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2.3 Acceptabilité des risques

2.3.2 Risque et enjeux

Dans le secteur des transports, les accidents engendrent de nombreuses conséquences négatives : des pertes de capacités productives, des coûts directs liés au traitement des

Figure 2.2: Matrice des risques

accidents et, ce qui est à la fois important et dicile à apprécier, des coûts très lourds en termes de sourances physiques et morales pour les victimes et leurs proches.

L'évaluation de l'ensemble de ces coûts s'impose à plusieurs titres, ne serait-ce que pour établir l'étendue des conséquences monétaires ou monétarisables des accidents, et apprécier leurs poids relativement à d'autres coûts auxquels la société doit faire face. Il s'agit donc de disposer d'une valeur susceptible d'être utilisée dans le secteur des transports pour évaluer de façon cohérente diverses options d'investissement présentant des impacts diérents sur la sécurité, et faire en sorte que l'utilisation des ressources disponibles soit la plus eciente possible. Il s'agit moins à cette n de déterminer la valeur en soi de la vie humaine, tâche bien délicate, que de xer un montant tutélaire que la collectivité acceptera implicitement ou explicitement de prendre en compte pour une vie sauvée, ou perdue, dans le secteur des transports.

2.3.2.1 Analyse Coûts-Bénéces

L'Analyse Coûts-Bénéces (acb) vise à réaliser toutes les décisions dont les bénéces sont supérieurs aux coûts (Boardman et al., 2006). S'agissant de la prévention, dans la par-tie bénéces, on peut inclure les conséquences d'une baisse de la pollution, d'une baisse de l'incidence d'une maladie, ou d'une meilleure sécurité d'une usine. Dans la partie coûts, on peut inclure les coûts de dépollution, de changement de technologie, les coûts d'investisse-ment dans la sécurité, et de recherche d'un substitut à un produit reconnu toxique (Mishan et Quah, 2007). Il faut noter immédiatement que la comparaison directe des coûts et des bénéces impose une même unité de mesure. Les économistes adoptent traditionnellement la mesure monétaire (dollars, euros . . . ). Il n'est pas dicile de comprendre que, dans le domaine de la prévention, la mesure monétaire des bénéces est en général, et pas toujours -plus délicate à obtenir, et -plus controversée, que la mesure des coûts.

L'acb vise à améliorer la qualité d'une décision, au sens où cette décision est jugée de meilleure qualité si elle génère un surplus monétaire net plus important dans la so-ciété (Pearce, 1983). Cependant, il faut immédiatement ajouter un point fondamental. La qualité ne fait pas uniquement référence à un surplus monétaire, mais au bien-être que la décision génère pour les individus qui composent la société, c'est-à-dire au bien-être social.

Cette approche est appelée  risque-bénéce  lorsque le risque est exprimé en fonction du bénéce que l'individu ou la collectivité retire de l'activité considérée. Elle est appelée  coût-bénéce  lorsque le coût d'une opération, dont le but est de réduire le risque, est exprimé en fonction du bénéce attendu.

La mesure de l'impact des défaillances sur les coûts est donc le facteur le plus dicile à évaluer, et pose des problèmes quand il s'agit de sécurité : comment chirer la mort de vies humaines, comme il faudrait le faire quand on étudie les risques de déraillement d'un train par exemple ?

2.3.2.2 Valeur de la vie humaine

Il est important de mentionner que le consentement à payer concernant les risques de mortalité est souvent présenté en termes de valeur statistique de la vie humaine (vsl -Value of Statistical Life)1.

En d'autres termes, si un projet a essentiellement pour but de sauver des vies humaines, et que la valeur de la vie est tirée d'une source exogène au modèle économique, par exemple une source se basant sur l'inférence statistique, l'équité ou la morale, la conclusion de l'étude n'a plus le support de la théorie économique2 (Viscusi et Aldy, 2003).

La chose est particulièrement dérangeante dans le domaine des transports puisque, dans ce domaine, on ne peut pas éviter l'évaluation en vertu de l'ecacité car la justication des infrastructures de transport est justement l'ecacité (Persson et al., 2001). De sorte que, dans le cas où la valeur de l'infrastructure vient principalement des vies sauvées, il faut, dans une analyse coûts-bénéces, présenter à part l'estimation de la valeur de la vie en précisant qu'elle est exogène au modèle économique (De Blaeij et al., 2003). À la limite, il est inutile de faire une analyse coûts-bénéces, puisque dans ce cas, la solution est ailleurs.

Cette approche en termes de capital humain a suscité diverses critiques dans la commu-nauté scientique, et a conduit certains chercheurs à explorer d'autres voies. La méthode dite de la  valeur des années de vie perdues  proposée par H. Duval3 postule, ce qui est classique en économie du bien-être, que ce sont les variations du bien-être de chacun des individus qui sont à l'origine de la valeur sociale de sauvegarde d'une vie humaine.

Ce changement de problématique, assez radical, conduit à retenir comme critère de me-sure les satisfactions auxquelles un individu pouvait prétendre et dont l'accident le prive.

1. Le terme est mal choisi car on ne mesure pas ce qu'un individu est prêt à payer pour sauver sa propre vie, mais ce qu'il est prêt à payer pour augmenter, à la marge, ses chances de survie.

2. Il s'agit d'un cas semblable à celui du salaire minimum ; on ne peut pas le justier par la théorie économique de l'ecacité, mais certains gouvernements l'imposent.

3. La valeur publique de la sauvegarde d'une vie humaine est dénie dans cette approche comme la somme actualisée des satisfactions que les personnes recueilleront dans le futur. On évalue à cette n dix eets ayant trait aux variations de bien-être vécues tant par l'individu sauvé que par les autres individus de la communauté à laquelle il appartient.

Les méthodes de calcul proposées sont alors fondées sur les budgets-temps que les indivi-dus consacrent à diérentes catégories d'activité sous plusieurs contraintes (espérance de vie, consommations obligées, . . . ). On s'eorce ainsi de déterminer, en plus de la valeur de la consommation et de l'épargne perdues, - correspondant à la valeur du temps de travail perdu - , un coût de la perte de temps libre et des autres préjudices moraux. L'intérêt de cette approche est d'orir une analyse globale cohérente.

2.3.2.3 Coecient d'aversion au risque

La théorie sur la mesure du risque fut à la base des théories économique et nancière de l'aversion au risque (Bouyssou et Vansnick, 1990).

L'aversion au risque, concept né de Bernouilli, est une caractéristique de celui qui ne souhaite pas courir un risque et qui sera prêt à le transférer à un tiers moyennant une rémunération, ou qui refusera tout actif ou toute action lui faisant courir un risque qu'il perçoit comme excessif compte tenu de sa capacité à le supporter. Chaque acteur du système a donc une aversion au risque qui lui est propre.

Au vu de la variété de la nature du risque et de ses enjeux, il a fallu adopter des critères d'acceptation des risques.