• Aucun résultat trouvé

Phénomène de transport lors du séchage

1.4.1

Ions dissous

L’eau est rarement pure dans les matériaux de construction, des sels présents dans la matrice solide se dissolvent ou s’infiltrent depuis l’environnent extérieur. L’évaporation de l’eau dans les milieux poreux conduit à une augmentation de la concentration des sels dissous. Lorsque la concentration atteint localement la limite de solubilité du sel, les ions cristallisent. La sursaturation dans les très petits pores et ses effets sur la pression de cristallisation sont hors des considérations de cette thèse [11]. La cristallisation en surface (efflorescence) altère l’esthétique mais la cristallisation dans les pores (subflorescence) peut conduire à la destruction du matériau. Dans cette section, nous considérons principalement le cas des ions de chlorure de sodium (NaCl).

La localisation de la cristallisation dépend essentiellement de la vitesse de séchage. Remarquons d’abord que l’eau salée s’évapore moins vite que l’eau pure car sa pression de vapeur saturante varie avec la concentration en sel et peut être jusqu’à 30% plus faible [36]. Le phénomène de rééquilibrage décrit dans la section précédente se produit de façon similaire avec une solution de sel : la surface est approvisionnée en eau a une vitesse moyenne Ve pendant la période de séchage à taux constant. Les ions dissous sont donc advectés par l’écoulement conduisant à une augmentation de la concentration près de la surface. Cependant la diffusion tend à homogénéiser la répartition des ions (voir section

1.1.4). Rapelons que la vitesse de diffusion Vd=

D

L permet de définir le nombre de Péclet :

P e = Ve Vd

(1.32) Quand P e≫ 1, les ions suivent l’écoulement, la concentration connaît un pic au niveau de la surface et la cristallisation a lieu à la surface. Inversement, si P e≪ 1, la concentration des ions est uniforme dans l’échantillon et la cristallisation sera homogène suivant la hauteur. Cependant la vitesse de l’écoulement dû aux équilibrages capillaires n’est pas constante mais varie linéairement sur la hauteur (voir équation 1.21). La vitesse Ve(z) tend vers 0 en bas de l’échantillon et localement la concentration en ions sera uniforme.

Pour le chlorure de sodium, Dions ∼ 10−9 m.s−2, dans l’exemple de la figure 1.26,

L = 45 mm, ainsi Vd = 2.2· 10−5 m.s−1. Le taux de séchage initial établit P e ≃ 3 et nous observons un pic de concentration proche de la surface de l’ordre de λ ≃ 15 mm. De plus, la baisse globale de la quantité de sel dissous est attribuée à la cristallisation à la surface où la concentration tend vers la saturation en sel. Ensuite le taux de séchage diminue, P e ∼ 0.7 après 2 jours, nous observons que la concentration augmente dès lors uniformément jusqu’à saturer la phase liquide. Pendant cette phase, la quantité globale de sel dissout est d’abord constante ; et une fois la concentration maximale atteinte, elle diminue à nouveau par cristallisation dans tout l’échantillon.

Le séchage rapide permet la cristallisation à la surface, mais la formation de cristaux a un impact sur la cinétique de séchage. La figure 1.27 illustre ce phénomène étonnant. Pour des conditions extérieures fixées en soufflant de l’air sec (humidité relative de 0%), le taux de séchage diminue constamment, le temps de séchage complet de l’échantillon

1.4 Phénomène de transport lors du séchage

Figure 1.26 –Concentration en sel dissous(NaCl) mesuré par IRM au cours du séchage d’une

brique de terre cuite de 45 mm de long. La surface de séchage est à 0 mm. [38]

(a) (b)

Figure1.27 – (a) Taux de séchage en fonction de la quantité d’eau pour des briques (porosité

∼ 0.32, tailles des pores ∼ 1 − 10 µm) initialement saturées en eau salée (concentration en NaCl de 3 mol/L). L’air soufflé sur la surface libre a une humidité relative de 0% (carrés), 55% (cercles) ou 70% (triangles) [23]. (b) Schéma des structures d’efflorescence poreuse. Les flèches noires indiquent les écoulements par pompage capillaire. L’évaporation se fait préférentiellement en haut des cristaux de sel plutôt qu’à la surface du milieu poreux [30].

est plus long que lorsque l’air soufflé est humide (humidité relative de 45%). Ce paradoxe s’explique par la structure des cristaux. Les cristaux formés rapidement établissent une croûte bouchant les pores de la surface et limitant les transferts hydriques et la diffusion de la vapeur d’eau ; alors qu’à faible vitesse, les cristaux formés sont poreux et contribuent au pompage capillaire [47]. L’eau s’évapore en haut des cristaux diminuant la longueur de diffusion δ (noté H dans la figure 1.27.b).

Pour P e≫ 1, la concentration en sel augmente uniquement près des positions d’éva- poration. Près de la surface les petits pores exercent le plus de dépressions capillaires et donc de pompage de liquide, alors que l’eau s’évaporant des grands pores n’est pas rem- placée. Ainsi, à une distance donnée de la surface, la concentration en sel augmente dans les petits pores et n’est pas uniforme dans la porosité (voir Figure 1.28).

Chapitre 1 : État des connaissances

Figure1.28 –Image de la distribution des phases près de la surface d’un empilement de sable

(porosité∼ 0.38, taille des grains ∼ 0.6mm) . Sur la ligne supérieure, le noir correspond à l’air, le gris clair au solide, le gris foncé au liquide. Sur la ligne inférieure, le noir correspond à l’air et au solide. Les couleurs indiquent les différentes concentrations en sel (iodure de calcium initialement à 4% en masse). [49]

Les écoulements dûs au séchage transportent les ions dissous qui cristallisent, or les cristaux de sel modifient le taux de séchage en changeant localement la structure du milieu poreux. La phase liquide des milieux poreux est constituée d’ions dissous mais également de particules en suspension. Dans la section suivante nous abordons la question du séchage de suspensions de particules.

1.4.2

Suspensions de particules

Les particules sont plus denses que l’eau, il y a un équilibre entre la sédimentation et la diffusion due au mouvement brownien comme nous l’avons vu à la section 1.1.4. Ainsi d’après l’équation1.17et pour ∆ρ = 1.5·103kg.m−3 correspondant à la densité de la silice,

L = 1 cm et T = 298 K, la sédimentation est négligeable à l’équilibre pour a < a0 ≃ 28

nm. Lorsque la différence de densité ∆ρ est plus faible ou la taille caractéristique L est plus faible, a0 est plus grand. Lors du séchage la vitesse de sédimentation est généralement

plus faible que la vitesse d’écoulement due au séchage.

Le phénomène physique le plus marquant concernant le séchage de suspensions de particules est l’effet tache de café (voir Figure 1.29). Le café est constitué de différentes particules (certaines non rigides) en suspension dans l’eau. Lorsqu’une goutte de café a séché sur une surface plane, nous observons que la répartition du solide restant n’est pas uniforme, les particules se sont principalement concentrées à la périphérie de la goutte initiale ; ce qui s’explique par trois phénomènes. L’évaporation d’une goutte d’eau se fait essentiellement dans la région proche de la ligne de contact triple (entre solide, liquide et gaz). En outre, la ligne de contact reste fixe pendant le séchage. Enfin, les particules sont advectées par l’écoulement d’eau vers la périphérie et s’y accumule (alors que l’eau

1.4 Phénomène de transport lors du séchage

Figure 1.29 –(a) Image d’une tache de café d’environ 2 cm contenant 1% en masse de solide.

(b) Goutte de 2 mm de diamètre d’une suspension de microsphères de polystyrène à une fraction volumique de 0.1% déposée sur un lame de verre. Plusieurs images sont superposées pour mettre en évidence le mouvement des particules. [12]

s’évapore). Ainsi à la fin du séchage, les particules de café forment un anneau autour de la tache.

(a) (b)

Figure 1.30 – (a) Image d’une suspension aqueuse de nanoparticules de silice (de rayon a =

22 nm) initialement à une fraction volumique de 20% dans un tube en verre (de section 100× 2000 µm2). y1 est le front de compaction et y2 le front de fissuration. La barre d’échelle est de 500 µm [15]. (b) Position du front de compaction yF (correspondant à y1 pour la figure (a)) pour des particules de différents rayons de 6 à 26 nanomètres. Les courbes sont décalées verticalement par souci de clarté. Les doites et les valeurs de ν correspondent à un fit yF ∝ tν [14].

Comme pour l’étude du transport des ions, nous pouvons considérer le nombre de Péclet comparant la diffusion et l’advection. Pour des particules de rayon a = 11 nm, d’après l’équation 1.13 : Dpart ≃ 2 · 10−11m.s−2 est très petit devant Dions ∼ 10−9m.s−2.

La diffusion est souvent négligeable au cours du séchage. Les particules, de façon plus nette que les ions, sont advectées par l’écoulement de la phase liquide. Nous considérons que les particules sont intègres et ne se dissolvent pas dans l’eau. Ainsi lorsque la fraction volumique ψ augmente, les particules se compactent à une fraction maximale ψm ∼ 50 − 70%.

Chapitre 1 : État des connaissances

trée d’air se fait par le fond, contient une suspension de particules de silice. Le liquide s’écoule vers la surface libre et un front de compaction yF de particules progresse vers le fond de l’échantillon. Remarquons que la zone compactée fissure partiellement. La for- mation de la zone compactée réduit le taux de séchage, ce qui est mis en évidence par la croissance de plus en plus lente de la zone compactée, conséquence de l’écoulement de fluide plus lent. Ainsi quand la zone compactée est grande, le transfert hydrique y est plus difficile, car les particules forment un milieu poreux dont la taille des pores r, de l’ordre de la taille des particules a, est nanométrique. D’après l’équation 1.29, la vitesse maxi- male d’écoulement sous dépression capillaire Vcapest proportionnelle à r/yF. Ainsi quand

Vcap ≫ Ve,yF ∼ t puis quand Vcap ≪ Ve, yF

t. La gamme des temps d’observation

étant limitée pour chaque expérience, nous avons yF ∝ tν avec ν variant de 0.5 à 1 quand la taille des particules augmente.

Le séchage des particules met en évidence le couplage entre la composition du fluide et le séchage : les particules forment une zone compactée où le transport liquide est moins favorable ce qui diminue le taux de séchage.

Documents relatifs