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En premier lieu, les voyageurs sont frappés par le désir des Blancs de ne pas s’associer aux esclaves.

Le voyageur Yvan fait part de l’horreur pour le sang des nègres, des élites. Il écrit : « Pour ces nobles Blancs, la plus petite trace de sang nègre équivaut à un déshonneur complet, et celui qui est ainsi entaché ne saurait être admis dans leur intimité […]274 ». Il explique que ce mépris

vis-à-vis de l’esclave est surtout une question d’intérêt pour les élites. En effet, ceux-ci souhaitent que les esclaves gardent leur statut. Yvan met l’accent sur l’hypocrisie qui règne dans cette société, car parmi les esclaves, certains « […] ont la peau plus lisse et plus blanche […] 275 » que les colons, car nombreux sont les enfants de ceux qui les tiennent au rang

d’esclaves.

270 ITIER, Jules. Journal d’un voyage en Chine en 1843, 1844, 1845, 1846. 1848, p. 152.

271 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

Singapore, Manille, Macao, Canton, ports chinois, Cochinchine, Java. 1852, p. 88.

272 YVAN, Melchior-Honoré. De France en Chine. 1855, p. 176.

273 Ibid,.

274 Ibid, p. 156.

62 Les élites souhaitent maintenir les Noirs dans l’esclavage et garder leur supériorité. Cependant, le voyageur souligne l’existence de relation entre les élites et les esclaves donnant naissance à un métissage. Ces enfants qui pourtant sont aussi Blancs restent considérés comme des esclaves.

Au sein même de la population libre qui est au bas de l’échelle sociale, le seul titre de gloire est d’être Blanc malgré la pauvreté. Cette catégorie ne veut pas s’associer aux Noirs. Billiard donne l’exemple de son passage auprès du créole des Hauts, « […] un jour que je passais au travers d’une petite habitation, le maître, qui travaillait à son champ avec deux esclaves, m’ayant aperçu, jeta bien vite sa gratte, pour que je n’eusse pas croire qu’il s’abaissait à travailler276 ». Seul l’esclave travaille. Dès lors, le créole des Hauts perçoit mal le fait de

travailler. Il ne veut pas être au même niveau que l’esclave.

Au milieu du siècle, le voyageur Yvan écrit au sujet du Petit Blanc :

« Une chose digne de remarques, c’est que, malgré leur pauvreté, jamais les Petits Blancs ne se sont alliés aux mulâtres ; aucune considération ne saurait les décider à altérer la pureté de leur race par une goutte de sang mêlé : leur susceptibilité à cet égard est plus grande peut-être que celle des riches

colons des basses terres. Aussi appartiennent-ils bien réellement à l’aristocratie277 ».

Selon Yvan, la vie des Petits Blancs est proche de l’affranchi. Cependant, ils ne souhaitent pas se mêler à cette population pour conserver leur fausse image d’aristocrate et marquer leur supériorité.

En premier lieu, les voyageurs donnent une image binaire de la société bourbonnaise/réunionnaise avec d’un côté les esclaves et de l’autre le reste de la société. Ils font ressortir la relation entre les dominants et les dominer. Or, les relations entre les habitants de l’île sont bien plus complexes. En effet, certains colons entretiennent des relations avec des mulâtresses. Les voyageurs rencontrent parfois des situations surprenantes.

Ainsi, Yvan est intrigué par la rencontre d’un esclave qui porte à son poignet un bracelet de cheveux blonds. Il interroge l’esclave sur cet objet auquel celui-ci répond que ce bracelet est celui de sa maîtresse. Suite à cette réponse, Yvan écrit : « Je restai confondu. Il n’existe certainement point de mulâtresse de cette nuance-là : il y a donc des femmes blanches pour lesquelles un nègre est un homme278 ».

276 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. 1822, p. 464.

277 YVAN, Melchior-Honoré. De France en Chine. 1855, p. 177.

63 Le voyageur est surpris d’une possible relation entre une blanche et un esclave. Ce cas rare mérite l’attention.

La relation entre les habitants et les voyageurs soulignent l’hospitalité des Bourbonnais/Réunionnais. Tout au long de leur traversée dans l’île, les voyageurs sont reçus par les habitants de l’île. D’ailleurs, les voyageurs citent les habitants qui les ont reçus : « L’accueil de M. Cazeaux[…] fut des plus aimables279 », « […] M.N*** qui nous avait fait un

si gracieux accueil280 », « Mme L*** nous offrit l’hospitalité cordiale et magnifique que nous

avions trouvée chez les autres colons281 », « […] un repas splendide, offert de la meilleure

grâce282 ». Les exemples de ce type sont nombreux dans les récits.

L’hospitalité dans l’île est presque poussée jusqu’à l’excès, comme l’attestent les voyageurs Billiard et Itier. Billiard écrit en parlant des habitants de Saint-Leu : « […] J’adresserai un reproche […] aux habitants de ce quartier, c’est de trop bien traiter leurs hôtes, de sorte que ceux-ci sont souvent obligés de remettre au lendemain le voyage qu’ils auraient voulu continuer283 ». Il ajoute que les habitants de Saint-Leu comblent la tristesse du quartier

par le plaisir d’accueillir des hôtes. Les habitants de Saint-Leu sont contents de recevoir des voyageurs. Ceux-ci sont tellement bien traités qu’ils n’ont plus envie de quitter les lieux et y passent plus de temps que prévu.

Itier en arrivant dans l’île écrit : « J’étais attendu au débarcadère par un ancien camarade récemment marié à Bourbon ; il fallut le suivre malgré mes observations sur la gêne que j’allais lui causer. Allons, puisqu’on pousse ici l’hospitalité jusqu’à la violence, laissons-nous faire !284 ». Cette citation met clairement en évidence l’hospitalité des habitants de l’île. Malgré

la gêne que peut occasionner la présence du visiteur, le Bourbonnais/Réunionnais est toujours prêt à accueillir l’autre.

Des esclaves aux élites de l’île, chacun est chaleureux dans la colonie. Ce caractère propre aux Bourbonnais/Réunionnais donne à l’île, l’image d’une terre accueillante.

279 ITIER, Jules. Journal d’un voyage en Chine en 1843, 1844, 1845, 1846. 1848, p. 139.

280 YVAN, Melchior-Honoré. De France en Chine. 1855, p. 166.

281 Ibid, p. 174.

282 LAVOLLÉE, Charles-Hubert. Voyage en Chine : Ténériffe, Rio-Janeiro, Le Cap, Ile Bourbon, Malacca,

Singapore, Manille, Macao, Canton, ports chinois, Cochinchine, Java. 1852, p. 73.

283 BILLIARD, Auguste. Voyage aux colonies orientales, ou Lettres écrites des îles de France et de Bourbon

pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820. 1822, p. 132.

64 Les habitants contribuent au développement de Bourbon/La Réunion, mais ils ne sont pas présentés de manière avantageuse dans les récits des voyageurs.

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III- Une île colonisée gardant à la marge son caractère pittoresque

1 - Une nature immuable