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Cu en contact avec Bi liquide

I. B.2 Ségrégation du bismuth aux joints de grains du cuivre Alliage Cu B

Alliage Cu-Bi

Figure I.B.5 Représentation schématique de la situation conduisant à la ségrégation intergranulaire du bismuth dans le cuivre.

Le système cuivre / bismuth est considéré comme un système modèle présentant une très forte ségrégation intergranulaire conduisant à la fragilité du cuivre (figure I.B.5). Encore une fois, nous n’avons pas souhaité présenter tous les travaux dédiés à l’étude des différents aspects de ce phénomène, mais plutôt en donner les principales caractéristiques. Le lecteur intéressé pourra se reporter à [FRA-1985, FRA-1986] pour prendre connaissance des travaux « pionniers » réalisés à l’ENSM-SE et à [SIG-2002] afin d’acquérir la vision la plus récente relative notamment aux liens entre la ségrégation intergranulaire, le facettage des joints de grains ségrégés et la fragilité intergranulaire dans les alliages de cuivre dopés en bismuth.

I.B.2.1 Données expérimentales

C’est un euphémisme d’affirmer que de nombreux auteurs ont étudié la ségrégation intergranulaire du bismuth dans le cuivre, tant la fragilité intergranulaire du cuivre due à l’impureté bismuth peut être considérée comme « modèle ». La première étude publiée remonte ainsi à 1947 [VOC-1947] dans laquelle les auteurs mettaient déjà en évidence l’effet fragilisant du bismuth en tant qu’impureté dans le cuivre. A partir des années 1970 et avec l’avènement de nouvelles techniques telles que la spectroscopie d’électrons Auger par exemple, les études se sont succédées sur ce sujet et ont permis de conclure que le facteur de ségrégation intergranulaire s peut être très grand (supérieur à 104) et dépend des paramètres cristallographiques du joint de grains (les joints de faible désorientation étant l’objet d’une faible ségrégation intergranulaire).

Très récemment, Chang a consacré sa thèse à ce sujet [CHA-1998u]. Il a notamment obtenu des résultats concernant la limite de solubilité du bismuth dans le cuivre [CHA-1997p] et les cinétiques de ségrégation intergranulaire [CHA-1999k]. Mais son travail a essentiellement porté sur la quantification (par spectroscopie d’électrons Auger) des teneurs

en bismuth obtenues aux joints de grains du cuivre après un traitement de ségrégation [CHA- 1999t]. Sa première conclusion majeure est la suivante : à basses températures (T < 700°C environ), la ségrégation intergranulaire du bismuth peut conduire jusqu’à la présence de 2 monocouches équivalentes de bismuth pur aux joints de grains du cuivre avec seulement quelques dizaines de ppm de bismuth en volume au départ (figure I.B.6). Cela donnerait ainsi un facteur de ségrégation intergranulaire s de l’ordre de 105. De plus, il constate que ce taux de bismuth présent aux joints de grains du cuivre chute très brusquement vers des valeurs plus faibles (environ 1 monocouche équivalente : voir figure I.B.6) en augmentant la température à partir de 700°C environ [CHA-1997s].

Cette brusque variation ne pouvant pas s’expliquer à l’aide d’isothermes de ségrégation classiques (du type McLean), Chang a imaginé un modèle de pré-mouillage selon lequel une transformation de phase aurait lieu au sein même des joints de grains présentant une forte ségrégation en bismuth. Si cette modélisation a le mérite d’être originale, il n’en demeure pas moins qu’on peut lui opposer un certain nombre de remarques.

Figure I.B.6 Concentration intergranulaire en bismuth (exprimée en monocouches équivalentes) aux joints de grains du cuivre en fonction de la température (alliage de départ : Cu-25at.ppmBi) [CHA-1997s].

La première remarque est sémantique . Le nom de son modèle de « pré-mouillage » nous paraît relativement ambigu dans le sens où il semble faire référence à un état précédant le mouillage intergranulaire discuté dans la partie I.A. On pourrait ainsi s’attendre à ce qu’en augmentant la température, le mouillage apparaisse, car c’est un phénomène apparaissant à haute température. Or, la figure I.B.6 montre bien que ce « pré-mouillage » intervient à basses températures mais est suivi par une décroissance de la concentration intergranulaire en

lorsqu’on augmente cette concentration volumique, à température constante, on passe alors du « pré-mouillage » au mouillage.

La seconde remarque que l’on peut opposer au modèle de pré-mouillage concerne sa justification physique. Dans sa publication, Chang fait également référence aux résultats plus anciens de Menyhard [MEN-1989] qui avait observé un comportement identique du système cuivre/bismuth et l’avait expliqué à l’aide de l’isotherme de ségrégation de Fowler- Guggenheim. La figure I.B.6 montre qu’une telle isotherme de ségrégation peut parfaitement décrire les résultats observés expérimentalement et il devient donc difficile de justifier l’introduction d’une autre description telle que le modèle de pré-mouillage. L’utilisation de l’isotherme de ségrégation de Fowler-Guggenheim permettant de décrire correctement les résultats les plus récents obtenus sur le système cuivre/bismuth (cf. figure I.B.6), nous jugeons opportun de la présenter de manière détaillée dans le paragraphe suivant.

Figure I.B.7 Diagramme binaire cuivre / bismuth selon Chang à proximité de la limite de solubilité du bismuth dans le cuivre [CHA-1998u].

I.B.2.2 Isotherme de ségrégation intergranulaire de Fowler-Guggenheim

A la différence d’une isotherme de McLean [MCL-1957], cette isotherme introduit un coefficient d’interaction α (homogène à une énergie) qui prend en compte les interactions potentielles entre atomes ségrégés aux joints de grains. L’équation s’écrit ainsi de la manière suivante :

0 0 exp 1 GB s GB V GB GB GB V C G C C C C C C RT α ⎡ ∆ + ⎤ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ = × − − − ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎣ ⎦ (E.I.B.1)

avec : concentration intergranulaire en élément ségrégeant, : concentration intergranulaire maximale en élément ségrégeant, : concentration volumique de l’élément ségrégeant et GB C CGB0 V C s G

∆ : énergie libre de ségrégation intergranulaire.

Dans le cas du système cuivre / bismuth, l’interaction entre atomes de bismuth est attractive au sein des joints de grains du cuivre [ALB-1999, MEN-1989] et α est donc négatif. Les variations de cGB en fonction de la température quand α varie, à cV constante, sont

présentées sur la figure I.B.8. On constate ainsi, que la brusque variation de concentration intergranulaire en bismuth constatée par Chang peut être interprétée à l’aide d’une isotherme de ségrégation de Fowler-Guggenheim introduisant une forte énergie d’attraction entre les atomes de bismuth ségrégés aux joints de grains du cuivre (évaluée entre –13 et –43 kJ/mol dans [ALB-1999]). C’est donc cette isotherme qui sera utilisée dans nos modélisations qui nécessiteront la prise en compte de la ségrégation intergranulaire du bismuth dans le cuivre.

Température (°C) 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 300 400 500 600 700 800 0 GB GB

C

C

c

d

e

f

Température (°C) 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 300 400 500 600 700 800 0 GB GB

C

C

c

d

e

f

Figure I.B.8 Représentation schématique de l’évolution de la concentration intergranulaire en fonction de la température d’après l’isotherme de ségrégation de Fowler-Guggenheim (équation I.B.1) avec :

Gs = -60 kJ/mol, cV = 50 at.ppm et

Sur la figure I.B.8, on constate bien que la ségrégation intergranulaire diminue lorsque la température augmente. On peut noter qu’une telle évolution est en forte contradiction avec le phénomène de mouillage intergranulaire qui prédit la formation d’un film liquide « épais » à haute température.