• Aucun résultat trouvé

Liste des tableaux Tableau 1 : Effectifs des dents prélevées par types dentaires

1.7 P ROBLÉMATIQUES DE LA RECHERCHE

La cémentochronologie est une méthode séduisante parce qu’elle repose sur le principe simple d’un enregistrement annuel dans les tissus offrant un accès direct à un indicateur continu corrélé — pour ne pas dire assimilé — à l’âge chronologique. La technique est attrayante aussi, car la précision annoncée est inégalée par les méthodes traditionnelles de l’estimation de l’âge au décès. En-fin, elle est attirante car elle est éprouvée chez l’animal et nouvelle chez l’Homme. Mais c’est précisément parce la méthode est jeune qu’elle est imma-ture et que la majorité des anthropologues restent raisonnablement tournés vers les méthodes classiques, standardisées et mieux cernées. Les anthropologues sont régulièrement confrontés à la difficulté d’estimer un âge au moyen d’indicateurs de maturation osseuse ou dentaire ou de caractères dégénératifs et ont pleine conscience qu’en biologie, la variabilité est la règle. Accepter la parfaite régularité de l’édification d’un tissu et admettre la précision extrême avancée dans la littérature revient donc à désavouer ce principe fondamental de variabilité biologique. L'analyse de la variabilité des dépôts du cément acellu-laire et des erreurs associées aux dénombrements d’annuli et aux estimations de l'âge est donc un travail incontournable pour que les performances de la cémen-tochronologie ne soient pas surestimées et pour que la précision et l’exactitude de cette technique puissent être quantifiées, critiquées, puis acceptées.

C’est dans un contexte paradoxal où la robustesse des résultats publiés ne semble plus suffire à faire adopter la cémentochronologie que s’inscrit ce travail de thèse.

Cerner les limites de l’estimation de l’âge au décès par cémentochronologie implique le recours à un référentiel histologique. La méthode nécessitant la coupe systématique d’une partie de la racine de la dent pour sa mise en œuvre, les complications pour disposer de collections de référence sont donc logique-ment inéluctables. Pour contourner ce problème inhérent à la préservation des collections, la grande majorité des études cémentochronologiques disponibles à ce jour portant sur des sujets d’âge connu se base sur des dents recueillies dans

- Problématiques de la recherche

le cadre d’avulsions dentaires thérapeutiques. Ces actes chirurgicaux, couram-ment pratiqués par les chirurgiens-dentistes ou les stomatologues permettent aisément la constitution de référentiels conséquents. Cependant, cette interven-tion est pratiquée lorsque les soluinterven-tions curatives et restauratrices de l’organe dentaire ne peuvent plus être envisagées et l’avulsion intervient pour des rai-sons i) pathologiques (atteinte carieuse avancée, parodontopathie prononcée ;

proces-sus tumoral ; risque infectieux) ii) orthodontiques (correction d’encombrements ; persistance de dent(s) déciduale(s) ; disharmonie dento-maxillaire) iii) prothétiques

(dents isolées, malpositions sévères). Bien que certaines lésions puissent être détec-tées lors de l’examen morphologique préalable à une étude histologique, les raisons de l’extraction de la dent de son alvéole sont le plus souvent inconnues de l’anthropologue. En plus de conduire l’anthropologue à une stratégie d’échantillonnage opportuniste le menant à travailler sur plusieurs types den-taires, ce problème est crucial car les modèles, développés à partir de telles sé-ries et destinés à être appliqués sur des sésé-ries ou des individus d’âge inconnu, supposent que le taux de croissance du cément, la nature du tissu et donc le modèle transposé aux sujets dont on veut estimer l’âge ne varient pas de façon significative de la population de référence. Que penser alors de l’élaboration d’un tel standard à partir d’échantillons de référence qui incluent exclusivement des cas pathologiques ? Même si les questions de l’impact de la pathologie sur la précision et l’exactitude des estimations par cémentochronologie s’imposent dans la littérature, la validité des études reste mal connue en cas de pathologie sévère et d’infections orales et cela fragilise les études. Parce que certains tra-vaux mettent en évidence des perturbations de la formation du cément et l’affection du ligament parodontal chez des sujets affectés par des parodontoses sévères, nous avons souhaité qu’aucune dent extraite pour des raisons théra-peutiques ne soit intégrée à cette étude.

Ce travail vise aussi à s’affranchir des biais inhérents à la préparation en appli-quant sur les dents sélectionnées un protocole standardisé et élaboré en consi-dérant les recommandations publiées les plus efficaces. Ainsi, chaque dent inté-grée à ce travail est préparée, observée puis intéinté-grée à l’analyse en suivant une procédure unique conduisant à des préparations identiques. Cette standardisa-tion a pour objectif d’accéder à la valeur de l’accord entre l’âge estimé et l’âge civil, donc l’exactitude et de quantifier la concordance des estimations effec-tuées, donc la précision. L’expression de la fiabilité de la cémentochronologie est trop souvent résumée à un chiffre global pour attester de sa performance. Cependant, un intervalle recouvrant ±5 ans n’a pas la même signification selon l’âge du sujet considéré. Nous pensons donc que la justesse des estimations doit être appréciée pour chaque classe d’âge de manière absolue et de manière rela-tive.

La collecte des données en cémentochronologie à partir de l'observation de préparations histologiques dentaires représente une opération coûteuse en temps et constitue un frein majeur pour les études cémentochronologiques.

-

L'utilisation de l'analyse d'image est pleinement justifiée et nous avons choisi d’intégrer à cette recherche le test d’un logiciel de traitement conçu pour le comptage semi-automatique des anneaux cémentaires. Ce logiciel, fruit d'une collaboration entre anthropologues et programmeurs, a pour objectif d’augmenter le nombre des observations tout en éliminant les variabilités des lectures intra-observateurs et leur subjectivité.

Enfin, le cément est certes résistant aux dégradations post mortem dues à l'hu-midité, la température, l'activité microbienne ou encore aux forces mécaniques mais aucune étude chez l’Homme ne s’est focalisée sur les problèmes de con-servation qui surviennent inévitablement en contextes archéologique et médico-légal et sur leurs conséquences sur les estimations de l’âge obtenues. Il devient donc essentiel d’apprécier l’impact des affections taphonomiques trop souvent négligées, en ayant recours à un référentiel dont l’âge mais également l’intervalle post mortem et la durée d’inhumation sont connus.