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1.5

Séchage de pâtes

Les particules et l’eau peuvent former une phase au comportement plus complexe qu’une suspension, considérée jusqu’à maintenant comme un fluide newtonien. Lorsque les interactions entre les particules peuvent résister à des efforts, la phase liquide est une pâte, à la limite entre liquide et solide. Sous faible contrainte, le mélange a une réponse élastique, mais s’écoule lors d’un fort cisaillement. Le séchage de pâtes est principalement étudié autour de la problématique de la fissuration et peu en lien avec la cinétique de séchage. Le séchage de ces solides intervient à deux niveaux dans cette thèse, le matériau peut être initialement une pâte ou l’évaporation de l’eau concentrant les particules conduit à la formation d’un solide au cours du séchage. Nous présentons d’abord les régimes de séchage des gels déformables seuls, puis de pâtes saturant un milieu poreux.

1.5.1

Séchage de gels déformables

Un hydrogel est un réseau de polymères formant une structure solide saturée en eau. Le milieu est hydrophile et la taille des mailles du réseau est de l’ordre du nanomètre ce qui induit des contraintes capillaires élevées ainsi que de très faibles perméabilités.

Les phases de séchage d’un hydrogel sont proches de celles d’un milieu poreux non déformable tel que présenté à la section 1.3, avec un séchage à vitesse constante puis une diminution du taux de séchage. Initialement, l’eau s’évapore à la surface libre avec une vitesse Ve. L’air n’entre pas dans les pores, mais le réseau se contracte à un taux de déformation moyen S0Ve ∼ ˙ε pour maintenir l’hydrogel saturé en eau. La contraction due à la dépression capillaire rigidifie le matériau jusqu’à ne plus pouvoir se déformer d’avantage. Alors l’air entre dans les pores, et la diffusion de la vapeur d’eau entraîne une baisse du taux de séchage (voir Figure 1.31) [45].

Pendant la phase à taux de séchage constant, l’eau s’évapore à la surface libre et les pores de la surface se contractent en premier alors que l’hydrogel loin de la surface est dans son état sans contrainte. Remarquons que la contraction locale du réseau ε est liée à la dépression de l’eau δp par un module élastique E : δp = Eε. En considérant que l’écoulement d’eau vers la surface s’écrit avec une perméabilité k :

δp L =

µVe

k (1.33)

le gel s’équilibre sur une longueur caractéristique similaire à celle observée dans le phéno- mène de consolidation des sols [11] :

λ = kE µVe

(1.34) Pour λ≫ L, l’échantillon se contracte uniformément. Lorsque le milieu est peu perméable et le séchage rapide λ < L, la contraction est significativement plus importante à la surface libre. Dans le cas du gel de la figure 1.32, la contraction plus importante au niveau de la surface provoque la courbure de l’échantillon.

Chapitre 1 : État des connaissances

(a)

(b)

Figure1.31 –Schéma illustrant la répartition de l’eau dans un hydrogel, le réseau de polymères

en rouge est hydrophile. (a) Le gel reste saturé en eau, la perte d’eau est entièrement compensé par une contraction du matériau en dépression. Le rayon des ménisques r est plus grand que la taille de maille du réseau. (b) L’air pénètre le gel et le rayon des ménisques égale la taille des pores VP/SP. [45]

Figure 1.32 – Gel de silice au cours du séchage par la face supérieure. La pression n’est pas

uniforme dans l’échantillon, car la perméabilité est faible, conduisant à une plus forte contraction au niveau de la surface libre et à la courbure de l’échantillon. [44]

1.5.2

Séchage des pâtes en milieux poreux

Nous présentons ici l’influence des pâtes sur le séchage des milieux poreux [18]. Pour trois pâtes de la figure1.33, aux caractéristiques macroscopiques comparables (même seuil

1.5 Séchage de pâtes

Figure 1.33 – Saturation en eau au cours du temps dans des empilements de billes de verre

(diamètre moyen de 300 µm) avec les pâtes interstitielles suivantes : kaolin (carré), bentonite (cercles) et gel de carbopol (étoiles). [18]

d’écoulement τ ∼ 50P a), il est étonnant d’obtenir des cinétiques de séchage si différentes. Dans un milieu poreux saturé en pâte de kaolin (argile), la période de séchage à taux constant permet l’évaporation rapide de la grande majorité de l’eau, alors que pour la bentonite (argile) ou le gel de carbopol (pelottes de polymères), le séchage est plus lent et le taux de séchage décroît avec le temps.

(a) (b)

Figure 1.34 – Profil de saturation en eau mesuré par IRM au cours du temps dans des empi-

lements de billes de verre (diamètre moyen de 300 µm) avec les pâtes interstitielles suivantes : kaolin (a), après 0, 2.5, 5, 8.5, 11, 15 18 et 20 jours de séchage et gel de carbopol (b), après 0, 3, 6, 10, 18, 21, 24, 28, 31, 34, 38 et 66 jours de séchage [18].

Pour comprendre ces différences de séchage, la distribution d’eau au cours du temps a été observée. La répartition est uniforme dans le cas du kaolin (voir Figure 1.34.a) jusqu’à une saturation résiduelle de 15%. Les rééquilibrages capillaires sont dominants et permettent à l’eau de s’écouler jusqu’à la surface. Mais les particules ne se concentrent pas près de la surface libre de l’échantillon, elles ne sont donc pas advectées par l’écoulement. Le déplacement de l’eau n’est donc pas celui de la pâte dans son ensemble. Pour le gel

Chapitre 1 : État des connaissances

de carbopol, la distribution d’eau répond aux phénomènes physiques opposés. Un front sec progresse dès le début du séchage. A un instant donné, la région proche de la surface est totalement sèche alors que la partie en profondeur a une teneur en eau très proche de la saturation totale de la porosité. Dans ce cas, le rééquilibrage capillaire est négligeable ; alors que la structure du milieu poreux est identique. L’absence d’écoulement global des pâtes peut se comprendre, car il faut une contrainte minimale τ pour mettre en mouvement le fluide. D’après l’équation 1.29, la contrainte τcap appliquée par la dépression capillaire est de l’ordre de : τcap= k r dp dx = 2F (ω)G(ϕ)γ L (1.35)

τcap ne dépend pas de la taille des pores. Initialement G(ϕ) = 1 et F (ω ≃ 0.4) ≃ 4 · 10−3, soit τcap= 10−2Pascal. τ ≫ τcap et la pâte ne s’écoule pas sur la hauteur de l’échantillon. Notons qu’il est très difficile d’obtenir des fluides à seuil inférieur à 0.1 Pascal, il n’est donc pas envisageable de faire écouler des fluides à seuil par dépression capillaire dans un échantillon centimétrique. Cependant dans certains cas, l’eau s’écoule dans le réseau formé par la pâte elle-même. La nature des particules joue donc ici un rôle clé dans la cinétique de séchage.

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