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Chapitre 2 : le contexte immédiat : le rituel du mariage

5- le rituel de la demande en mariage

C'est la mère du jeune homme et une autre personne très proche (sœur, tante) qui se rendent d'abord à la maison de l'élue pour la demander en mariage. Un ou deux pains de sucre étaient suffisants pour s'acquitter du devoir de présenter ṭaṭfi79 (état de ce qui est sucré) et

tamelli ( la blancheur) qui est le symbole de la pureté. Arrivées à la maison de la jeune fille,

elles demandent l'hospitalité en ces termes anebgi n rəbbi à savoir : au nom de Dieu nous

vous demandons l'hospitalité. Cette expression est une forme de politesse courante qu’on emploie chaque fois qu’on se rend chez quelqu’un : c’est une demande d’autorisation d’entrer. La demande en mariage se formule dans la langue locale ainsi:

ntr- awn idamn n rebbi (nous vous demandons le sang de Dieu) ou ntr-awn idamn n leḥlal

(nous vous demandons le sang conformément à la loi musulmane). Ces formules expriment la demande d'une alliance par le sang conformément à la charia et aux préceptes de la religion musulmane.

La réponse n'est pas donnée immédiatement, puisqu'on doit consulter, la fille, les oncles, les grands parents comme nous l’avons déjà précisé.

Quand la réponse est positive, les parents du jeune garçon et ses oncles retournent chez les parents de la jeune fille pour demander ostensiblement sa main. Cette étape est appelée ḥla ( la demande ou la supplication). Le sucre, le thé, la viande, le henné, les fruits secs, sont offerts à cette occasion par la famille du mari. La demande en mariage obéit à un rituel précis. En effet, le père du jeune homme ou un de ses oncles étend sur le sol son burnous blanc, couleur qu'exige la tradition pour prouver les bonnes intentions. Il y dépose une somme d'argent et s'adresse solennellement au père ou tuteur de la fille en ces termes : ntra- wn

idamn n rebbi, idamn n leḥlal (nous vous demandons l'alliance du sang selon la loi

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religieuse). Et le père de la mariée donne son accord en employant les expressions conventionnelles80. Alors, il se saisit de la somme déposée dans le burnous et ramasse ce vêtement en disant : at iɛammar rebbi s lxir (que Dieu le remplisse de biens). Jeter le burnous en l'étalant est une pratique courante chez les Aît Soukhman. Cette pratique est appelée aɛban81. Selon Emile Laoust (1993), jeter le vêtement c'est faire usage d'un

moyen de pression extrême puisqu'il engage, en même temps que la menace d'un malheur à venir, le rapport d'honneur entre les deux parties.

Le refus devant une telle prière est souvent mal ressenti par les personnes qui y ont recours. C’est un manque de considération, voire un affront à leur égard. Quand la réponse positive est confirmée par le rituel précité, on se met d'accord sur le jour de l'établissement de l'acte adulaire quand les conditions sont remplies : la fille a l’âge requis, les familles sont disposées pour suivre la procédure. Sinon, on se contente de l’engagement oral des deux partis devant témoins et la bénédiction d’un fquih82 pour la validation du mariage. En ce qui concerne le

trousseau, il est laissé aux femmes le soin d'en parler. La dot est symbolique et la pudeur empêche d'en parler ou d'en fixer le montant. Elle ne fait pas l'objet de discussion et encore moins d’une quelconque négociation. Un père n'admet jamais que l'accord de la main de sa fille soit soumis à des transactions même quand il vit dans un dénuement total.

La période des fiançailles est souvent courte car on craint beaucoup plus un mariage avorté qu'un divorce. Comme nous l'avons déjà signalé, ce dernier est fréquent et ne porte pas à conséquence. Et comme le mariage était précoce et que la décision n'était pas suffisamment mûrie, les jeunes mariées étaient nombreuses à divorcer et à refaire facilement leur vie. En effet, la femme divorcée est convenablement accueillie dans sa famille et au sein de la tribu. La divorcée n’est ni une charge pour sa famille ni une tare pour la communauté. Elle est désignée par tamdǧult, terme souvent associé à la courtisane. En

80 Et le père de la mariée répond : «mərḥba ɣif idamn n rəbbi» (nous acceptons cette alliance) et d'ajouter:

« nca yawn ig awn ica rəbbi » (nous vous l'accordons si Dieu vous l'accorde).

81 Jeter «aɛban» , ce qui signifie jeter le vêtement qui peut être un burnous, un haïk, un foulard, est une forme de demande sérieuse, de prière et de supplication insistante à laquelle on a recours pour sceller des accords d'une grande importance, pour faire pression sur quelqu'un ou fléchir la position d'une personne intransigeante dans le but d'obtenir un accord ou aboutir à des réconciliations.

82 Un fquih ou un taleb est une personne qui a appris le coran et les préceptes de la religion musulmane et qui est chargée de diriger la prière et d’enseigner les enfants.

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effet, le statut de divorcée procure souvent une certaine liberté. Mais cette situation est souvent temporaire car la femme divorcée, qu’elle soit courtisane ou non, reprend, sans difficulté, une vie conjugale normale.

Pendant la durée des fiançailles, la famille du fiancé ne doit manquer aucune occasion notamment les fêtes religieuses pour manifester sa sollicitude et offrir à la promise un présent.

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