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2 Missions spatiales cométaires

2.6.2 Résultats apportés par la Mission Rosetta

2.6.2.2 ROSINA

2.6.2.2.1 Composés volatils

L’instrument DFMS (Double Focussing Mass Spectrometer) de l’expérience ROSINA est un spectromètre de masse magnéto-électrostatique de haute résolution (m/Δm = 9000 à 50 % de la hauteur du pic à m/z = 28) à bord de l’orbiteur. Il analyse le gaz présent dans la coma de 67P/Churyumov-Gerasimenko. Le Roy, Altwegg, et al. (2015) ont mesuré l’abondance relative à l’eau de 23 molécules, soit proche de l’ensemble des molécules cométaires observées avant Rosetta dans les comas (Tableau 13) : des hydrocarbures, des espèces oxygénées, azotées et soufrées y sont présents. Cependant, la liste de molécules mesurées dans la coma de 67P/C-G a d’ores et déjà commencé à s’allonger, notamment par la récente détection de glycine qui sera discutée dans le paragraphe suivant. La mesure des molécules du Tableau 13 a été effectuée à deux dates spécifiques. Le 19 octobre 2014 pour les mesures couvrant l’hémisphère d’hiver, soit la face la moins ensoleillée de la comète, et le 20 octobre 2014 pour la face très ensoleillée du noyau, ou hémisphère d’été. L’orbiteur Rosetta se trouvait alors à une distance de 10 km du noyau cométaire et à 3,5 UA du Soleil. Les abondances relatives des molécules peuvent varier énormément d’un hémisphère à l’autre, CO2 est par exemple 32 fois plus abondant dans l’hémisphère d’hiver que dans celui d’été. Ces différences sont probablement dues à une différenciation du contenu de la sous-surface du noyau cométaire. Il est difficile à l’heure actuelle de déterminer si un hémisphère est plus représentatif qu’un autre au vu de la composition globale de 67P/C-G (Le Roy, Altwegg, et al. 2015).

2.6.2.2.2 Glycine et Phosphore

Deux ingrédients essentiels à la vie ont été détectés dans la coma de 67P/Churyumov-Gerasimenko par l’instrument DFMS de ROSINA : la glycine et le phosphore présentés sur la Figure 47 (Altwegg et al. 2016). Le phosphore est un élément clé de l’ADN et des membranes cellulaires. La glycine est un acide aminé présent dans les protéines, sa détection avait déjà été rapportée dans le cadre des retours d’échantillon de la comète 81P/Wild 2 par la mission Stardust (Elsila, Glavin, and Dworkin 2009). Néanmoins, les problèmes de contamination des échantillons avaient rendu l’analyse difficile, et c’est par la signature isotopique du carbone 13C que l’origine cométaire de la glycine avait été confirmée. Altwegg et al. (2016) apportent ainsi la première détection in situ de glycine, avec une abondance relative à l’eau pouvant atteindre 0,25 %. Cette détection confirme les mesures effectuées sept ans plus tôt sur les particules cométaires de 81P/Wild 2.

La glycine a été détectée pour la première fois par l’expérience ROSINA en octobre 2014 alors que la sonde se trouvait à 10 km du noyau et à 3 UA du Soleil, et une seconde fois le 28 mars 2015 lorsque la sonde Rosetta effectuait un survol à 15 km de la comète et se trouvait à 2 UA du Soleil. Lors de cette deuxième détection, l’instrument DFMS de ROSINA a mesuré la glycine alors que la distance entre la sonde et la comète variait (de 15 à 30 km). La densité de la glycine, ainsi que celle du gaz neutre total – dominé par l’eau – ont ainsi été déterminées en fonction de la distance. Il s’est avéré que ces profils étaient différents, la densité de la glycine étant plus importante que la totalité du gaz neutre lorsque la distance augmentait. Ce résultat laisse entrevoir l’existence d’une source distribuée associée avec les poussières cométaires. La glycine observée en phase gazeuse proviendrait en partie des particules de poussières d’où elle sublimerait progressivement. La volatilité de cette molécule est assez faible (sa température de sublimation est légèrement inférieure à 150°C) ce qui implique une sublimation très peu probable depuis la (sous) surface du noyau cométaire, celle-ci étant froide [25 – 50 K dans l’hémisphère d’hiver (Choukroun et al. 2015)]. Les poussières éjectées du noyau pourraient, quant à elles, être sujettes à des températures plus importantes, ce qui ferait sublimer la glycine. Ces détections viennent donc supporter le rôle essentiel que pourrait avoir eu les comètes dans l’émergence de la vie sur Terre (Altwegg et al. 2016).

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Figure 47 : Détection de la Glycine et du Phosphore par l'instrument DFMS de ROSINA. Les figures ont été adaptées de Altwegg et al. (2016).

2.6.2.2.3 Rapport D/H

La mesure du rapport isotopique D/H de la comète 67P/Churuymov-Gerasimenko constituait un élément clé dans la compréhension de l’origine de l’eau sur Terre. 67P/C-G est la troisième comète de période courte issue de la famille de Jupiter à être examinée, les deux comètes précédentes (45P/Honda-Mrkos-Pajdušáková et 103P/Hartley 2) avaient des rapports D/H très proches de la valeur terrestre, contrairement aux comètes provenant du nuage de Oort (Figure 48). L’instrument DFMS de ROSINA a mesuré un D/H de (5,3 ± 0,7) x 10-4 (Altwegg et al. 2015), soit plus de 3 fois la valeur terrestre. Il s’avère donc que les comètes de la famille de Jupiter ont des enrichissements en deutérium variables. Cette observation peut être expliquée par le fait que ces comètes aient des origines différentes. Ce résultat souligne la complexité de la provenance de l’eau sur Terre. Si celle-ci n’est pas exclusivement cométaire, il n’en reste pas moins que certaines pourraient y avoir contribué.

Figure 48 : Rapport D/H dans différents objets du système solaire. 67P est la première comète de la famille de Jupiter dont le rapport D/H n’est pas proche de la valeur terrestre. Cette figure est adaptée d’Altwegg et al. (2015)

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Molécules 1P/Halley 2P/Encke 9P/Tempel 1

67P/Churyumov-Gerasimenko 73P/SW3/B 73P/SW3/C 103P/Hartley 2 C/1995 O1 (Hale-Bopp) C/1996 B2 (Hyakutake) C/2001 A2 (LINEAR) C/2012 F6 (Lemmon) C/2013 R1 (Lovejoy) Avant impact Après impact Hémisphère d'été Hémisphère d'hiver H2O 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 CO 3,5 - 13 < 1,77 < 10 < 32 2,7 20 < 1,9 < 2,6 < 1 12 - 23 14 - 30 < 3,7 – 3,9 4,03 7,2 CO2 3 – 4 2,5 80 7 – 20 6 CH4 <1 0,34 0,54 0,13 0,56 < 0,25 – 0,39 1,5 0,8 1,2 0,67 C2H2 0,3 < 0,08 0,13 0,045 0,55 < 0,026 – 0,06 < 0,033 – 0,23 0,08 – 0,16 0,1 – 0,3 0,2 – 0,5 0,5 < 0,05 C2H6 0,4 0,32 0,19 – 0,278 0,35 0,32 3,3 < 0,3 0,065 – 0,15 0,63 – 0,95 0,6 0,6 1,7 CH3OH 1,7 – 1,8 3,48 1,0 – 2,8 0,75 – 2,7 0,31 0,55 0,177 – 0,9 0,149 – 1 1,13 – 2,28 2,4 2 2,8 – 3,9 1,48 – 1,6 2,6 H2CO 1,5 - 4 < 0,13 < 1,5 < 2,3 0,33 0,53 0,14 – 1 0,095 – 1,1 0,11 – 0,23 1,1 1 0,24 0,54 – 0,7 0,7 HCOOH 0,008 0,03 0,09 < 0,07 0,12 CH2OHCH2OH 0,0008 < 2,5 x 10-3 0,25 0,24 0,35 HCOOCH3 0,004 0,023 0,08 < 0,16 < 0,20 CH3CHO 0,01 0,024 0,025 < 0,07 0,10 NH2CHO < 1 x 10-4 < 1 x 10-3 0,015 0,016 0,021 NH3 1,5 0,06 0,15 < 0,16 – 0,34 < 0,33 0,44 – 1,08 0,7 0,5 0,61 HCN 0,1 – 0,2 0,09 0,09 0,62 0,13 – 0,28 0,15 – 0,30 0,2 – 0,28 0,25 0,1 – 0,2 0,14 – 0,6 0,14 – 0,19 0,16 HNCO 0,016 0,031 0,08 – 0,1 0,07 – 0,1 0,1 0,07 0,025 0,021 HNC 0,21 – 0,215 (*) (*) < 0,001 0,11 – 0,18 0,04 0,01 0,0066 CH3CN 0,006 0,016 0,02 – 0,03 0,016 – 0,037 0,02 0,01 0,028 HC3N < 2 x 10-5 < 5 x 10-4 0,02 H2S 0,4 0,5 0,67 1,75 0,2 – 0,4 0,16 – 0,3 1,5 0,8 1,15 OCS 0,017 0,098 0,4 0,1 SO 0,004 0,0014 0,3 SO2 < 0,13 0,011 0,041 0,2 CS (**) (**) 0,12 – 0,19 0,08 – 0,14 0,1 0,1 0,07 CS2 0,2 0,003 0,024 0,17 0,1 S2 0,0004 0,0013 0,02 0,01

Tableau 13 : Abondances des molécules volatiles par rapport à l’eau de douze comètes. Ce tableau est une adaptation de Le Roy, Altwegg, et al. (2015). Lorsque plusieurs valeurs étaient proposées, les deux extrema ont été sélectionnés. (*) L’instrument ROSINA ne peut pas distinguer HNC de HCN, et (**) CS de CO2.

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