toute la difficulté réside, à présent, dans la possibilité à convertir cette quantité en unité d’énergie du primaire. Grâce au caractère hybride de l’Observatoire Pierre Auger, deux stratégies complémentaires peuvent être utilisées :

- dans le cadre d’une analyse "pure SD", la relation S(1000 m)−E s’obtient en sup-posant un type de primaire (essentiellement proton ou fer) puis en ayant recours à des simulations de gerbes et du détecteur de surface. Le comportement se présente alors sous la forme

S(1000 m)∼ f(sec θ)×E0.95

L’inconvénient majeur d’une telle approche relève des effets systématiques incontrôlés, inhérents aux incertitudes sur les modèles de gerbes atmosphériques. Les biais intro-duits par la simulation du détecteur sont également non-négligeables.

- dans le cadre d’une analyse "hybride", la relation entre S(1000 m)et l’angle zénithal θ est établie de façon empirique en supposant, explicitement, que les dépendances en θ et E sont alors factorisables. Dans l’hypothèse où le flux J de rayons cosmiques est

r [m] 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 2200 Signal [VEM] 3 10 20 100 200 300 Espacement du réseau [m] 1000 1200 1400 1600 1800 2000 [m] opt r 700 800 900 1000 1100 1200

FIGURE2.9 - Détermination de différentes LDF pour un événement Auger SD (d’après Réf. [107].

Les points bleus correspondent aux signaux des différentes cuves, les triangles rouges indiquant les stations silencieuses (voir texte). La figure encadrée présente, en fonction de l’espacement entre les détecteurs de surface, la distance optimale c’est-à-dire celle minimisant les fluctuations gerbe à gerbe.

isotrope, le nombre d’événements N devient dJ d(cos θ) = d 1 Aeff d3N dt dE dΩ ! =0 et dJ =0 (2.8)

où Aeff = A cos θ est l’aire du détecteur vu par la gerbe. Dans la mesure où l’accep-tance du détecteur est saturée, i.e. E>3 EeV, l’équation (2.8) s’écrit

dN

dE d(cos2θ) =const. (2.9)

soit, en intégrant au delà d’une énergie E0 dN d(cos2θ) E ≥E0 =const. (2.10)

Aussi, pour un nombre d’événements N0par unité de cos2θfixe, nous pouvons déter-miner, à partir des données Auger, la fonction empirique SCIC(1000 m)(θ)telle que l’on ait, pour chaque θ, un nombre constant d’événements dont le S(1000 m)soit supérieur à cette fonction :

N{S(1000 m)(θ) >SCIC(1000 m)(θ)} =N0

La fonction SCIC(1000 m)(θ), baptisée courbe de CIC pour Constant Intensity Cut et in-troduite par les travaux d’Hersil et al. [111], corrige ainsi les effets d’atténuation du sig-nal par l’atmosphère terrestre (cf.FIG.2.10). Par ailleurs, la courbe CIC est normalisée à 38°, c’est-à-dire l’angle zénithal pour lequel le nombre d’événements est maximum, afin de réduire les biais introduits par la procédure CIC.

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chaque événement, de l’expression

S38°(1000 m) = S(1000 m)

SCIC(1000 m)(θ) (2.11)

ne dépend plus que de l’énergie du primaire. L’ultime étape consiste donc à relier cet estimateur à l’énergie totale de la gerbe.

La nature "hybride" de l’Observatoire Pierre Auger trouve alors tout son intérêt. En ef-fet, si l’on considère que la reconstruction en énergie par le détecteur FD est fiable, la rela-tion S38° = f(EFD)est alors établie grâce aux événements golden hybrides. L’estimation de l’énergie pour l’ensemble des données SD est obtenue indépendamment des simulations et s’affranchit ainsi, des effets indésirables liés à la modélisation des gerbes atmosphériques.

θ 2 cos 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 θ 2 dcos dN 1 10 2 10 3 10 4 10 S(1000 m) > 10 VEM S(1000 m) > 13 VEM S(1000 m) > 20 VEM S(1000 m) > 32 VEM S(1000 m) > 50 VEM S(1000 m) > 79 VEM

FIGURE2.10 - Évolution du nombre d’événements en fonction de l’angle zénithal et pour

dif-férentes valeurs seuils de S(1000 m) (d’après I. Maris [112]). L’intensité, à savoir dN/d cos2θ, diminue lorsque l’inclinaison de la gerbe est plus prononcée. La procédure CIC corrige ainsi les effets d’atténuation de l’atmosphère afin que le nombre d’événements soit constant en fonction de cos2θ.

En revanche, cette méthode hérite naturellement des erreurs systématiques relatives à la mesure de l’énergie par le détecteur de fluorescence (voir ci-après). De même, cette approche repose explicitement sur la factorisation de S(1000 m)(E, θ), i.e. sur le fait que la courbe CIC ne dépend pas de l’énergie primaire. Cette hypothèse est partiellement fausse étant donné que le développement longitudinal des gerbes évolue avec l’énergie de même qu’avec la nature du primaire. Les modifications induites par un changement de composition ainsi que la dépendance de SCIC(1000 m)(θ)avec l’énergie sont étudiées par I. Mari¸s [112].

2.3.2 Reconstruction géométrique et détermination de l’énergie par le détecteur