réplication virale
3. Sélection de cellules résistantes à l’apoptose induite par la BFA
D’une manière complémentaire au travail précédent, nous avons sélectionné des cellules résistantes à la BFA. Elles ont été sélectionnées à partir de la lignée permissive au virus Huh-‐7 avec des concentrations de BFA allant de 40 à 100 ng/ml.
Ces lignées peuvent être divisées en 2 groupes : les lignées du groupe I (R1, R2) nécessitent 100 fois plus de BFA que les Huh-‐7 pour montrer des phénotypes semblables aux lignées parentales en viabilité cellulaire, sécrétion d’albumine et infection HCV. Les lignées du groupe II (R3 à R7) sont environ 10 fois plus résistantes à la BFA que les Huh-‐7 concernant la viabilité cellulaire et la sécrétion d’albumine, mais conservent presque la même sensibilité à l’infection HCV que les Huh-‐7.
La résistance du groupe I est expliquée par une mutation ponctuelle dans le domaine sec7 de GBF1 (M832L) connue pour diminuer l’affinité de la BFA à GBF1. Il semblerait que ce résidu M832 participe par des liaisons van der Waals à l’interaction du domaine sec7 avec la BFA. Nous avons pu montrer que l’expression du GBF1-‐M832L complémente l’infection HCV (Goueslain et al., 2010). La viabilité cellulaire et la sécrétion d’albumine. Cette mutation ponctuelle explique donc certainement le phénotype des lignées R1 et R2. Le phénotype observé pour les cellules du groupe II, n’est pas associé à des mutations dans les cibles connues de la BFA, puisqu’aucune mutation n’a été trouvée dans GBF1, BIG1, BIG2 ou même dans les Arf sensibles à la BFA (Arf1-‐ Arf3-‐ Arf4-‐ Arf5). La raison la plus probable de leur résistance pourrait être recherchée dans la voie inductrice de l’apoptose en réponse au blocage de sécrétion des protéines par la BFA. L’étude de cette voie appelée UPR (unfolded protein response) pourrait fournir des renseignements supplémentaires sur l’origine de leur résistance. D’éventuels phénomènes compensatoires peuvent être à l’origine du fonctionnement partiel du système de sécrétion de ces cellules en présence de BFA.
D’une manière inattendue, pour des concentrations de BFA comprises entre 1 et 10 µg/ml BFA, le cis-‐Golgi des R1 et R2 était désassemblé, et pourtant la voie de sécrétion était toujours fonctionnelle. Ceci indique l’existence d’une dichotomie entre la morphologie du cis-‐Golgi et la fonctionnalité de la voie de sécrétion. De la même manière pour les Huh-‐7, les EC50 de l’inhibition de la sécrétion et du changement de la
102 morphologie du cis-‐Golgi sont différentes. Dans les mêmes conditions, les MDCK ne montrent pas de changements morphologiques du Golgi, mais seulement à des concentrations plus élevées par rapport aux R1, R2. Ces résultats confirment que la mutation M832L diminue la liaison de la BFA à GBF1 et suggèrent qu’elle ne l’inhibe pas complètement (Peyroche et al., 1999) (Niu et al., 2005). Ceci pourrait être expliqué par le fait que le résidu M832 n’est pas le seul à engager des interactions avec la BFA.
La différence de sensibilité de la morphologie du Golgi en présence de BFA entre les R1, R2 d’une part et les MDCK d’autre part reste inexpliquée. Cette dernière pourrait être en relation avec le nombre de copies du GBF1-‐M832L. Les cellules de chien n’expriment que le GBF1 mutant, tandis que dans les R1, R2 on trouve une co-‐expression des protéines sauvage et mutée. Il a été rapporté que dans des cellules HeLa, le changement de la morphologie du cis-‐Golgi pouvait résulter de l’effet de la BFA sur BIG1 (Boal et al., 2010). Nous n’avons pas observé d’effet sur la morphologie du Golgi en réduisant l’expression de BIG1 dans les Huh-‐7 à l’aide de siRNA.
La fonction précise de GBF1 pendant l’infection HCV reste à élucider. Par ailleurs, il a été montré que GBF1 était impliqué dans la réplication de plusieurs virus à ARN de polarité positive comme les Picornaviridae, Coronaviridae et Flaviviridae (Belov et al., 2008) (Lanke et al., 2009) (Goueslain et al., 2010). La réplication de ces virus se fait dans des structures membranaires provenant du RE. Nous supposons que GBF1 joue un rôle dans le recrutement de lipides et/ou de protéines indispensables pour les complexes de réplication HCV (Goueslain et al., 2010). Ces données consolident les observations des résultats des cellules résistantes du groupe II, puisque pour la valeur de 1 µg/ml BFA l’infection HCV est totalement inhibée pourtant la voie de sécrétion est partiellement fonctionnelle (18-‐44%). Cette différence de sensibilité à la BFA entre l’infection HCV et la voie de sécrétion de la cellule est en faveur d’une fonction additionnelle de GBF1 pendant l’infection, distincte de son rôle de régulation de la voie de sécrétion.
Il a été montré que le domaine N-‐terminal de GBF1, dépourvu du domaine sec7 pouvait complémenter l’inhibition de la réplication du poliovirus par la BFA, ce qui indique que l’effet de GBF1 sur l’infection poliovirus n’implique pas le domaine sec7 ou l’activation de Arf1. En ce qui concerne le HCV, nous avons aussi pu montrer que Arf1 était nécessaire à l’infection, ce qui n’empêche pas un éventuel rôle supplémentaire de GBF1 qui ne passerait pas par l’activation de Arf1. Il serait donc intéressant de vérifier si le
domaine N-‐terminal de GBF1 était capable de complémenter l’inhibition de l’infection HCV par la BFA.
Les résultats de cette partie font l’objet de la publication :
Farhat, R., Goueslain, L., Wychowski, C., Belouzard, S., Fénéant, L., Jackson, C. L., Dubuisson, J. & Rouillé, Y. (2013). Hepatitis C virus replication and Golgi function
in brefeldin a-‐resistant hepatoma-‐derived cells. PLoS ONE 8, e74491
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