La reconstruction de l’autoconstruction
3. Sécurité et innovation informelle
Il est tout à fait remarquable de voir qu'à partir des activités informelles, il peut naître d'autres activités, tout aussi informelles, mais non moins importantes, surtout du point de vue d'une population citadine qui a un besoin grandissant à la fois de stabilité et de sécurité. Il semble être plus facile et astucieux pour les tôliers de l'informel de gérer la sécurité du quartier à partir de leurs connaissances spontanées du milieu, que pour les groupes d'autodéfense de s'organiser pour surveiller le quartier en tenant tout le monde pour potentiel suspect.
Cette informalité sécuritaire qui émerge dans un cadre vernaculaire est originale et devient très importante pour une population qui est sans cesse sur le qui‐vive. L'originalité se révèle aussi quand on considère qu'à partir d'un ensemble banal et sous sa variante informelle, une forme sociale structurée arrive à naître et s'établir prenant un sens et une utilité nouvelle. Les populations ne décrivent pas ce phénomène comme quelque chose qui a toujours été. Mais comme une forme tout à fait récente et qui s'est intensifiée avec la recrudescence du banditisme et de l'insécurité en général. On a relevé une volonté manifeste des organes officiels de sécurité de collaborer avec quelques personnes locales, liant ainsi formel et informel. C'est dans ce sens que Alssayad N., reprenant Keith Hart observe que "the informal often engage in petty [formal] to
Biyem‐Assi dans lequel nous observons la pratique de la tôlerie automobile est un quartier qui rassemble une grande quantité de garages de tôlerie automobile. Cette forme entreprenariale est très répandue. Mais en même temps, le quartier est très souvent troublé par des actes de vols, de violence ou de banditisme. Ce banditisme s'attaque aussi aux biens de ces garages là. Voilà comment une volonté de la part des tôliers ou propriétaires de sécuriser leurs garages émerge. À la suite d'une activité informelle et d'une conjoncture sociale, apparait une autre activité informelle, la sécurisation. Une sécurisation qui va désormais plus loin que les simples garages de tôlerie, pour toucher l'ensemble du quartier.
Conclusion
L’idée de départ était de comprendre comment le secteur informel dans ses manifestations propres arrive à participer aux activités sécuritaires. L’intérêt étant tout d’abord de saisir les logiques qui impliquent des acteurs variés dans la résolution des problèmes auxquels ils font face au quotidien; ensuite de voir comment un même type d’acteurs peut s’intéresser et résoudre deux problèmes différents ; enfin de dire aussi que le secteur informel ‐ que d’aucuns considèrent comme une problème ‐ a lui même des difficultés qui menacent son bon fonctionnement et celui des personnes qui y travaillent. On a vu que créer des activités économiques est un défi pour les populations. Cette informalité économique constitue un réseau d'expressions sociales. Mais assurer la pérennité des activités économiques créées reste un gage. Voilà pourquoi sécuriser ces activités est un aspect important à relever. Néanmoins, il apparaît qu'au fur et à mesure que des initiatives sont prises pour sécuriser les activités économiques qui se créent, le quartier dans son ensemble bénéficie de cette même sécurité, non plus seulement au niveau des activités économiques, mais au niveau individuel et des habitations. Ce qui constitue une stratégie innovatrice dans le domaine des mobilisations vernaculaires pour ces populations qui sont la proie de nombreux maux (non seulement au niveau de la relative pauvreté, mais aussi de l'insécurité). À la place de la marginalité sociale que vivent les acteurs de l'informel, comme l'ont stipulé de nombreux théoriciens de l'informalité, se posent de véritables stratégies entrepreneuriales. D'un point de vue théorique, ce discours vient corroborer les travaux sur l'informalité en général et ses capacités à produire des effets originaux.
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