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2 Missions spatiales cométaires

2.6.2 Résultats apportés par la Mission Rosetta

2.6.2.1 Philae

Figure 42 : Couverture du magazine Science le 31 juillet 2015. Crédits : A. Torres (CNES)/J.-P. Bibring (IAS)/Lander CAD: Philae-DLR/Ill. D. Ducros

Les premiers résultats des instruments à bord de Philae font partie du numéro spécial de Science du 31 juillet 2015 (volume 359, issue 6247), dont la couverture (Figure 42) illustre, par une vue d’artiste, la position de Philae sur la comète (Bibring, Taylor, et al. 2015). Les parties suivantes rapportent les résultats de plusieurs instruments à bord de Philae : les images prises par CIVA, dont le matériau sombre pourrait être dominé par des espèces riches en carbone (Bibring, Langevin, et al. 2015), COSAC dont le « sniffing mode » aurait analysé des particules cométaires et identifié 16 molécules organiques (Goesmann et al. 2015) et Ptolemy qui, lui aussi par son « sniffing mode », aurait analysé des composés organiques, et dont la signature du spectre de masse révèlerait la présence d’un polymère tel que le polyoxyméthylène (Wright et al. 2015).

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2.6.2.1.1 CIVA

L’instrument CIVA-P à bord de Philae a pris des images de la surface du noyau à deux occasions (Bibring, Langevin, et al. 2015). Une première fois le 12 novembre 2014, alors qu’il était prévu que Philae se soit stabilisé à la surface de la comète. La Figure 43 ne laisse aucun doute : Philae était toujours en mouvement après un premier rebond. La deuxième série d’images du 13 novembre a confirmé que Philae s’était bien stabilisé, et a acquis le premier panorama jamais pris d’une surface cométaire. Une diversité de structures est observée : des agglomérats de matériaux sombres et granuleux d’une taille variant du millimètre au centimètre, des petits grains visiblement peu attachés à la surface, des blocs de roches de la taille du mètre où des fractures et fissures sont apparentes (Figure 44). La réflectance de la surface a été déterminée grâce à l’antenne de l’instrument CONSERT présente sur certaines images. Celle-ci a joué le rôle de calibration interne. La réflectance du noyau varie entre 3 et 5 %. Bibring, Langevin, et al. (2015) proposent que ce matériau sombre provienne d’espèces riches en carbone et agglomérées en grains.

Figure 43 : Première image de la surface cométaire acquise par l'instrument CIVA-P à bord de Philae le 12 novembre 2014. L’image est adaptée de Bibring, Langevin, et al. (2015).

Figure 44 : Mosaïque d’images de la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko prises par l’instrument CIVA-P le 13 novembre 2014. Un des pieds de Philae est visible en bas de l’image. Crédits : Bibring, Langevin, et al. (2015).

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2.6.2.1.2 COSAC

L’instrument COSAC à bord de Philae a pour objectif l’identification de molécules organiques à la surface du noyau cométaire. Il est pour cela constitué d’un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse à temps de vol. Les échantillons cométaires lui sont délivrés par l’instrument SD2 (Sample Drilling and Distribution). Un second moyen pour acquérir les échantillons à analyser consiste à utiliser le « sniffing mode », les molécules entrent passivement à l’intérieur de l’instrument, sont ionisées, accélérées et enregistrées par le spectromètre de masse. La résolution en masse de l’instrument COSAC est de 300, ainsi, pour un pic à une masse entière donnée, il n’est pas possible de distinguer les contributions de différents composés de masses proches (CO et N2 par exemple).

Le 12 novembre 2014, alors que Philae rebondissait pour la première fois sur la surface cométaire, le « sniffing mode » de COSAC était en fonctionnement. L’instrument a mesuré, 25 minutes après le rebond et à une hauteur de 150 mètre de la surface du noyau, le spectre de masse présenté en vert sur la Figure 45. Le rebond initial aurait engendré un soulèvement de poussière de la surface dont une certaine quantité serait rentrée à l’intérieur de COSAC et aurait été analysée (Goesmann et al. 2015). La comparaison de ce spectre de masse avec deux autres acquis en « sniffing mode » avant (spectre en bleu) et après le rebond (spectre en rouge) montre que la signature du spectre de masse du 12 novembre arbore de nombreux pics d’intensité relativement importante qui ne sont pas présents sur les deux autres spectres. Cette différence conforte l’idée que du matériau cométaire a effectivement été analysé lors du rebond.

Figure 45 : Spectres de masse acquis par l’instrument COSAC en « sniffing mode » à différentes dates. Le spectre vert a été pris 25 minutes après que Philae se soit posé pour la première fois sur la surface ; le spectre rouge a été pris 2 jours après lorsque Philae était stabilisé à la surface ; le spectre bleu a été acquis en orbite à 10 km du noyau et 27 jours avant l’atterrissage. Crédits : Goesmann et al. (2015).

Afin de déterminer quelles étaient les molécules produisant la signature du spectre de mase « cométaire » (en vert sur la Figure 45), les auteurs ont eu recours aux spectres de masse de référence de la base de données NIST (National Institute of Standards and Technology) afin de sélectionner les molécules dont l’ensemble des motifs de fragmentation parviendraient à reproduire le spectre de masse en vert. Les seize molécules du Tableau 12, de nombreuses molécules oxygénées et azotées, mais aucune soufrée, reproduisent, par superposition de leur spectre de masse respectif, un spectre de masse résultant semblable à celui de l’analyse du 12 novembre. Ces molécules organiques ont donc été proposées

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Carbonyles Amines Amides Hydrocarbures

CH3CHO CH3NH2 HCONH2 CH4

HOCH2CHO CH3CH2NH2 CH3CONH2

CH3CH2CHO

CH3COCH3 Nitriles Isocyanates Autres

HCN HNCO H2O

Alcools CH3CN CH3NCO CO

HOCH2CH2OH

Tableau 12 : Liste des molécules supposées détectées par l’instrument COSAC. Les molécules en gras seraient pour la première fois observées dans les comètes. Crédits : Goesmann et al. (2015).

2.6.2.1.3 Ptolemy

L’instrument Ptolemy est un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse à trappe ionique. Il a pour objectif l’analyse isotopique des éléments légers tels que le carbone, l’azote et l’oxygène, ainsi que la mesure des éléments volatils. Ptolemy possède une résolution en masse d’une unité et acquière des spectres entre les masses 10 et 150 (Morse et al. 2016). Son fonctionnement est très proche de celui de COSAC, à savoir les échantillons de la surface cométaire devaient être délivrés par l’instrument SD2 et être placés dans un des fours de Ptolemy. Ils seraient alors chauffés, et le gaz résultant quantifié et délivré au spectromètre de masse. Tout comme COSAC, à défaut d’obtenir les échantillons via SD2, Ptolemy a utilisé un « sniffing mode » afin d’analyser le gaz provenant de matériau cométaire éjecté, 20 minutes après le premier rebond de Philae le 12 novembre 2014. Un total de six spectres de masse a été collecté par l’instrument Ptolemy (Wright et al. 2015). Cinq d’entre eux présentaient des signatures similaires aux spectres acquis précédemment en « sniffing mode » pour des opérations de contrôle en orbite. Toutefois, un spectre de masse se différenciait et a été attribué à une signature cométaire.

Le pic dominant de ce spectre de masse provient de la protonation de H2O (H3O+ à m/z = 19). CO2 et CO sont eux aussi présents. Ces trois composés sont majoritaires dans la coma de 67P/C-G (Le Roy, Altwegg, et al. 2015). Néanmoins, certains composés (H2S et SO2 par exemple) présents dans la phase gazeuse (Le Roy, Altwegg, et al. 2015) ne sont pas détectés dans le spectre de masse acquis par Ptolemy (Wright et al. 2015). Ces composés pourraient être présents mais en dessous du seuil de détection de l’instrument. La majorité des pics détectés ont des rapports m/z relativement faibles (m/z < 105). De plus, les auteurs observent un motif répétitif de pics avec une alternance de m/z = 14 et 16, respectivement associé aux fragments -CH2- et -O-. Ce motif a été attribué à la fragmentation d’un polymère de polyoxyméthylène, ou POM, dont le monomère est CH2O. Afin de reproduire le spectre de masse cométaire, la présence de POM possédant trois terminaisons différentes serait nécessaire, à savoir H-, HCO- et CH3CO- (Wright et al. 2015). La Figure 46 présente le spectre de masse cométaire acquis par Ptolemy, pour lequel les pics provenant de H2O et CO2 ont été enlevés (C), les fragments du POM attendus en fonction de trois terminaisons différentes (A) et les pics du spectre de masse proposés comme provenant des fragments du POM (B).

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Figure 46 : Spectre de masse acquis par l’instrument Ptolemy et proposition d’ajustement avec le polyoxyméthylène. (A) : Fragmentation du polyoxyméthylène en fonction de trois groupements terminaux différents ; (B) : Pics considérés comme provenant du polyoxyméthylène ; (C) Spectre de masse de l’instrument Ptolemy pour lequel les pics de H2O et CO2 ont été enlevés. Crédits : Wright et al. (2015).

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