Avant l’identification en 1989 de l’agent responsable de l’hépatite C, il a été relevé que chez les patients souffrants d’une hépatite une diminution de la production d’IFN a été observée. Pour cela le premier recours thérapeutique a été d’administrer de l’IFN aux patients dans le but de combler le déficit observé suite à l’infection (Hoofnagle et al., 1986).
L’IFN agit comme antiviral en facilitant l’accès aux cellules du système immunitaire au site d’infection et en augmentant l’activité cytotoxique des cellules CD8+, en améliorant les cellules CD4+ mémoires et en modulant l’expression en surface de certaines protéines du CMH (Feld & Hoofnagle, 2005). La ribavirine est un analogue nucléosidique de la guanosine avec un large spectre d’action. Elle a été utilisée avec l’IFN en bithérapie puisqu’elles avaient un effet synergique. La ribavirine favorise l’action de la voie TH1 de la réponse adaptative CD4+ qui semble pousser la balance vers la clairance virale. Elle participe aussi au blocage de la traduction virale et à la diminution des stocks de GTP nécessaire à la réplication de HCV (Galmozzi et al., 2012)
a) La bithérapie contre l’hépatite C
L’administration de l’IFN-‐α couplée à la ribavirine a été pendant plusieurs années la bithérapie utilisée contre l’hépatite C. Cependant cette thérapie présente plusieurs effets secondaires dont le temps du traitement qui s’étendait sur plusieurs mois, la demi-‐vie courte de l’IFN qui oblige l’administration très fréquente, les effets indésirables de l’IFN plus précisément et la variabilité de l’efficacité selon le génotype du virus.
Des améliorations ont été apportées pendant ces dernières années à l’IFN-‐α en la couplant à une molécule de polyéthylène glycol (PEG) qui permettrait d’augmenter la demi-‐vie de l’IFN et par conséquent diminuer la fréquence d’administration aux patients. Cette nouvelle thérapie serait à l’origine d’une réponse virologique soutenue (RT-‐qPCR négative pour l’ARN HCV) variant de 6-‐ 12 mois selon le génotype viral (Poynard et al., 2003).
Les nombreux effets secondaires, le coût élevé, la différence d’effet vis à vis des génotypes et la non-‐spécificité de la bithérapie nous poussent à la recherche d’une nouvelle thérapie contre l’hépatite C qui serait dépourvue d’IFN et ciblant plus précisément le virus.
32
b) La trithérapie contre l’hépatite C
La bithérapie contre l’hépatite C ciblait toujours l’immunité de l’hôte en régulant la réponse immunitaire contre le virus et en facilitant la cytotoxicité des cellules CD8+. Pour augmenter l’efficacité de cette thérapie, il serait nécessaire donc d’utiliser des molécules ciblant directement les protéines virales ou leurs fonctions.
Depuis 2011, deux molécules sont utilisées en trithérapie et approuvées par la FDA et EMA ; le bocéprévir et le télaprévir. Ces molécules inhibent l’activité de la protéase virale NS3 en inhibant le clivage de la polyprotéine de HCV nécessaire à l’initiation de la réplication de l’ARN (Reesink et al., 2006),(Poordad et al., 2011). L’administration de ces deux inhibiteurs en complément de la bithérapie classique permet d’augmenter l’efficacité du traitement de 40 à 70% pour les génotypes les plus difficiles. L’inconvénient majeur de ces 2 molécules est qu’elles ne peuvent pas être utilisées en monothérapie, puisque des virus résistants au télaprévir ont été observés seulement 14 jours après le début du traitement (Reesink et al., 2006).
L’utilisation de ces 2 nouvelles molécules améliore nettement l’efficacité du traitement mais augmente aussi les effets indésirables dus à l’IFN, d’où la nécessité de trouver des traitements dépourvus d’IFN
c) La révolution du traitement de l’hépatite C
Les données accumulées pendant plusieurs années sur le cycle viral de HCV, ainsi que sur les facteurs et les mécanismes que le virus utilise pendant les différentes étapes de son cycle, ont facilité la recherche de molécules antivirales ciblant aussi bien le virus que l’hôte. On parle de DAA (direct-acting antiviral) pour toute molécule qui cible directement les protéines virales ou leur fonction et de HTA (host-targeted agents) pour toute molécule ciblant un facteur de l’hôte nécessaire ou détourné par le virus à son profit.
Les différentes classes sont représentées dans la tableau 1 Ces molécules ciblent des facteurs cellulaires ou viraux différents. Leur combinaison aurait un effet synergique ou additif entre elles ou avec l’IFN. Le risque d’émergence de
nouveaux virus résistants au traitement ainsi que l’efficacité selon les génotypes sont différents selon chaque molécule (Pawlotsky, 2014).
`
d) Futures stratégies
La combinaison de ces nouvelles molécules entre elles et avec l’IFN est efficace pour le traitement de l’hépatite C. Cependant vu les effets indésirables de l’IFN, des futurs traitements planifient d’arrêter l’IFN. Elles sont combinées ou pas à la ribavirine. Ces molécules sont présentées dans le tableau 2 (Pawlotsky, 2014).
e) Tentatives de vaccination
Malgré les avancées dans le traitement de l’hépatite C, la prévention par vaccin reste le but majeur. Les tentatives de développer un vaccin sont confrontées souvent au problème de l’hétérogénéité du virus. 7 génotypes de HCV ont été décrits pour l’instant présentant une grande différence notamment au niveau des glycoprotéines d’enveloppe. De plus le virus circule sous la forme de quasi-‐ espèces au sein d’un même patient.
Des essais de vaccination ont été réalisés sur des chimpanzés avec des hétérodimères purifiés de E1E2. Une production d’anticorps ainsi qu’une induction de la réponse cellulaire ont été observés (Choo et al., 1994).
Une autre étude plus récente montre que l’utilisation de pseudo-‐particules chimériques portant à leur surface les glycoprotéines d’enveloppe E1E2 de HCV, induit une production massive d’anticorps neutralisants aussi bien chez la souris que chez le macaque (Garrone et al., 2011).
Depuis quelques années, des études ont montrées que la fusion d’une protéine E1 ou E2 de HCV à la protéine S de HBV n’influence pas l’assemblage et la sécrétion des particules sub-‐virales produites par les cellules exprimant la protéine S. Ces particules chimériques HBV-‐HCV contiennent à leur surface les glycoprotéines E1E2 ayant un pouvoir immunogène contre HCV (Patient et al., 2009). Cette stratégie permet d’avoir une production d’anticorps neutralisants nécessaires à la clairance virale, ce qui la rend utile pour une utilisation prophylactique (Beaumont et al., 2013).
34 Agent class Generation Compound Manufacturer Phase of clinical development
Telaprevir Vertex, Janssen, Mitsubishi Approved First-‐wave, first-‐
generation
Boceprevir Merck Approved Simeprevir Janssen Approved Faldaprevir Boehringer-‐Ingelheim III Asunaprevir Bristol-‐Myers Squibb III ABT-‐450/r Abbvie III Danoprevir/r Roche II Sovaprevir Achillion IIa
Vedroprevir Gilead II IDX320 Idenix II Second-‐wave,
first-‐generation
Vaniprevir Merck III (Japan) MK-‐5172 Merck III NS3-‐4A protease inhibitors
Second-‐generation
ACH-‐2684 Achillion II Sofosbuvir Gilead Approved Nucleotide
analogues VX-‐135 Vertex IIb
Nucleoside/nucleotide
analogues Nucleoside
analogue Mericitabine Roche II BMS-‐791325 Bristol-‐Myers Squibb III Thumb domain I
inhibitors
TMC647055 Janssen II Lomibuvir Vertex II Thumb domain II
inhibitors GS-‐9669 Gilead II Dasabuvir Abbvie III ABT-‐072 Abbvie II Non-‐nucleoside inhibitors
of the HCV RdRp
Palm domain I inhibitors
Setrobuvir Roche II Daclatasvir Bristol-‐Myers Squibb III Ledipasvir Gilead III Ombitasvir Abbvie III PPI-‐668 Presidio II PPI-‐461 Presidio II ACH-‐2928 Achillion II GSK2336805 GlaxoSmithKline II BMS824393 Bristol-‐Myers Squibb II First-‐generation
Samatasvir Idenix II MK-‐8742 Merck II ACH-‐3102 Achillion II NS5A inhibitors
Second-‐generation
GS-‐5816 Gilead II Alisporivir Novartis IIc
Cyclophilin inhibitors First-‐generation
SCY-‐635 Scynexis II Antagonist of miRNA-‐122 First-‐generation Miravirsen Santaris II
B. Le virus de l’hépatite C
1)
Classification du virus de l’hépatite C
Le virus de l’hépatite C est classé dans la famille des Flaviviridae sous le genre Hepacivirus (Choo et al., 1989). Son génome constitué d’une molécule d’ARN simple brin de polarité positive, effectue sa réplication par une ARN polymérase ARN-‐dépendante dépourvue d’une activité de correction. On estime que 1012 virions sont produits par jour avec une fréquence d’erreur de la polymérase de l’ordre de 10-‐4 à 10-‐5 erreur par nucléotide. Ceci serait la cause majeure d’un grand pourcentage de mutation et par conséquent la présence de quasi-‐espèces au sein d’un même patient (Neumann, 1998). La présence de quasi-‐espèces
Strategy Company Nucleoside/nucleotide analogue
NS3-4A protease inhibitor NS5A inhibitor Non- nucleoside inhibitor of HCV RdRp Cyclophilin inhibitor Ribavirin
Gilead Sofosbuvir Ledipasvir ±
Gilead Sofosbuvir GS-‐5816 ±
Gilead Sofosbuvir Ledipasvir GS-‐9669 -‐
Gilead Sofosbuvir Vedroprevir Ledipasvir -‐
Gilead/Janssen Sofosbuvir Simeprevir ±
Gilead/Bristol-‐Myers
Squibb Sofosbuvir Daclatasvir ±
Vertex VX-‐135 Lomibuvir Vertex/Janssen VX-‐135 Simeprevir ± Vertex/Bristol-‐Myers Squibb VX-‐135 Daclatasvir ± Nucleoside/nucleotide analogue-‐based strategy Roche (emerging
markets) Mericitabine Danoprevir/r Setrobuvir ±
Abbvie ABT-‐450/r Ombitasvir Dasabuvir ±
Bristol-‐Myers Squibb Asunaprevir Daclatasvir BMS791325 ± Boehringer-‐
Ingelheim/Presidio Faldaprevir PPI-‐668 ?a ± Janssen/GlaxoSmithKline Simeprevir GSK2336805 TMC647055 ± Nucleoside-‐free triple
combo strategy
Janssen/Idenix Simeprevir Samatasvir TMC647055 ±
Merck MK-‐5172 MK-‐8742 ±
Achillion ACH-‐2684 ACH-‐3102 ±
Nucleoside-‐free double combo strategy with a high-‐barrier-‐to-‐
resistance drug Novartis Alisporivir ±
Tableau 2 : molécules en essai cliniques pour un traitement sans IFN (Pawlotsky, 2014).