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Un des objectifs de notre démarche d’enquête a donc été de trouver un cas révélateur, mais aussi informatif, autrement dit, une initiative ou un programme de diversité à suivre avec un fort potentiel de découverte (Gagnon, 2008). Il s’agissait, de prime abord,

123 de trouver un terrain propice pour explorer la question de recherche développée. Le cas a donc été choisi pour sa capacité à renseigner nos questionnements sur la diversité ethnoculturelle. Bien que la sélection du cas dépende également des contraintes organisationnelles, des autorisations et peut-être aussi du hasard des rencontres, il devait être choisi conformément à certains critères de sélection murement réfléchis lors du design du programme de recherche.

Dans notre cas, nous avons établi au préalable certaines caractéristiques que le cas devait obligatoirement posséder. Nous nous sommes ainsi attardée à la nature de l’initiative en question, à l’ampleur du cas, aux acteurs organisationnels, à la taille ainsi qu’au type d’organisation. En nous penchant sur la nature de l’initiative, le but premier était d’étudier une initiative ou un programme qui traitait principalement de diversité ethnoculturelle. Au cours des rencontres que nous avons eues avec les praticiens, plusieurs ont présenté des initiatives qui touchaient principalement à des questions liées au genre, ce qui ne correspondait pas à ce que nous recherchions. Il semblait plus ardu de trouver des initiatives qui tentaient de résoudre des problèmes liés à la diversité ethnoculturelle, un type de diversité qui semblait moins d’actualité au sein des organisations rencontrées.

De plus, plusieurs initiatives qui nous ont été présentées étaient de très courte durée, par exemple, des groupes de discussion de quelques jours, ce qui ne me permettait pas de réaliser une étude en profondeur sur le phénomène. Dans d’autres cas, les initiatives s’étalaient sur une trop longue période, par exemple, un programme de mentorat que l’on étendait sur plusieurs années, rendant ainsi le projet de thèse difficilement réalisable dans ces conditions. Un autre point à mentionner : nous tenions à réaliser cette recherche dans une grande organisation parce que cela nous donnait l’occasion d’interagir avec une grande variété d’acteurs organisationnels, ce qui permettait d’augmenter significativement la

124 diversité des points de vue et des expériences. Partant de ce qui précède, le cas gagnait dès lors en complexité, ce qui rendait l’étude des dynamiques organisationnelles beaucoup plus riche et complète, selon nous.

Bien que l’identité de l’organisation que nous avons finalement choisie doive demeurer confidentielle suivant l’entente prise avec elle, nous allons tout de même, sans la nommer, expliquer brièvement son domaine d’activité afin d’être en mesure de donner une idée plus précise du contexte de déploiement de l’initiative de diversité. Tout d’abord, l’organisation choisie œuvre dans le domaine des technologies depuis un bon nombre d’années déjà. Elle est très hiérarchisée et emploie plusieurs corps de métiers qui lui permettent d’atteindre ses objectifs opérationnels dans divers domaines qui touchent, entre autres, à la technologie de l’information, à la comptabilité, ou au génie, par exemple. Elle compte donc un grand nombre de professionnels (informaticiens, ingénieurs, comptables, avocats, etc.). On compte aussi beaucoup de gestionnaires qui doivent gérer de grandes équipes de travail. Les employés quittent rarement cette organisation de leur plein gré, puisqu’on peut observer un taux de roulement relativement faible.

Répondant à la fois à des impératifs politiques ainsi qu’à une volonté d’innovation et de changement, l’organisation a mis en place un programme de parrainage professionnel pour les personnes récemment arrivées au Canada et n’ayant cumulé que très peu d’expériences de travail en dehors de leurs pays d’origine. Bien que notre recherche ne porte pas spécifiquement sur le phénomène de l’immigration, les personnes embauchées dans le cadre de ce programme représentaient pour cette organisation un type de diversité ethnoculturelle qu’elle voulait valoriser par l’entremise d’initiatives et de programmes. La diversité ethnoculturelle est alors définie par l’organisation comme l’ensemble des différences culturelles et ethniques qui font l’objet d’une prise en compte, étant donné

125 qu’elles sont susceptibles d’avoir une influence sur certains processus organisationnels (innovation, organisation du travail, répartition des tâches, identité au travail, etc.).

Par conséquent, il s’agissait de préparer les groupes de travail afin qu’ils puissent mieux valoriser cette diversité ethnoculturelle que l’entreprise s’apprêtait à accueillir. En somme, l’objectif premier de ce programme de diversité était d’amener les membres de l’organisation à reconnaitre et valoriser la diversité ethnoculturelle. L’entreprise a aussi mené en parallèle un ensemble d’activités de communication (affiches, promotion sur le site web de l’organisation, diner-causerie, etc.) visant à renforcer le message suivant : la diversité ethnoculturelle devait être une priorité pour l’entreprise puisqu’elle pouvait éventuellement être un levier aidant l’entreprise à atteindre ses objectifs de croissance.

Cette initiative a donc nécessité, entre autres, la mise en place de classes de formation, de mentorat et de groupes de discussion. Nous avons été en mesure de suivre le déroulement de ce projet dès ses débuts, et ce, jusqu’à son aboutissement, soit d’avril 2017 à décembre 2018. Dans le courant de l’année 2017, le comité de direction et le nouveau président-directeur général (PDG) de l’entreprise se sont conjointement entendus pour dire que la diversité devenait un enjeu d’affaires important pour l’organisation. Aux dires du PDG, le portrait de l’entreprise n’était pas celui qu’il devrait être en matière de diversité, si bien qu’une responsable a été mandatée en automne 2017 afin de présenter des recommandations en ce sens pour que certains changements soient mis en place en matière de diversité à la fin du plan stratégique prévu pour l’année 2020.

En février 2017, 15 nouvelles initiatives en matière de diversité et d’inclusivité ont ainsi été entérinées par le comité de direction. Parmi ces initiatives, on retrouve le développement d’un programme de parrainage professionnel que nous avons sélectionné

126 comme terrain d’étude. Cette initiative était censée permettre la création d’une plus grande diversité sur le long terme au sein de cette organisation. L’organisation promettait ainsi d’engager, sur une base temporaire, des employés issus de la diversité ethnoculturelle. Ces employés seraient ensuite jumelés avec d’autres plus expérimentés, censés leur offrir un soutien tant au niveau des tâches que de leur intégration au sein des équipes de travail.

Dans la foulée de la mise en place de cette initiative, une équipe de projet a été mise sur pied afin de mener à bien le projet, ouvrant ainsi la voie à la création d’un environnement de travail diversifié et inclusif. Ce groupe de travail devait, entre autres, définir les différents paramètres du projet afin de favoriser l’embauche de plusieurs travailleurs issus de la diversité. Dans les semaines qui ont suivi sa mise en place, le comité a décidé d’organiser des réunions de travail auxquelles nous avons pu assister. Dans ce choix de terrain, nous nous retrouvions dans une excellente position pour observer les dynamiques en jeu dans le déroulement de ce type d’initiatives. Nous étions, en effet, en plein cœur de la mise en place d’un nouveau projet et nous étions devenue une collaboratrice au sein de ce nouveau programme qui visait à la diversification de la main- d’œuvre d’une grande organisation.

Nous avons été en mesure de repérer une informante digne de confiance et qui occupe un poste stratégique dans l’organisation. Elle nous a ainsi permis d’avoir accès au terrain d’enquête et de rencontrer et côtoyer par la suite d’autres informants qui se trouvaient aux premières loges du déploiement de cette initiative. L’informante en question occupait une position clé au sein de l’organisation puisqu’elle était responsable à la coordination de la mise en place de plusieurs initiatives de diversité. Elle siégeait au sein de différents comités qui discutaient des enjeux de diversité et occupait une place médiane dans la hiérarchie, ce qui lui permettait de communiquer avec une importante brochette

127 d’acteurs. C’est d’ailleurs par son entremise que nous avons pu contacter les participants, ce qui nous a permis de réaliser une série d’entretiens essentiels à l’élaboration du corpus dont l’analyse sera présentée dans le prochain chapitre.

Néanmoins, l’étude de la trajectoire de cette initiative fût limitée. Nous n’avons pas pu suivre, par exemple, les participants dans leur unité de travail respective. Pour pallier cette limitation, nous avons donc procédé à deux séries d’entretiens pour comprendre comment ils ont vécu cette expérience. Aussi, lors du déploiement de l’initiative, les rencontres de travail était moins fréquentes et impliquaient principalement la haute direction de l’entreprise et nous n’avons malheureusement pas eu accès à ce type de rencontres. Néanmoins, ils nous a été possible d’assister à une série de réunions au début de l’initiative et de rencontrer les participants à deux moments distincts du projet, soit lors du déploiement et lors de la phase de clôture. Nous étions aussi présente sur le terrain d’enquête, à raison d’un minimum de trois fois par semaine. Nous étions aussi impliquée dans des activités de communication entourant le projet, par exemple, la recherche pour la création de contenu web. Nous verrons plus en détail tout ce qui a trait à la collecte de données et au travail de terrain dans la prochaine section.