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a) Le rythme saisonnier

Chez les mammifères, le vieillissement conduit à une diminution de la réactivité aux variations de la stimulation lumineuse et est caractérisé par une altération de l’alternance veille/sommeil et par une diminution de la vigilance. Peu d’études ont démontré les mécanismes précis sous-jacents aux perturbations de tels rythmes avec l’âge.

Chez le microcèbe, des études ont été menées pour comprendre l’impact du vieillissement sur les rythmes saisonniers de cette espèce et pour tester si des perturbations de ces rythmes pouvaient avoir à leur tour un effet sur les fonctions biologiques de ces animaux. Par exemple une accélération de l’alternance saisonnière (hiver-été), en raccourcissant chaque période et donc la durée d’une année, affecte la survie et la longévité chez le microcèbe (Perret, 1997). En captivité, l'accélération des rythmes saisonniers est obtenue en exposant les animaux à l'alternance de périodes de jours courts et de jours longs sur une périodicité plus courte qu’une année (par exemple, 8 ou 5 mois). Indépendamment du sexe, la durée de vie moyenne est raccourcie d’environ 30% chez les animaux exposés pendant leur vie entière aux cycles accélérés en comparaison aux animaux subissant un cycle annuel photopériodique (Perret, 1997). Cette réduction importante ne s’explique pas par une désynchronisation des rythmes biologiques, ni par une augmentation de la reproduction (fréquence d’accouplement).

Cependant, lorsque l’on considère pour un individu, le nombre de cycles saisonniers vécus plutôt que l'âge chronologique, la durée de vie moyenne est de 5 cycles saisonniers tandis que la durée de vie maximale est atteinte vers 9-10 cycles, indépendamment du sexe et des patrons d’alternance saisonnière (Perret, 1997). Par ailleurs, chez les animaux exposés entre 3 à 5 ans aux photopériodes accélérées, des perturbations marquées des rythmes d’activité locomotrice ont été observées, comparables à celles observées chez les microcèbes âgés subissant des saisons normales (Cayetanot et al., 2005a) (Figure 9).

Figure 9. Représentation graphique des rythmes d'activité locomotrice chez un microcèbe

adulte (A), un microcèbe âgé (B), et un microcèbe adulte ayant subi une alternance accélérée des saisons depuis sa naissance (C). Une augmentation de l’activité locomotrice en phase diurne apparaît chez l’animal âgé et est également présente chez le microcèbe dont on a accéléré l’alternance saisonnière. L'activité locomotrice est exprimée en unités arbitraires (u.a). (adaptée de Cayetanot et al., 2005a).

De la même manière, les animaux exposés à un vieillissement « accéléré » artificiel, présentent des altérations de la production de mélatonine (hormone responsable du rythme veille/sommeil) semblables à celles observées chez des animaux âgés en condition standard (Aujard et al., 2001). Ces résultats suggèrent que chez le microcèbe, comme chez d’autres mammifères « saisonniers », la longévité dépend plus du nombre de cycles photopériodiques que de l’âge chronologique.

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Temps (heures)

b) Le rythme journalier

Chez l'Homme, les rythmes journaliers et notamment le rythme veille/sommeil sont fortement perturbés avec l’âge. Le vieillissement est associé à des modifications dans l’organisation et dans l’amplitude de nombreux rythmes quotidiens (Van Someren et Riemersma-VanDerLek, 2007).

Bien que les microcèbes soient nocturnes, leurs rythmes veille/sommeil se fragmentent avec l’âge comme cela a été observé chez l’Homme (Aujard et al., 2006, Perret et Aujard., 2006). Les microcèbes adultes présentent un rythme circadien marqué avec des niveaux d’activité locomotrice spontanée élevés durant la phase nocturne et une activité pratiquement inexistante en période diurne (Perret et Aujard., 2001) (Figure 9, A). Les individus âgés montrent cependant une augmentation dans leur activité de jour, qui correspond normalement à la phase de repos. De plus, comparés aux adultes, les animaux âgés présentent une anticipation de leur activité locomotrice nocturne.

Des expériences de « free-run » (absence de signaux synchronisateurs, par exemple une alternance lumière-obscurité) ont révélé un raccourcissement de la période endogène chez les animaux âgés, ce qui suggère que le vieillissement influe sur la régulation de l’horloge biologique chez cette espèce (Cayetanot et al., 2005, 2009). Les rythmes journaliers de l’activité locomotrice varient selon la saison, c'est-à-dire que les rythmes circadiens d’activité sont sensibles à la longueur du jour. Bien que des différences liées à l’âge aient été observées lorsque les animaux étaient en période de jours courts, ces variations sont prédominantes en période de jours longs (Aujard et al., 2007).

Les mécanismes qui régissent l’adaptation du microcèbe à l’évolution saisonnière de la longueur du jour semblent donc être perturbés par le vieillissement. Un des marqueurs physiologiques du rythme circadien chez le microcèbe est la mélatonine (6-sulfatoxymélatonine). En effet, la production de mélatonine induit une rythmicité veille/sommeil, elle-même sécrétée par la glande pinéale. Le pic de mélatonine observé au cours de la nuit chez des microcèbes adultes est pratiquement inexistant chez les animaux âgés (Aujard et al., 2001) (Figure 10).

Figure 10. Variation des taux de 6-sulfatoxymélatonine urinaire chez des microcèbes adultes

et âgés. L’augmentation observée au cours de la nuit chez les adultes est quasi-absente chez les animaux âgés (** p < 0,01 ; Cr signifie créatinine).

De même la variation saisonnière d’expression de cette hormone est minime chez les individus les plus âgés (Perret et al., 2006). Ces résultats soutiennent les observations de diminution avec l’âge d’amplitude saisonnière de la plupart des fonctions biologiques étudiées chez le microcèbe (Aujard et al., 2001; Perret et Aujard, 2006).

D’autres marqueurs physiologiques impliqués dans l’induction des rythmes biologiques chez ce prosimien se sont révélés affectés par le vieillissement et prédictifs des perturbations de l’horloge biologique. L’arginine-vasopressine (AVP) et le peptide intestinal vasoactif (VIP) jouent un rôle clé dans l’horloge biologique. La sécrétion de ces deux peptides chez le microcèbe suit un rythme bien précis avec un pic d’AVP en fin de journée et un pic de VIP durant la nuit. Même si l’amplitude de sécrétion ne semble pas perturbée au cours de l’âge, les pics sécrétoires chez les animaux âgés présentent un décalage de phase avec notamment un pic d’AVP en début de nuit et un pic de VIP en début de jour (Cayetanot et al., 2005). Des résultats confortant ces observations ont été obtenus au cours de l’analyse des perturbations liées à l’âge de l’expression d’une autre protéine importante dans le contrôle des rythmes circadiens, la calbindine (« calcium-binding protein ») (Cayetanot et al., 2007). Enfin, les perturbations rythmiques chez les animaux âgés, en particulier la valeur de la période endogène et le taux de fragmentation des rythmes, ont pu être mises en corrélation avec une augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires comme

l’interféron-(Cayetanot et al., 2009), suggérant des relations entre processus inflammatoires et fonctionnement de l’horloge au cours du vieillissement.

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