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PARTIE II: LA LOI COMME VECTEUR DE PROMOTION DE LA SANTÉ

B. La sécurité:

La sécurité est un objectif important en santé publique dans l’élaboration des stratégies d’intervention de nos pouvoirs publics. Le bien-être de la population étant un élément fondamental pour l’État, il est donc impératif que les interventions gouvernementales visant à améliorer le bien-être de sa population soient effectuées en toute sécurité. Pour ce faire le législateur intervient dans deux champs bien distincts: la structure organisationnelle qui est encadrée dans les moindres détails et donc sécuritaire car normalisée et contrôlée entièrement par l’État, et l’acte médical qui est lui aussi contrôlé pour assurer la sécurité et le bien-être des femmes y ayant recours.

i) Structure organisationnelle

Pour la mise en place de sa politique en matière de procréation assistée, le gouvernement a conçu une structure unique et spécifique qui n’est pas intégrée au système général de santé au Québec et qui fait bande à part. Le gouvernement a en effet crée les Centres de procréation assistée (ci-après les Centres) qu’il contrôle dans les moindres détails.

Les articles 2 et 6 de la Loi prévoient que désormais, aucune activité de procréation assistée ne peut être exercée ailleurs que dans ces Centres pour lesquels d’ailleurs un permis doit être délivré par le ministre. Il existe une

exception à ce principe97. En effet, certaines activités dont la prescription de

stimulants ovariens ou l’induction à l’ovulation, les folliculogrammes, le prélèvement et le traitement du sperme à des fins d’insémination, la congélation et l’entreposage du sperme et l’insémination artificielle, peuvent être exercés ailleurs que dans un Centre. Mais de manière générale, pour exercer toutes autres activités de procréation assistée au Québec, tout Centre doit être titulaire d’un permis émis par le gouvernement et qui impose une série d’obligations et de conditions auxquelles il doit se conformer.98 On lui impose d’abord d’être dirigé par un médecin titulaire d’un certificat de spécialiste en obstétrique-gynécologie ou de posséder une formation jugée équivalente.99 Par la suite, le gouvernement normalise et standardise le respect des normes d’équipement, de fonctionnement comme les normes opératoires100 et de disposition du matériel.

ii) L’acte médical

Bien que toute activité et acte médical pratiqués au Québec soient assujettis aux bons standards de pratique, le gouvernement a pris soin de préciser ceux qui devaient s’appliquer dans les Centres qu’il contrôle désormais. Le gouvernement pour assurer la sécurité des personnes ayant recours aux techniques de procréation assisté exige une standardisation des méthodes utilisées.

                                                                                                               

97  Règlement  sur  les  activités  cliniques  en  matière  de  procréation  assistée  C.  A-­‐5.01,  r.1.  

art.  16.  

98  Supra  note  5,  articles  11  à  24.     99  Supra  note  5,  article  11.  

L’article 7 de la loi par exemple, prévoit l’obligation de respecter les conditions et les normes déterminées par le gouvernement. L’article 13 vise le même objectif en ce qui a trait aux procédures opératoires normalisées. L’article 11 impose au directeur du Centre, l’obligation « de s’assurer que les activités de procréation assistée exercées dans les centre respectent une pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l’éthique et que le centre et les personnes qui y exercent ces activités respectent la présente loi et toute autre loi ou norme applicable dans ce domaine. Le directeur doit, en outre, se conformer aux obligations prévues par règlement. »

On retrouve ainsi à au moins trois occasions, l’obligation pour le médecin exerçant dans un Centre de suivre les normes de bonnes pratiques sécuritaires telles qu’édictées par le gouvernement. Bien qu’à notre avis ces articles n’ajoutent rien en tant que tel puisque le régime général de responsabilité civile et les normes standards de pratiques en vigueur au Québec étaient suffisantes pour assurer la qualité et la prestation sécuritaire de soins, ils soulignent néanmoins l’importance qu’accorde le législateur aux standards élevés de pratique et de sécurité en cette matière.

Ainsi, comme on le voit, l’État contrôle à la fois, le cadre dans lesquelles les activités de procréation assistée sont pratiquées et la manière dont elles le sont. Ce fait est d’ailleurs parfaitement évident puisque la loi exclut et interdit

spécifiquement deux types de pratiques qui sont jugées non sécuritaires pour les femmes et les enfants qui pourraient en être issus.

La première interdiction vise le transfert d’embryon chez une femme qui n’est plus en âge de procréer.101 Le gouvernement prend d’ailleurs bien soin d’indiquer que cette restriction, que certains pourraient percevoir comme une restriction à l’autonomie décisionnelle des femmes102, est faite pour assurer la santé de la femme et de l’enfant et se conformer aux normes médicalement reconnues. Il n’invoque pas à cet égard une quelconque considération éthique. Cette restriction est appréciable et soulève plusieurs questions importantes mais rejoint les objectifs de santé des femmes et de santé publique recherchés par le gouvernement. Certaines données scientifiques démontrent en effet que les femmes plus âgées ayant recours aux techniques de procréation assistée courent un plus grand risque pour leur santé et celle de l’enfant qu’elles pourraient porter103. Les coûts sociaux engendrés par ce phénomène sont aussi susceptibles d’être importants. On peut notamment penser aux probabilités que les enfants nés de mères ayant dépassé l’âge de procréer se retrouvent orphelins avant même d’avoir atteint l’âge de la maturité.104 Ce sont à notre avis, principalement ces coûts potentiels pour la société qui ont justifié le gouvernement d’interdire cette pratique.

                                                                                                               

101  Supra  note  5,  article  10.  

102  Abby  Lippman,  “Never  too  Late:  Biotechnology,  Women  and  Reproduction”,  (1995)  40  

McGill  Law  Journal,  875.  

103  Fidler  Anne  T,  et  Bernstein  Judith,  Infertility  :  From  a  Personal  Public  Health  Problem  

(1999)  114  Public  Health  Report,  p.  499.  

La seconde est relative au nombre d’embryons susceptible d’être implanté chez une femme ayant recours aux techniques de reproduction. Le standard de pratique imposé par le gouvernement 105 est l’implantation d’un embryon à la fois sauf les exceptions prévues à cet article.

Nous croyons encore une fois que le choix du législateur en l’instance est basé sur des impératifs de santé publique. La sécurité et la santé des femmes et des enfants issus de ces techniques sont de première importance, non seulement sur le plan individuel mais aussi collectif. Les grossesses multiples présentent des risques non négligeables pour les femmes durant leur grossesse et au moment de la naissance. Les grossesses multiples de plus, engendrent un nombre important de naissances prématurées, un taux de mortalité élevé chez les enfants et sont à la source de plusieurs problèmes potentiels de développement et d’adaptation chez les enfants pour le reste de leur vie106. Il est clair que l’interdiction de cette pratique, si elle vise la santé individuelle des femmes et des enfants, touche aussi sans conteste le maintien des coûts économiques et sociaux pour la société toute entière.

En ce basant sur les données scientifiques et des études épidémiologiques empiriques et en justifiant ces choix à travers la santé publique, l’État peut aussi

                                                                                                               

105   Sauf   exception   compte   tenu   de   l’âge   voir   article   17   du   Règlement   sur   les   activités  

cliniques  en  matière  de  procréation  assistée,  Supra  note  97.  

répondre à ceux et celles qui l’accuserait d’adopter une position paternaliste107

voire de brimer leur autonomie décisionnelle en ne les laissant pas choisir le nombre d’embryons à implanter ou en exerçant une discrimination d’accès basé sur l’âge. Il s’agit à notre avis, de sages décisions du gouvernement qui a au moins le mérite – pour une fois - de mettre des balises normatives claires et parfaitement justifiables sur l’accès à ces technologies, pour des motifs de santé et de sécurité.

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