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5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique

5.2.1 Détermination de la distribution latérale du nombre de muons

v≥v1 ti ADC bin v(ti) | {z } J (v1=0.5 VEM−peak)

±20% (syst.) ± Nµest.(stat.) (5.17)

5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique

Au delà de la compréhension du développement des gerbes et de la caractérisation des processus hadroniques d’ultra-haute énergie, l’étude de la composante muonique permet également de déterminer la nature des particules primaires. Si les fluctuations interdisent un hypothètique examen gerbe par gerbe, l’accumulation d’événements conduit à envis-ager l’estimation statistique de la composition du rayonnement cosmique d’ultra-haute én-ergie. Dans ce chapitre, nous appliquons la méthode des sauts aux données de l’Observa-toire Pierre Auger. Nous décrivons, dans un premier temps, la technique utilisée afin de mesurer la LDF muonique puis, après avoir extrait pour chaque événement le nombre de muons à 1000 mètres, nous comparons les résultats avec les estimations obtenues par les ex-périences CASA-MIA [238] et AGASA [239]. L’analyse est également confrontée aux études indépendantes menées au sein de la collaboration Pierre Auger. Finalement, nous engageons une réflexion sur l’interprétation de ces résultats au regard des prédictions issues des mod-èles hadroniques et nous discutons des implications au delà de la stricte problématique de la composition du RCUHE.

5.2.1 Détermination de la distribution latérale du nombre de muons

La détermination du nombre moyen de muons ayant pénétré dans une station de surface se déduit de l’expression (5.17) moyennant la connaissance préalable de la géométrie de la gerbe et de l’énergie du rayon cosmique incident. Pour chaque événement physique, nous

R [m] 500 600 700 1000 2000 3000 µ N 0.1 1 10 100 1000 AGASA fit trigger R

FIGURE5.32 - Distribution latérale du signal muonique. Les événements de l’Observatoire Pierre

Auger ont été sélectionnés dans la gamme en énergie 8−12EeV (points noirs). La courbe verte est relative à l’ajustement employé par l’expérience AGASA [240].

pouvons par suite reconstruire la distribution latérale du signal muonique puis estimer l’in-tensité du flux en évaluant sa valeur à une distance donnée. La Figure 5.32 présente ainsi, pour un ensemble d’événement d’énergie comprise entre 8 et 12 EeV, la variation du nom-bre de muons en fonction de l’éloignement des cuves. Hormis les effets propres au niveau de déclenchement des stations, la répartition du nombre de muons au sol est typiquement proportionnelle à rβ.

Sur cette même figure, nous avons également indiqué l’ajustement adopté par la collab-oration AGASA [240]. Si l’expression analytique utilisée s’apparente à une fonction NKG (cf. Paragraphe §2.3.1, page 26) adaptée au besoin de l’étude, il est intéressant de noter que la différence de comportement entre LDFs est d’autant plus significative que la distance ra-diale augmente. Contrairement au dispositif expérimental de l’Observatoire Pierre Auger, l’expérience AGASA a disposé, en complément de son réseau de surface, de scintillateurs protégés par un blindage mélant plomb et fer. La composante EM de basse énergie est alors totalement absorbée de telle sorte que subsistent uniquement les muons d’énergie cinétique suffisamment grande pour franchir les différentes épaisseurs de matériau. Le seuil en én-ergie nécessaire à la détection de ces particules est alors de l’ordre de 0.5 GeV/ cos θ à com-parer aux 55 MeV requis pour émettre des photons Cherenkov. Par conséquent, l’expérience AGASA détecte en moyenne moins de muons, et ce d’autant plus que la distance séparant les détecteurs de l’axe de la gerbe est importante. En effet, comme l’illustre la Figure 5.33, les particules détectées à large "paramètre d’impact" ont été nécessairement produites sous un angle plus ouvert. Étant donné que l’impulsion transverse peut, en première approx-imation, être considérée comme constante devant la distribution en loi de puissance des impulsions longitudinales, les muons détectés loin de l’axe de la gerbe ont donc une quan-tité de mouvement moindre : la sélection en énergie imposée par le seuil à 0.5 GeV/ cos θ est, par conséquent, plus restrictive.

5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique 131 pπ± pt p sol r 1 pµ∼3 4×pπ± d´esint. pion pπ± pt p sol r 2≫ r1 pµ∼3 4×pπ± d´esint. pion Mean 3.012 RMS 0.4654 E [MeV] 10 log 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 Probabilité 0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 Mean 3.012 RMS 0.4654 log10(TKINE) {W0*(RSH > 400 && RSH < 600)} seuil AGASA Mean 2.727 RMS 0.3675 E [MeV] 10 log 2 2.5 3 3.5 4 Probabilité 0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 0.03 Mean 2.727 RMS 0.3675 log10(TKINE) {W0*(RSH > 1600 && RSH < 1800)} seuil AGASA

a) Stations situées entre 400 et 600 mètres b) Stations situées entre 1600 et 1800 mètres

FIGURE5.33 - Illustration de la production de muons à courte et grande distance de l’axe de la gerbe.

Les distributions en énergie de muons, issues d’une simulation de proton E = 1019eV et 0°, sont également présentées pour deux intervalles en distance. La distribution des impulsions transverses, typiquement exponentielle, peut, en première approximation, être considérée comme constante vis-à-vis de la distribution en loi de puissance des impulsions longitudinales [229, 230].

nous exprimons la LDF sous la forme suivante

fLDF(r) =Nµ(1000 m)× r 1000

β

(5.18) où β est strictement négatif. La vraisemblanceLou likelihood déduite de l’expression (5.17) s’écrit

L =

i

fP(ni, µi) (5.19)

où l’indice i est relatif aux différentes stations de l’événement. L’expression du logarithme de la vraisemblance devient ℓ=lnL =

i ln fP(ni, µi) (5.20) avec fP(ni, µi) = µ ni i eµi ni! =⇒ln fP(ni, µi) =niln µiµini

j=1 ln j

Nous ne considérons ici que les fluctuations de Poisson symbolisées par la fonction fP(ni, µi)où niet µi correspondent respectivement au nombre de muons estimé et au nom-bre de muons attendus théoriquement. Les effets systématiques, de l’ordre de 20%, ne sont pas pris en compte dans l’expression analytique de la vraisemblance en raison du caractère non aléatoire de ces fluctuations : les biais évoluent, en particulier, avec la distance à l’axe de la gerbe et ne sont donc pas indépendants d’une station à l’autre. Le traitement de ces effets de même que ceux relatifs à la saturation des cuves et aux stations non-déclenchées peuvent naturellement être intégrés à un modèle plus complet. Nous précisons, par ailleurs, que les stations situées au delà de Rtrigger(cf.FIG.5.32) et donc possiblement affectées par le niveau de déclenchement, ne sont pas considérées dans cette étude.

Par ailleurs, il est des situations où l’ajustement doit nécessairement s’opérer dans des conditions particulières. Ainsi, la Figure 5.34 présente un événement quasi-vertical (θ ≃18°) pour lequel la station centrale est saturée : les six stations déclenchées sont par conséquent toutes situées à∼ 1500 m. Dans ces conditions, l’ajustement effectué en conservant libre le paramètre β de la LDF, peut se révéler dépourvu de tout sens physique.

Dans le but de traiter ces événements où la dynamique en distance radiale est réduite à quelques centaines de mètres, deux options sont envisageables :

1. soit le paramètre β est fixé à la valeur la plus probable déduite, par ailleurs, des événe-ments dits idéaux (sans stations saturées,. . . ). Dans ce cas de figure, seule la normali-sation Nµ(1000 m)est considérée comme paramètre libre,

2. soit la distribution p(β)des valeurs de β est inférée à partir d’événements "propres" (cf.FIG.5.35) de manière à pénaliser, au travers de l’expression deL, les valeurs de β déviantes.

Dans la pratique, la première hypothèse n’est qu’un cas particulier de la seconde où la variance de β est alors nulle. Par ailleurs, l’utilisation d’un a priori (ou prior) sur β se traduit par l’ajout d’un terme dans l’expression de la vraisemblanceL

L = p(β, Nµ(1000 m)|x) | {z } posterior ∝ p(β) |{z} prior ·

i fP(ni, µi) (5.21)

où p(β, Nµ(1000 m)|x) représente la probabilité a postériori des paramètres β, Nµ(1000 m) étant donné la mesure x.

5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique 133 x [km] 38 40 42 44 46 48 y [km] 54 56 58 60 62 64 R [m] 80 100 200 300 400 500 600 1000 µ N 0.1 1 10 100 frame Entries 0 Mean x 0 Mean y 0 RMS x 0 RMS y 0 frame Entries 0 Mean x 0 Mean y 0 RMS x 0 RMS y 0 Station centrale saturée

Ajustement avec prior

libre β Ajustement

a) Représentation 2D de l’événement 4684540 b) Distribution latérale du signal muonique

FIGURE5.34 - Événement quasi-vertical où les seules stations non saturées sont situées sur un cercle

de 1500 mètres de rayon. L’ajustement pour ces conditions particulières s’avère délicat et conduit,

dans la mesure où β est laissé libre, à des résultats aberrants (courbe en tirets). Dans l’hypothèse où βn’est plus libre mais contraint par le modèle (voir texte), l’ajustement est alors raisonnable (courbe pleine).

L’expression de la probabilité marginale p(β)est déduite, comme nous l’évoquions pré-cédemment, d’événements "propres" sélectionnés de telle sorte que l’ajustement de la LDF muonique soit réalisé sur au moins cinq stations, toutes non saturées (cf.FIG.5.35). La prob-abilité p(β)s’écrit dans ces conditions, sous la forme d’une distribution gaussienne définie selon p(β) = 1 √ 2π σβ exp(β ¯β)2 2 β ! (5.22) où ¯β et σβ sont respectivement égaux à -2.7 et 0.4.

L’expression du logarithme de la vraisemblance devient ainsi ℓ=lnL = −(β ¯β)2 2 βln σβ−ln√ +

i ln fP(ni, µi) (5.23)

En outre, l’ajout d’une probabilité a priori p(β) à l’expression de la vraisemblance im-pose à la démarche de se placer dans un cadre bayesien où, dans cette perspective, la notion de probabilités constitue la traduction numérique d’un état de connaissance. Si cette thèse n’est pas le lieu pour discuter de l’éternel débat entre partisans de l’approche bayesienne et défenseurs de la cause fréquentiste, il est relativement naturel, comme l’explique B. Kégl et al.[226], d’adopter ce formalisme dans le cadre de l’expérience Pierre Auger et donc, à plus forte raison, pour déterminer la distribution latérale du signal muonique. Le principal (voire l’unique) ingrédient à la théorie de Bayes [241] repose sur la relation formelle reliant la fonc-tion de vraisemblance p(x|y)aux probabilités a priori p(y)et a posteriori p(y|x). Le théorème de Bayes s’énonce alors

p(y|x) = p(x|y)p(y) p(x)

où x demeure le signal observé — le nombre de muons mesuré — et où y représente les inconnues — β, Nµ(1000 m)— du système. La difficulté majeure réside dans l’estimation du

β -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 β d dN -4 10 -3 10 -2 10 -1 10 = -2.7 β = 0.4 β σ 2 β σ 2 2 ) β - β ( e ) β p(

FIGURE5.35 - Distribution des valeurs du paramètre β dans le cas d’événements sans station

sat-urée et pour lesquels au moins cinq stations sont concernées par l’ajustement. La courbe rouge

représente la probabilité p(β)définie par une approximation gaussienne.

facteur de normalisation p(x)défini suivant p(x) =

Z

p(x|y)p(y)dy

Sauf dans de rares cas, souvent simples, la quantité p(x) ne peut être évaluée de manière analytique.

Pour faire face à ce problème d’intégration, les outils numériques basées sur des méth-odes de Monte-Carlo se sont développés. Par ailleurs, la majorité de ces techniques utilisent un schéma basé sur une chaîne de Markov où chaque paramètre du vecteur y est généré à partir de l’estimation précédente. La convergence est alors assurée moyennant un ensemble de conditions techniques. Parmi ces méthodes, nous avons exploité la simplicité et la polyva-lence de l’algorithme Metropolis-Hastings [242, 243] dont nous allons décrire formellement le principe à l’aide de la Figure 5.36. Étant donné le signal observé x, les paramètres yinitsont initialisés de telle sorte que la probabilité conditionnelle p(yinit|x)ne soit pas nulle (Ligne 2). Une boucle est ensuite initiée (Ligne 3) où à chaque itération n, les paramètres yn1 sont perturbés (Ligne 4). Le rapport des posteriors

p(ycandidat|x)

p(y|x) (5.24)

est alors évalué (Ligne 5). Nous notons ainsi qu’en effectuant le ratio entre les probabilités a posteriori, le facteur de normalisation p(x)s’élimine. Les nouvelles valeurs de y sont alors acceptées dans la mesure où la probabilité p(ycandidat|x)augmente. Dans le cas contraire, la perturbation est néanmoins autorisée avec une probabilité alors égale au rapport (5.24) (Li-gne 6). Ainsi, l’algorithme explore l’ensemble du domaine de variation du likelihood évi-tant de la sorte de converger vers un maximum local. En tout état de cause, l’ensemble des valeurs y sont conservées (Ligne 8) jusqu’à ce que la convergence, définie par l’utilisateur,

5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique 135

METROPOLIS-HASTINGS(x)

1 P ← {}

2 yyinit

3 faire

4 ycandidaty+∆yinit

5 posterior-ratio ← p(x|ycandidatp(x|y))pp((yy)candidat) 6 si posterior-ratio > r∼ U [0, 1]

7 yycandidat

8 P ← P ∪ {y}

9 jusqu’à convergence

10 retournerP

FIGURE 5.36 - Algorithme Metropolis-Hastings [242, 243]. L’observable est représentée par le

vecteur x qui se trouve être, dans notre cas précis, l’estimation du nombre de muons en fonction de la distance à l’axe.

soit atteinte. À la fin du processus (Ligne 10), chaque paramètre est caractérisé non pas par une seule et unique valeur mais par une densité de probabilité permettant d’évaluer l’e-spérance et la variance de la variable.

Plusieurs conditions sont requises afin de garantir la convergence de la procédure. En particulier, les perturbations aléatoires ∆y doivent être symétriques de façon à assurer l’équiv-alence des chemins aller et retour i.e.

p(y+∆y|y) = p(y|y+∆y)

Par ailleurs, l’amplitude des perturbations ∆y relève d’un savant dosage afin que le taux d’acceptation (Ligne 6) ne soit ni trop grand de telle manière que la chaîne stagne dans des minimalocaux, ni trop faible restreignant alors l’exploration de la distribution du posterior à certaines valeurs. L’optimisation de la convergence qui est en soi un domaine de recherches intensives revêt, de ce point de vue, un intérêt et une attention particulièrem.

Nous appliquons l’algorithme Metropolis-Hastings à l’ensemble des événements de l’Ob-servatoire Pierre Auger. La distribution latérale du signal muonique est alors définie par les densités de probabilités de β et Nµ(1000 m)dont nous pouvons extraire les grandeurs car-actéristiques : valeur moyenne et écart-type. Avant de présenter les résultats, il convient d’apporter quelques précisions sur la procédure mise en place. Ainsi, l’utilisation d’un a priorisur l’indice β de la LDF peut conduire à fausser l’estimation des paramètres. En parti-culier, s’il existe une dépendance de β avec l’énergie de la particule incidente, le prior p(β) déduit des événements de moyenne énergie peut dans ces conditions biaiser la mesure de la LDF pour les événements d’ultra-haute énergie. Aussi, nous n’imposons la contrainte sur β que dans le cas de situations s’y prétant c’est-à-dire lorsque la dynamique en distance radi-ale est inférieure à 500 m. Enfin, le modèle génératif — Eq. (5.23) — développé au cours de cette thèse reste relativement sommaire. Toutefois, la grande force de cette approche réside dans sa capacité à intégrer au modèle, des notions ou états de connaissance nouveaux. Par conséquent, le traitement des stations non-déclenchées ou affectées par le trigger ToT peut

être inclu, à terme, dans l’expression de la vraisemblance.