• Aucun résultat trouvé

L’océan est pendant longtemps l’espace de tous les fantasmes. Il reflète l’inconnu et la crainte chez l’être humain. Celui qui entreprend le voyage en mer est dans l’incertitude de son arrivée. Il s’engouffre dans les périls de l’océan, avec le risque de ne pas y survivre. La mer est essentielle dans le paysage et s’inscrit dans la définition même de l’île.

La descente à Bourbon/La Réunion offre aux voyageurs une première perception négative de cette mer qui rend difficile l’accès à l’île. L’île est entourée par un océan tourmenté, sa fureur effraie le voyageur.

309 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 234.

310 Ibid, p. 234.

311 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

Singapore, Manille, Macao, Canton, ports chinois, Cochinchine, Java. Paris, 1852, p. 65.

312 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 87.

70 La mer peut devenir plus terrible lors des raz-de-marée. Selon, Billiard :

« […] ce ne sont point alors des vagues multipliées qui se brisent au rivage ; la masse des eaux, dont la surface n’est point agitée, semble y être poussée tout entière : la mer gronde sourdement en arrivant au bord de la plage ; elle s’élève, elle se gonfle en un long rouleau qui s’abaisse avec un bruit pareil à celui d’une montagne qui s’écroulerait tout à coup ; de nouveaux rouleaux se succèdent presque sans interruption ; les communications cessent entre les navires et la terre : c’est dans les raz de marée, qui durent ordinairement vingt-quatre heures, que la mer me semble avoir le plus de

grandeur et de majesté314 ».

Dans cette description, la mer apparaît dans toute sa force. Avec les raz-de-marée, la mer devient un véritable déluge. Malgré cette scène terrifiante, Billiard est admiratif de voir la nature qui se déchaîne. Pourtant, les conséquences de ces raz-de-marée peuvent être dramatiques. Les navires qui n’ont pas eu le temps d’échapper à cette manifestation de la nature se retrouvent perdus : « Malheur au navire […] En peu d’instants ses débris, tordus par une force irrésistible, viendront rouler dans un tourbillon de vagues sur le sable des galets315 ».

ROUSSIN, Louis Antoine. 1860. Rade de Saint-Denis. Coup de vent (appareillage). Estampe, Bibliothèque départementale

314 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 220‑221.

315 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

71 À l’exception de Billiard qui est impressionné par la puissance de l’océan, la mer apparaît aux voyageurs comme un espace dangereux et funeste. Au cours de leur voyage dans l’île, les voyageurs donnent leur perception sur l’océan.

À peine élevée dans l’île, la vue se pose agréablement sur l’océan. Billiard le décrit « […] comme un champ d’azur316 ». Sur les hauteurs de Saint-Paul, il voit le panorama de cette plaine

dont la limite est une mer à l’horizon sans fin : « [...] Vous ne voyez au-delà qu’une mer sans bornes qui se confond avec l’azur des cieux317 ; […] ». Le ciel et la mer semblent se confondre.

La mer offre la beauté d’un paysage pur, où la limite de cette île semble être l’horizon. En hauteur, l’océan n’est plus le même que celui de la descente à Bourbon/La Réunion. Il paraît parfaitement immobile et paisible. La mer, ici, invite à l’évasion. Cette image idyllique de l’océan est différente à mesure que le voyageur s’approche de celui-ci.

Le voyageur Yvan dans une habitation placée au bord de mer met en avant la notion de profondeur. À proximité de l’eau, sa couleur s’assombrit. L’océan azur se transforme en « [...] profondeurs bleuâtres318 [...] ». La nuance sombre de la mer est synonyme de crainte. L’océan

représente l’inconnu aux profondeurs sans fin.

L’océan peut cacher aussi le pire des crimes. Yvan interroge le propriétaire M.N*** au sujet de la disparition de son associé Vincent. La réponse de celui-ci fait allusion à un assassinat suivi d’un dépôt à la mer : « La marée montante lave chaque jour le rivage, […] et un cadavre auquel l’on attache une pierre à chaque pied reste au fond de la mer.319 » Les dépouilles disparaissent

dans les abîmes de l’océan.

L’image de la mer à Bourbon/La Réunion dans les récits de voyage est dramatique. La descente laisse aux voyageurs un sentiment de crainte. Cependant, les voyageurs se baladent le long des rivages. Cet espace associé à la mer est aussi présenté par celui-ci.

Lorsque la mer est basse, elle dévoile ces récifs recouverts par une abondance de coquillage320. L’océan ne regorge pas seulement d’animaux très dangereux (requins), mais

316 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 83.

317 Ibid, p. 73.

318 YVAN, Melchior-Honoré. De France en Chine. Paris, 1855, p. 164.

319 Ibid, p. 168.

320 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

72 cache aussi de petits trésors. Les coquillages offrent au rivage une image de beauté. Pour Billiard, les rivages sont différents et comportent leurs spécificités. Le rivage se distingue par la diversité des paysages. Arrivé à Saint-Paul sur « [...] une plage aride, […] d’un sable mobile et brûlant 321 » il est ébloui par la blancheur du sable à Saint-Leu322 et au contraire désolé à la

vue des dunes de sable mobiles323 à la « [...] teinte uniforme et grisâtre324 [...] » de L’Etang-

Salé. Le rivage de Sainte-Rose se distingue de ceux décrits par Billiard puisque Lavollée écrit qu’elle se compose de galets325.

Le sable de Saint-Paul et de l’Etang-Salé illustre les mouvements de la nature dans cette île. En effet, ce sont des amas de sables dunaires provenant de différentes actions : le sable résulte de l’érosion de Mafate (Saint-Paul) et du Bras de Cilaos (Etang-Salé) amené par les rivières et le vent a formé les dunes de ces plages326. Chaque élément a participé à la formation de ces plages

uniques. L’île Bourbon/La Réunion est singulière par son paysage littoral qui ne ressemble pas à l’image type de l’île. Le rivage marque aussi la distinction entre paysages de la région au vent et sous le vent. Cependant, dans chaque région, le voyageur rencontre des accidents de terrain.

Le rivage comme la montagne sont les signes du soulèvement volcanique de l’île. À l’Ermitage, Billiard remarque que le rivage est « […] composé de débris volcaniques et de débris de madrépores ; d’espace en espace la plage est interrompue par un cap de rochers, ou hérissée de laves dont les torrents refroidis semblent encore lutter contre les vagues de l’Océan […]327 ». Ces caps sont l’œuvre du volcan et de l’action marine328.

Le rivage est le témoin des déluges de la mer. Lavollée écrit : « Chaque point du rivage se trouve marqué d’un souvenir sinistre ; chaque roche est en quelque sorte devenue la pierre tumulaire des nombreux navires que le ras de marée y a brisés329 ». Le naufrage est une réalité

à Bourbon/La Réunion. La mer entourant l’île est des plus dangereuses. Lavollée signale ici les

321BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 69.

322 Ibid, p. 131.

323 Ibid, p. 135.

324 Ibid, p. 136.

325 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

Singapore, Manille, Macao, Canton, ports chinois, Cochinchine, Java. Paris, 1852, p. 84.

326 ROBERT, René. Les paysages naturels de la Réunion. Saint-Denis, 1996, p. 73‑74.

327 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. Paris, 1822, p. 84.

328 ROBERT, René. Les paysages naturels de la Réunion. Saint-Denis, 1996, p. 67.

329 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

73 risques mortels encourus par celui qui parcoure celle-ci et notamment les marins effectuant le cabotage pour l’île330.