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Rappelons que l’arrimage au niveau informatif concerne la répartition et la hiérarchisation de l’information dans le texte. Une rupture de cohérence survient à ce niveau lorsque la saillance accordée à une information n’est pas la saillance appropriée (hiérarchisation) ou lorsque l’ordre des constituants dans la phrase ne correspond pas au caractère nouveau et ancien des informations (répartition). Dans notre corpus, 15 ruptures ont été répertoriées sur le plan informatif. Nous en avons dénombré cinq dans le texte 1, trois dans le texte 5, deux dans les textes 7 et 10 et une dans les textes 9, 11 et 13 (voir Tableau 4). Aucune rupture de ce niveau n’a été observée dans les textes 2, 3, 4, 6, 8, 12 et 14. En somme, un texte sur deux du corpus compte au moins une rupture informative. On pourrait donc déduire que certains étudiants éprouvent des difficultés à répartir et à hiérarchiser efficacement les informations à l’intérieur de leur texte.

Tableau 4: Ruptures au niveau informatif

T1 T2 T3 T4 T5 T6 T7 T8 T9 T10 T11 T12 T13 T14 Total

Répartition 1 0 0 0 1 0 1 0 0 0 1 0 0 0 4

Hiérarchisation 4 0 0 0 2 0 1 0 1 2 0 0 1 0 11

Total 5 0 0 0 3 0 2 0 1 2 1 0 1 0 15

Une observation de la nature des ruptures relevées montre que seulement cinq ruptures touchent la répartition de l’information, alors que 11 d’entre elles concernent la hiérarchisation de l’information. Cela laisse comprendre qu’il est plus facile pour les étudiants de répartir les informations que de les hiérarchiser.

Il semble donc que la gestion du statut de premier plan ou de second plan représente une source de difficulté pour les étudiants kabyles. Gagnon et Chamberland (2010) expliquent que l’appartenance d’une information au premier ou au second plan relève du

niveau textuel. C’est le scripteur qui, contraint par le contexte antérieur et postérieur, fait le choix d’attribuer un tel statut à une telle information selon la valeur qu’il veut lui accorder, et ce par l’alternance entre structure syntaxique juxtaposée et structure syntaxique subordonnée. Gagnon indique que l’intérêt des grammairiens à ces structures syntaxiques se limite très souvent à des considérations phrastiques. C’est le cas des propositions subordonnées « qui sont traitées en terme de « type de subordonnées » à distinguer les uns des autres, selon la fonction occupée dans la phrase matrice, mais non en terme de « hiérarchisation de l’information » » (p.78). Le contexte algérien n’en fait sans doute pas exception, puisqu’aucun des ouvrages que nous avons consultés dans le cadre de notre recherche ne traite du rôle de la structure de la phrase au niveau textuel. Effectivement, même après plusieurs recherches, nous n’avons pas pu trouver des travaux à ce sujet dans le contexte algérien. Il est donc probable que le rôle que jouent les différentes structures syntaxiques, plus particulièrement la subordination, dans la hiérarchisation de l’information au niveau textuel ne soit pas abordé dans les grammaires scolaires en Algérie. Cela expliquerait le problème de hiérarchisation de l’informations que rencontrent les étudiants algériens, plus précisément les étudiants kabyles qui semblent ne pas savoir comment utiliser une structure syntaxique plutôt qu’une autre pour mettre en valeur une information qu’ils veulent présenter comme une information principale. Où à l’inverse, comment placer une information au second plan.

Par ailleurs, nous n’avons pas observé de maladresses relatives à l’emploi fautif de la subordination et des pronoms relatifs en raison de l’influence de la langue maternelle, comme il a été constaté dans l’étude de Bouthiba (2014). Cela s’explique peut-être par la difficulté que pose l’utilisation de la subordination, ce qui incite probablement les étudiants à éviter d’employer des phrases complexes.

En fait, la majorité des ruptures de hiérarchisation relevées sont survenues parce que le scripteur accordait le statut d’information principale à une information qui devait être plutôt considérée comme une information secondaire. Cela a été le cas pour des commentaires ou des informations supplémentaires qui ne faisaient pas progresser le texte. Signalons aussi que l’absence de signes de ponctuation a été à l’origine de certaines des

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ruptures de hiérarchisation. Il a parfois seulement suffi de placer une information donnée dans une apposition (entre deux virgules) pour lui redonner sa saillance.

Dans une étude portant sur l’arrimage informatif des énoncés, Chamberland (2013) a analysé la cohérence informative dans des textes écrits en français langue maternelle par des étudiants universitaires québécois. Les résultats qui ressortent de son étude sont semblables à ceux qui ressortent de l’analyse de la dimension informative de notre corpus, puisque tout comme les textes qui constituent notre corpus, la moitié des textes analysés dans l’étude de Chamberland présentent au moins une rupture de cohérence informative. De plus, les ruptures de hiérarchisation relevées dans les deux corpus sont beaucoup plus nombreuses que les ruptures de répartition de l’information. Chamberland suppose que cela est probablement attribuable au fait que la grammaire scolaire n’aborde pas suffisamment le « rôle textuel important que possède la subordonnée lorsque vient le temps d'exprimer le statut principal ou secondaire d'une information par une saillance appropriée ». En somme, Chamberland croit que la difficulté que pose la gestion de la saillance d’une information en fonction de son statut (nouvelle ou ancienne, principale ou secondaire) provient du fait que le rôle textuel important que jouent les diverses structures syntaxiques est encore peu connu. Elle estime qu’il y a urgence de sensibiliser les scripteurs à ce sujet.

Nous croyons donc qu’il est important de s’assurer que le rôle textuel que jouent les différentes structures syntaxiques dans la hiérarchisation de l’information soit suffisamment abordé dans l’enseignement du FLÉ en Algérie pour aider les étudiants à mieux maitriser cet aspect de cohérence.

Voyons maintenant ce que révèle l’analyse des textes au niveau énonciatif.