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Introduction g´ en´ erale

1.3 Rupture des conduits de pr´ econtrainte ext´ erieure

Figure 1.8 – Coupe d’un conduit de pr´econtrainte

1.3 Rupture des conduits de pr´econtrainte ext´erieure

1.3.1 Introduction

A ce jour plusieurs cas de ruptures d’aciers de pr´econtrainte en France et en Europe ont ´et´e recens´es (Poineau 2005). Certains ont eu pour cons´equence la destruction des ouvrages concern´es. Dans le cas des conduits de pr´econtrainte, on peut citer les exemples du viaduc de Saint-Cloud en 1998 et du viaduc de Pont-A-Mousson en 2005. Dans le premier cas, c’est un conduit de renforcement mis en place en 1981 qui est trouv´e rompu par un agent d’entretien (figure 1.9(a)). Le deuxi`eme cas, pr´esente la mˆeme situation (rupture totale d’un conduit figure 1.9(b)). Des analyses r´ealis´ees sur site ont montr´e plusieurs caract´eristiques. La premi`ere concerne la position de la rupture sur le conduit : la rupture est localis´ee sur une zone inclin´ee du conduit proche d’un d´eviateur en point haut du cˆablage. Les aciers de pr´econtrainte pr´esentent de la corrosion avec des r´eductions de section pouvant aller jusqu’`a 50% de la section initiale. On observe l’absence de coulis de ciment et la pr´esence d’une pˆate blanche `a l’int´erieur du conduit. L’analyse en laboratoire du coulis d’injection r´ev`ele la pr´esence de mangan`ese et de chrome ainsi qu’une forte teneur en fer.

Certains ouvrages, o`u des ruptures de conduit ont ´et´e observ´ees, ont pr´esent´es d’autres caract´eristiques (Stress corrosion of prestressing steel 1981) :

- le conduit pr´esentait une mauvaise injection du coulis de ciment (pr´esence de vide). - l’eau de pluie pouvait s’infiltrer par les ancrages.

On peut par ailleurs remarquer que la majeure partie du parc est constitu´ee de conduits inject´es avec du coulis de ciment. Dans le cas d’une injection r´ealis´ee avec de la cire aucun cas de rupture de conduit n’a pu ˆetre observ´e pour l’instant.

Ces observations ont permis d’identifier les causes des ruptures qui sont dues `a la corrosion. La corrosion est, par d´efinition, la d´et´erioration d’un mat´eriau (le plus souvent un m´etal) due `a sa r´eactivit´e avec son environnement. C’est un processus ´electrochimique

1.3. RUPTURE DES CONDUITS DE PR ´ECONTRAINTE EXT ´ERIEURE

(a) Viaduc de Saint-Cloud (b) Viaduc de Pont-A-Mousson

Figure 1.9 – D´efauts constat´ees sur site

qui exige quatre ´el´ements pour se produire : une anode, une cathode, un ´electrolyte et un conducteur entre l’anode et la cathode. Dans le cas des aciers de pr´econtrainte, l’anode et la cathode co-existent sur l’acier qui fonctionne ´egalement comme un conducteur, alors que le coulis de ciment (le cas d’un conduit inject´e `a la cire ´etant exclu) agirait en tant qu’´electrolyte. Pour ˆetre plus pr´ecis, on parlera ici de corrosion sous contrainte (CSC) car dans notre cas on assiste `a un ph´enom`ene r´esultant de l’action simultan´ee d’un milieu corrosif et d’une traction r´esiduelle ou appliqu´ee conduisant `a la fissuration des mat´eriaux m´etalliques. Une ´etude men´ee au LCPC par l’´equipe de T.Chaussadent (Duroubier-Blactot 2008) a pu mettre en ´evidence les causes de cette corrosion.

1.3.2 Causes de la corrosion sous contrainte des aciers dans les conduits de pr´econtrainte

C’est le mat´eriau d’injection qui va assurer le rˆole principal de barri`ere contre la corro-sion des aciers. Ce rˆole fondamental peut dans certains cas ne plus ˆetre assur´e et dans ces conditions il est possible de d´efinir les causes pouvant conduire `a la corrosion des aciers de pr´econtrainte. Les m´ecanisme de CSC sont complexes et d´ependent de plusieurs pa-ram`etres qui sont d’ordre m´ecanique et physico-chimique. On ne s’int´eressera pas ici aux causes m´ecaniques. Le tableau 1.1 regroupe les diff´erents facteurs de corrosion physico-chimique et leur rˆole probable dans les m´ecanismes de corrosion.

1.3.2.1 Etanch´´ eit´e de la structure

Un d´efaut d’´etanch´eit´e de la structure peut entraˆıner la pr´esence d’eau (autre que celle contenue dans les pores du ciment durci dans le cas d’un conduit inject´e avec du ciment). Cette eau a en g´en´eral comme provenance un d´efaut d’´etanch´eit´e des conduits de pr´econtrainte. La pr´esence d’eau `a l’int´erieur du conduit est bien sˆur une cause de corrosion des aciers et concerne les deux mat´eriaux d’injection. Ce cas concerne tous les conduits, qu’ils aient ´et´e inject´es avec du coulis de ciment ou de la cire.

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Tableau 1.1 – Influence des diff´erents param`etres sur la corrosion de l’acier

Facteurs Causes

Cons´equence et ´eventuel rˆole dans la corrosion

sous contrainte

Environnement

Pr´esence ou absence Formation d’hydrog`ene :

de dioxyg`ene favorise la corrosion par

fragilisation par hydrog`ene Impuret´es pr´esentes lors Initiation de la corrosion

de la phase de gˆachage (ions Cl par exemple) Coulis s´egr´eg´e Composition du milieu s´egr´eg´e

Coulis ressu´e Absence de coulis et pr´esence d’eau Coulis absent localement Contact direct atmosph`ere/acier Autre facteur physique Variation de la temp´erature

Peut acc´el´erer le ph´enom`ene de corrosion par condensation d’eau sur l’acier

1.3.2.2 Mauvaise injection du conduit

Pour obtenir une protection optimum des aciers de pr´econtrainte `a l’int´erieur du conduit, il est n´ecessaire de r´ealiser un remplissage complet des gaines avec un produit stable. Le produit inject´e doit ˆetre le plus homog`ene possible avant la prise afin que l’in-jection se d´eroule dans de bonnes conditions sans emprisonner des poches d’air (Rouanet et al. 2004) et (Yalamas 1999). En effet, au cours d’une injection de gaine de pr´econtrainte les points hauts sont des points singuliers car le front de coulis ou de cire (tous les mat´eriaux d’injection sont concern´es), sous l’influence de la gravit´e, peut s’effondrer et laisser la place `

a une poche d’air (figure 1.10).

Ceci explique les probl`emes rencontr´es dans les conduits dans les points hauts. De plus, les cˆables peuvent ˆetre en contact direct avec de l’eau par infiltration ou par ressuage comme nous allons le pr´esenter dans la suite.

1.3.2.3 Mat´eriaux inadapt´es

L’utilisation de mauvais mat´eriaux cimentaires peut alt´erer la p´erennit´e de l’ouvrage. L’utilisation de certains adjuvants favorise le ressuage et/ou la s´egr´egation du coulis de ciment. L’utilisation d’une trop grande quantit´e d’eau engendre un coulis de tr`es mauvaise qualit´e. La figure (figure 1.11) illustre la configuration r´esultante que l’on peut rencontrer (Gelade 2004).

Le ph´enom`ene de ressuage ou de s´egr´egation est amplifi´e par la pr´esence de torons. En effet, les interstices pr´esents entre les fils sont un lieu de passage privil´egi´e pour l’eau : les

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Figure 1.10 – Probl`eme rencontr´e lors de l’injection d’un conduit (Roy et al. 2000)

Figure 1.11 – Conduit inject´e de coulis de ciment pr´esentant des h´et´erog´en´eit´es (Duroubier-Blactot 2008)

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(a) (b)

Figure 1.12 – Pr´esence de pˆate blanche sur site

torons se comportent comme un drain.

Ces d´efauts d’injection et/ou d’emploi de mat´eriau inadapt´es entraˆınent une mauvaise protection des aciers par le coulis de ciment. Les cons´equences d’une mauvaise injection sur la corrosion avaient ´et´e signal´es en 1970 par un Laboratoire R´egional des Ponts et Chauss´ees (LCPC 1970). Depuis, la qualit´e des aciers, des coulis inject´es et des ´etudes men´ees ont permis de limiter fortement ces probl`emes. N´eanmoins, dans certaines condi-tions, et notamment en pr´esence d’une s´egr´egation importante du coulis, il n’existe que peu de connaissances sur les risques affectant la p´erennit´e des ouvrages. En 1996, Deloye (Deloye & Godart 1996) explique ces s´egr´egations de produits blanchˆatres (figures 1.12) accompagn´ees d’une phase liquide importante comme ´etant dues `a un adjuvant super-plastifiant et signalent que les caract´eristiques de ces milieux pourraient conduire `a une corrosion alcalines des aciers.

Cette proposition a pu ˆetre valid´ee en partie dans le cadre de l’´etude r´ealis´ee au LCPC (Blactot & Chaussadent 2007). La premi`ere ´etape a consist´e `a reproduire en laboratoire le ph´enom`ene de s´egr´egation (r´ealisation de pˆate blanche). Ce ph´enom`ene de s´egr´egation a ´et´e obtenu `a partir d’un ciment CEM 1 (la composition massique est donn´ee dans le tableau A.1) additionn´e d’adjuvant de type polynaphtal`ene sulfonate (l’adjuvant est un ’Chryso GT’, sous forme liquide `a 324, 4 g de mati`ere s`eche par litre). L’´etude montre qu’avec un rapport E/C ´egal `a 0, 36 et une quantit´e de 13.44 ml d’adjuvant (coulis de ciment fabriqu´e selon les recommandations du fabricant), on obtient une fine zone de s´egr´egation `a la surface du coulis. Pour un rapport E/C ´egal `a 0.65 et une mˆeme quantit´e d’adjuvant on amplifie tr`es fortement le ph´enom`ene de s´egr´egation et de ressuage. La figure 1.13 montre l’apparition d’une couche de pˆate blanche dans un tel ´echantillon. Les d´etails quant `a la r´ealisation et la composition de cette pˆate sont pr´esent´es en annexe (B).

Le milieu s´egr´eg´e est constitu´e d’une phase solide blanche et d’une phase liquide. La phase solide est d´efinie par un m´elange de ciment hydrat´e (C − S − H), d’ettringite et de portlandite dont les proportions varient en fonction des caract´eristiques des mat´eriaux

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Figure 1.13 – Ph´enom`ene de s´egr´egation dans un ´echantillon de ciment r´ealis´e en labo-ratoire

utilis´es et de leur mise en oeuvre (rapport E/C et quantit´e d’adjuvant). La phase liquide de tr`es haute alcalinit´e (N aOH et KOH) contient ´egalement des ions sulfates et poss`ede un pH tr`es ´elev´e (proche de 14) . Par ailleurs, la comparaison avec des ´echantillons de pˆate blanche pr´elev´es sur site a montr´e que le milieu s´egr´eg´e ainsi fabriqu´e est tr`es proche de ceux rencontr´es sur ouvrage (paragraphe B.3).

Au vu des caract´eristiques chimiques de la partie s´egr´eg´ee, la corrosion des aciers de pr´econtrainte semble surprenante. En effet, la phase solide, au vu des ´el´ements qui la constitue, pr´esente une forte basicit´e et la phase liquide de ressuage poss`ede un pH extrˆemement basique. Ce milieu devrait donc plutˆot tendre vers une meilleure protection de l’acier.

La corrosion des aciers n’est donc pas provoqu´ee directement par la pr´esence de cette s´egr´egation. C’est la diff´erence de caract´eristiques entre les deux milieux (coulis sain et phase s´egr´eg´ee) qui va provoquer cette corrosion. La deuxi`eme partie de l’´etude a montr´e que lorsque l’acier traverse un coulis sain et une zone de coulis s´egr´eg´e, une pile electrochi-mique se constitue. Les r´eactions anodiques se produisent dans la zone de coulis s´egr´eg´e lorsqu’elles sont constat´ees. Cette corrosion d´epend d’abord de la nature des aciers. Il a ´et´e montr´e que pour un acier poli la corrosion ´etait beaucoup plus pr´esente que pour un acier brut. L’´etude s’est aussi concentr´ee sur les caract´eristiques du milieu s´egr´eg´e pouvant influencer l’intensit´e de ces r´eactions d’oxydation : l’augmentation du pH, l’influence d’une concentration importante en ions hydroxyles et sulfates et l’influence de la temp´erature. Des ´etudes r´ealis´ees dans des solutions de synth`ese ont montr´e l’absence totale d’influence des ions sulfates sur le risque de CSC. L’influence de la concentration en ions hydroxyles a ´et´e analys´ee en faisant varier la concentration entre 0, 07 et 4, 22 mol/kg. La premi`ere concentration correspond `a un pH de 12, 9 (qui est le pH habituel d’un coulis sain). Dans