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SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

T- RFLP Utilisation d’amorces marquées par fluorescence et d’enzymes de restriction pour digérer les amplicons du

1.2. Richesse et la diversité du microbiote intestinal

1.2.1. Méthodes d’analyse de la composition du microbiote intestinal

Les premières descriptions du microbiote intestinal ont été réalisées par approches

culturales à partir d’échantillons de selles dès le début du XXème siècle. Même si ces techniques

culturales ont été largement améliorées depuis les années 1960 (ex. cultures anaérobies, milieux sélectifs) (Moore & Holdeman, 1974), elles ne permettent qu’une vision limitée de la composition du microbiote intestinal puisque moins de 30% des bactéries intestinales sont à ce jour cultivées (Eckburg et al., 2005; Fraher et al., 2012).

Dans les années 1990, l’avènement des outils moléculaires a révolutionné notre compréhension du microbiote intestinal. Ces techniques moléculaires se sont tout d’abord basées sur l’analyse du gène codant l’ARN ribosomique (ARNr) 16S. Ce gène est utilisé comme marqueur phylogénétique car il possède à la fois des domaines conservés permettant son amplification par PCR, et des régions variables représentant des horloges moléculaires de l’histoire évolutive des organismes (Woese, 1987). Dans les techniques dites d’empreintes génétiques, les amplicons du gène codant l’ARNr 16S sont soumis soit à une séparation directe sur gel d’électrophorèse avec un gradient de dénaturation (DGGE, Denaturing Gradient Gel Electrophoresis) ou de température (TGGE, Temperature Gradient Gel Electrophoresis), soit digérés par des enzymes de restriction préalablement à la migration électrophorétique, comme dans la T-RFLP (Terminal Restriction Fragment Length Polymorphisme) permettant l’analyse des fragments terminaux (Tableau 1). Bien que quantitatives, ces approches d’empreinte génétique ne permettent pas une identification taxonomique directe des communautés

10 bactériennes. En revanche, les profils électrophorétiques obtenus permettent de comparer la structure du microbiote intestinal entre des individus sains (Zoetendal et al., 1998; Marsh, 1999) ou entre des patients atteints de pathologies différentes (Noor et al., 2010).

D’autres outils moléculaires utilisent la complémentarité entre une sonde spécifique et une région cible du gène codant l’ARNr 16S pour étudier la composition du microbiote intestinal (Tableau 1). Ces outils reposent sur la détection d’un signal fluorescent. Dans la technique FISH (Fluorescence In Situ Hybridization) ce sont les sondes qui sont marquées avec un composé fluorescent, tandis que dans l’approche biopuce ce sont les cibles qui sont marquées. Ces cibles peuvent être soit de l’ADN génomique soit des amplicons du gène codant l’ARNr 16S. Différentes biopuces phylogénétiques ont été mises au point pour étudier le microbiote intestinal comme la HITChip (Human Intestinal Tract Chip) (Rajilić-Stojanović et al., 2009) ou la HuGChip (Human Gut Chip) (Tottey et al., 2013). Ces approches basées sur l’hybridation entre une sonde spécifique et une région cible du gène codant l’ARNr 16S sont quantitatives et permettent une identification taxonomique des populations composant le microbiote intestinal mais uniquement pour les taxa déjà décrits dans les bases de données. En effet, la détermination des sondes nécessite de connaître les séquences à cibler. Comme ces techniques permettent de comparer facilement des échantillons entre eux, elles sont principalement utilisées pour mettre en évidence les différences dans la structure du microbiote. Par exemple, Bezirtzoglou et al. (2011) ont mis en évidence grâce à la technique FISH, que chez les nourrissons allaités avec du lait maternel, l’abondance des Bifidobacterium est deux fois supérieure à celle des enfants nourris avec du lait synthétique. Grâce à l’utilisation de la HITChip, de Goffau et al. (2014) ont montré que l’abondance des Bacteroidetes était augmentée chez les enfants diabétiques par rapport à des enfants sains.

Une quantification fiable des communautés microbiennes est possible grâce à l’approche de PCR en temps réel ou PCR quantitative (qPCR). Cette technique utilise des amorces spécifiques, ciblant des populations bactériennes à différents niveaux taxonomiques, et détecte la fluorescence émise soit par un composé qui fluoresce lorsqu’il se lie à l’ADN double brin soit par un fluorochrome. La fluorescence émise est proportionnelle à la quantité d’amplicons produits et permet ainsi la quantification des taxa ciblés. De nombreuses études ont appliqué cette approche pour décrire les variations dans la composition et l’abondance des communautés bactériennes intestinales, par exemple chez des individus d’âge (Mariat et al., 2009) ou atteints d’une pathologie telle que la maladie de Crohn (Sokol et al., 2008). Cet outil

11 ne permet pas de détecter de nouveaux taxa microbiens, puisque la détermination des amorces de qPCR nécessite de connaitre la séquence du gène codant l’ARNr 16S des taxa ciblés.

L’étude d’un écosystème aussi complexe que le microbiote intestinal nécessite une description plus précise des populations microbiennes qui le composent. Le séquençage du gène codant l’ARNr 16S permet d’identifier les microorganismes déjà décrits mais également de mettre en évidence de nouveaux taxa (Tableau 1). Jusque dans les années 1990, il était nécessaire de cloner les amplicons du gène codant l’ARNr 16S pour pouvoir individualiser chaque molécule et assurer son séquençage par la méthode Sanger. Cette approche dite de clonage-séquençage étant laborieuse, il a fallu attendre le développement des techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS) pour que l’exploration du microbiote intestinal grâce au séquençage du gène codant l’ARNr 16S se généralise. Le séquençage massif direct des amplicons utilise des billes (pyroséquençage 454) ou des surfaces solides (Illumina et SOLiD, Sequencing by Oligonucleotide Ligation and Detection). Le pyroséquençage génère des séquences dont la longueur permet de couvrir, de manière individuelle, la plupart des régions variables de l’ARNr 16S (Claesson et al., 2009). Il a donc été largement utilisé pour décrire ou comparer la composition et l’abondance des communautés bactériennes intestinales (e.g. Brim et al., 2013; Durbán et al., 2012; Jeffery et al., 2012). Les progrès constants et le développement de nouvelles techniques de séquençage haut-débit ont permis d’augmenter la profondeur de séquençage. C’est notamment le cas de la technologie Illumina qui grâce au séquençage « paired-end », génère des séquences dont la longueur est comparable au pyroséquençage mais avec une meilleur qualité et un taux d’erreur plus faible (Rodrigue et al., 2010). Ce séquençage Illumina est de plus en plus utilisé pour caractériser le microbiote intestinal et pour comparer par exemple le microbiote des individus sains et atteints par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) (Lozupone et al., 2013), des personnes saines et obèses (Yasir et al., 2015) ou encore décrire les communautés bactériennes chez des patients atteints de rectocolite hémorragique (Walujkar et al., 2014). La technologie de séquençage SOLiD pour le séquençage des amplicons du gène codant l’ARNr 16S, bien que moins répandu, peut être utilisée pour l’étude du microbiote intestinal, car elle permet notamment d’obtenir une résolution plus importante au niveau de l’espèce (Mitra et al., 2013).

Le séquençage du gène codant l’ARNr 16S a considérable étendu la vision de la structure du microbiote intestinal, mais il ne permet qu’une identification taxonomique des communautés microbiennes. Le développement de la métagénomique, approche dans laquelle l’ensemble des gènes est séquencé, permet d’obtenir une vision globale et sans a priori du

Figure 2 : Vue d'ensemble des techniques utilisées pour caractériser le microbiote intestinal. (Modifiée

d’après Fraher, O’Toole and Quigley 2012)

Représentation schématique des outils disponibles pour étudier la composition et/ou l’abondance des communautés bactériennes du microbiote intestinal.

Abréviations : DGGE, denaturing gradient gel electrophoresis ; FISH, fluorescence in situ hybridization ; NGS, next-generation sequencing ; PCR, polymerase chain reaction ; TGGE, temperature gradient gel electrophoresis ; T-RFLP, terminal restriction fragment length polymorphism.

12 microbiote intestinal. En effet, elle permet d’identifier les taxa présents mais également d’explorer les potentialités métaboliques du microbiote intestinal et donc d’étudier son rôle dans la physiologie de l’hôte (Gill et al., 2006). Cependant, le microbiote intestinal est un écosystème très complexe et variable, ainsi pour en obtenir une description exhaustive il est nécessaire de conduire des approches de métagénomique avec une grande profondeur de séquençage et couvrant un échantillonnage important d’individus. C’est avec cet objectif que le consortium américain « the Human Microbiome Project » (HMP) et européen « MetaHIT » (the european union project on Metagenomics of the Human Intestinal Tract) ont été constitués. Le consortium américain HMP a été fondé en 2008 par le NIH (National Institut of Health). Ce projet vise à décrire de manière exhaustive les microbiomes humains intestinaux, oraux, respiratoires, cutanés et vaginaux de 242 donneurs sains, au travers de l’échantillonnage de 15 (pour les hommes) et 18 (pour les femmes) sites anatomiques (The Human Microbiome Project, 2012a). Le consortium européen MetaHIT a lui été constitué afin d’explorer uniquement le microbiote intestinal et en particulier son association avec l’état de santé des individus. Majoritairement financé par l’Union Européenne (UE), ce consortium a été fondé en 2008 et regroupe huit pays différents (la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Chine). Son objectif est de réaliser un catalogue des gènes portés par le microbiote intestinal grâce à des approches de métagénomique conduites sur une cohorte de 370 individus (sains, obèses ou atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) (Ehrlich & The MetaHIT Consortium, 2011).

L’ensemble des outils moléculaires appliqués au microbiote intestinal a permis d’améliorer notre connaissance de cet écosystème complexe (Figure 2). Si les approches de métagénomique permettent une exploration taxonomique et fonctionnelle du microbiote intestinal, la profondeur de séquençage qu’elles nécessitent engendre des coûts encore très élevés. Les études menées sur le microbiote intestinal se limitent donc généralement à une description phylogénétique basée sur l’amplification du gène codant l’ARNr 16S (séquençage NGS, qPCR…).

1.2.2. Gradient longitudinal de richesse et de diversité

Le tractus digestif est un tube musculeux continu qui assure la digestion des aliments. Pour assurer ce processus, le tube digestif est divisé en plusieurs compartiments : la bouche, l’œsophage, l’estomac, l’intestin grêle, le côlon et le rectum. Chaque segment du tube digestif exerce une fonction différente dans la digestion, comme l’estomac qui est entre autre

Figure 3 : Réparation du microbiote au sein du tractus digestif. (Modifiée d’après Koboziev et al. 2014

et Jandhyala et al. 2015)

La concentration bactérienne augmente de l’estomac jusqu’au côlon, pour atteindre 1012 bactéries/g de

contenu luminal. Les principaux genres bactériens dominant le microbiote de chaque organe sont également indiqués.

13 responsable du brassage des aliments, l’intestin grêle de l’absorption des nutriments ou encore le côlon dans lequel l’eau est réabsorbée et les fèces formées. Les différents compartiments du tractus digestif ont donc des caractéristiques différentes ce qui crée des niches écologiques variées permettant la colonisation par les microorganismes. Ainsi, un gradient croissant longitudinal (oro-anal) est observé aussi bien en terme de densité que de diversité des populations bactériennes (O’Hara & Shanahan, 2006) (Figure 3). Le microbiote stomacal ne

comprend que 0 à 102 bactéries/g de contenu luminal, car le pH très acide de l’estomac et un

temps de transit rapide du bol alimentaire tendent à limiter la croissance des microorganismes (Walter and Ley, 2011). La densité bactérienne augmente progressivement de

102-103 bactéries/g de contenu luminal dans le duodénum (partie proximale de l’intestin grêle)

à 107-108 bactéries/g de contenu luminal dans l’iléon distal et atteint un maximum de

1012 bactéries/g de contenu luminal au niveau colique (Koboziev et al., 2014). Le côlon

représente ainsi le compartiment intestinal le plus densément peuplé mais également le plus diversifié avec de nombreux genres bactériens détectés tels que Bacteroides, Clostridium, Prevotella, Porphyromonas, Ruminococcus, Lactobacillus, ou encore Bifidobacterium (Figure 3).

1.2.3. Le microbiote fécal

La très grande majorité des études sur la diversité et la richesse du microbiote intestinal est menée à partir d’échantillons de selles, ces derniers étant les plus faciles à collecter. Il est généralement admis que la composition du microbiote fécal reflète celle du microbiote luminal au niveau du côlon distal.

Parmi les populations bactériennes retrouvées au sein du microbiote fécal, 90% appartiennent à deux phyla : les Firmicutes et les Bacteroidetes (Jeffery et al., 2012). Le phylum des Firmicutes est toujours fortement représenté, notamment par des espèces appartenant aux genres Eubacterium, Clostridium, Ruminococcus, et Butyvibrio. Les membres du genre Bacteroides, appartenant au phylum des Bacteroidetes, sont également abondamment retrouvés (Doré & Corthier, 2010). Les Actinobacteria constituent généralement le troisième phylum dominant du microbiote fécal, et sont principalement représentés par des membres du genre Bifidobacterium (Doré & Corthier, 2010). D’autres phyla bactériens minoritaires sont fréquemment détectés tels que les Proteobacteria, les Fusobacteria et les Verrucomicrobia (Silva et al., 2015). Cette forte conservation du microbiote intestinal au niveau du phylum, avec moins d’une dizaine de phyla représentés sur les 55 actuellement décris (Ley et al., 2006;

14 Geuking et al., 2014), indique l’existence d’une forte pression de sélection au sein de l’environnement intestinal (Schippa & Conte, 2014). Le tractus intestinal apparait donc comme une niche écologique hautement spécialisée dont les membres ont été sélectionnés au cours de l’évolution (Geuking et al., 2014). Cependant, si les bactéries intestinales appartiennent à un nombre restreint de phyla, elles constituent en revanche une richesse importante en espèces. Un seul individu abrite en effet au moins 160 espèces bactériennes différentes, ce qui représente environ 1 150 espèces à l’échelle de la population humaine (Qin et al., 2010).

1.2.4. Le microbiote associé à la muqueuse

De la même manière que le microbiote hébergé par le tractus digestif présente un gradient longitudinal croissant de diversité et de densité bactérienne de l’œsophage à l’anus, le microbiote intestinal montre un gradient axial. Bien que de nombreuses espèces bactériennes diversifiées peuplent la lumière de l’intestin, très peu adhèrent et résident dans la couche de mucus. Cette dernière, produite par les cellules caliciformes, comprend deux parties : la plus interne fortement réticulée qui adhère intimement à l’épithélium et est imperméable aux bactéries, tandis que la plus externe moins réticulée abrite des bactéries commensales (Natividad & Verdu, 2013). La couche de mucus forme une niche écologique particulière colonisée par des espèces bactériennes spécialisées dont certaines protéobactéries (Sommer & Bäckhed, 2013) et des taxa mucolytiques comme Akkermansia muciniphila (Derrien et al., 2004) et Mucispirillum (Wang et al., 2010).

Un gradient d’oxygène est également présent au niveau de la muqueuse intestinale. Effectivement, la concentration en oxygène diminue fortement et rapidement depuis l’épithélium jusqu’à la lumière intestinale, où seuls des taxa anaérobies stricts sont retrouvés (Espey, 2013). La présence de cette zone micro-oxygénée proche de l’épithélium permet le développement de bactéries micro-aérophiles et anaérobies aérotolérants (Espey, 2013), appartenant notamment aux genres Clostridium, Lactobacillus et Enterococcus (Jandhyala et

al., 2015).

Les communautés bactériennes présentes dans la lumière intestinale diffèrent donc nettement de celles associées à la muqueuse. Or, ces dernières, de par leur proximité avec l’épithélium sous-jacent, pourraient jouer un rôle complètement différent de celui des bactéries luminales, notamment dans les échanges d’éléments nutritifs et l’induction du système immunitaire inné de l’hôte (Eckburg et al., 2005). L’analyse du microbiote associé à la

15 muqueuse serait donc plus pertinente que celle du microbiote fécal. Cependant, l’échantillonnage des communautés bactériennes associées à la muqueuse, par biopsie du tissu intestinal sous endoscopie, est un acte invasif et donc plus difficile à mettre en œuvre qu’une simple collecte de fèces, en particulier chez des donneurs sains. La richesse et la diversité du microbiote associé à la muqueuse sont donc moins explorées que celles du microbiote fécal.

1.2.5. Les facteurs influençant la composition du microbiote intestinal

Les différents travaux visant à étudier la composition du microbiote intestinal ont cependant mis en exergue que ce dernier n’est pas identique d’une personne à l’autre. Chaque individu possède un microbiote intestinal unique et héberge une combinaison d’espèces bactériennes qui lui est propre (Holmes et al., 2012). Une grande variabilité dans la composition mais également dans l’abondance des taxas bactériens est observée entre les individus (Bäckhed

et al., 2012). Ainsi, l’abondance des Firmicutes et Bacteroidetes varie au sein de la population

humaine, le microbiote intestinal d’un individu pouvant être dominé par l’un ou l’autre de ces deux phyla (Arumugam et al., 2011 ; The Human Microbiome Project consortium, 2012). De nombreux éléments sont évoqués pour expliquer cette variabilité tels que des facteurs génétiques ou environnementaux. Parmi ces derniers l’alimentation ainsi que l’antibiothérapie sont les plus documentés (Koboziev et al., 2014; Jandhyala et al., 2015).

L’alimentation est un paramètre qui influence de manière radicale la composition du microbiote intestinal avec des structures différentes observées en fonction du type de régime alimentaire. Ainsi, une prévalence plus importante des phyla Actinobacteria et Bacteroidetes est observée chez des personnes ayant un régime alimentaire riche en fibres et pauvre en graisses, tandis que les phyla Firmicutes et Proteobacteria prédominent dans un régime riche en graisses et pauvre en fibres (Silva et al., 2015). De plus, le passage d’un régime riche en graisses et en sucres à une régime riche en fibres induit des changements notables et rapides au sein du microbiote intestinal (Jumpertz et al., 2011; Wu et al., 2011). Les taxa affectés par ce changement de régime alimentaire diffèrent selon les individus (Wu et al., 2011).

L’administration d’antibiotiques est un autre facteur largement reconnu pour influencer la composition du microbiote intestinal. Les antibiotiques sont employés afin d’éliminer les bactéries pathogènes responsables de maladies infectieuses. Cependant, ils provoquent également un fort dérèglement du microbiote intestinal en créant une pression de sélection qui favorise le développement de certains microorganismes au détriment de la croissance d’autres

16 espèces (Costello et al., 2012). L’administration d’antibiotiques induit des changements rapides avec une perturbation à court et long terme du microbiote (Jandhyala et al., 2015). Jernberg et al. (2007) ont notamment montré que l’effet d’une antibiothérapie sur la diversité du phylum des Bacteroidetes perdure jusqu’à deux ans après la prise d’antibiotiques. Les effets perturbateurs d’une antibiothérapie pourraient être amplifiés chez l’enfant, notamment lorsque la prise d’antibiotique a lieu lors du processus de colonisation du tractus digestif. De plus, les antibiotiques à large spectre sont fréquemment prescrits aux enfants, et une surutilisation de ces molécules peut modifier significativement l’écosystème intestinal (Tanaka et al., 2009; Cho et al., 2012). Même si le microbiote de l’enfant est capable de résister à ce type de perturbations, il peut être durablement altéré par une utilisation d’antibiotiques très tôt au cours du développement et/ou par une administration prolongée sur une période de temps importante (Arrieta et al., 2014).

1.2.6. La catégorisation du microbiote intestinal

Bien qu’une grande variabilité du microbiote intestinal soit observée entre les individus, Arumugam et al. (2011) ont proposé une catégorisation en trois variants ou entérotypes basée sur la dominance du genre Bacteroides (entérotype 1), Prevotella (entérotype 2) ou Ruminococcus (entérotype 3). Cette classification ne semble cependant pas être dépendante de la localisation géographique, du genre ou de l’âge des individus. D’autres travaux ont montré une classification en seulement deux entérotypes corrélés avec le type d’alimentation. Ainsi l’entérotype dominé par le genre Bacteroides est associé à un régime riche en lipides et protéines animales, tandis que celui dominé par le genre Prevotella est lié à une alimentation riche en fibres (Wu et al., 2011). Ce concept de catégorisation en entérotypes est aujourd’hui remis en cause car même si la ré-analyse d’études préexistantes a permis de retrouver cette classification, d’autres travaux n’ont pas permis de la mettre en évidence (Lozupone et al., 2012). De plus, cette répartition en entérotypes n’est pas retrouvée à des niveaux taxonomiques plus élevés comme l’ordre par exemple (Holmes et al., 2012).

Un autre type de catégorisation a été proposé par Le Châtelier et al. (2013). Leurs travaux, basés sur l’étude du microbiome intestinal chez des personnes obèses et non-obèses, ont montré une séparation de leur cohorte en microbiome riche (HGC, High Gene Content) ou pauvre en gènes (LGC, Low Gene Content). Cette classification serait associée à l’état de santé des individus. Ainsi les personnes HGC possèderaient un microbiome plus robuste associé à un état de bonne santé tandis que les personnes LGC abriteraient un microbiome dont les effets

Figure 4 : Les fonctions du microbiote intestinal. (Modifiée d’après O’Hara and Shanahan 2006)

Les bactéries commensales exercent un panel varié d’effets métaboliques, immunologiques, protecteurs et structuraux sur l’épithélium intestinal.

17 seraient délétères sur la physiologie de son hôte et corrélé avec un état pathologique tel que l’obésité.

Cette très grande variabilité inter-individuelle pose par conséquent la question de l’existence d’un microbiote commun avec des espèces partagées entre tous les individus (« core » microbiote). Faecalibacterium prausnitzii, Anaerostipes caccae, Clostridium spiroforme, Bacteroides uniformis, Dorea longicatena ou encore Bifidobacterium longum font partie de ces espèces communes (présentes chez plus de 50% des individus) les plus fréquemment retrouvées (Tap et al., 2009). Un nombre limité d’espèces communes a donc pu être mis en évidence, et elles sont présentes à des abondances très variables au sein de la population humaine (Qin et al., 2010). Cependant, si les individus hébergent des espèces bactériennes différentes, les fonctions portées par le microbiote intestinal sont, elles, très similaires et semblent communes à l’ensemble de la population. Les gènes portés par le microbiote intestinal sont similaires entre les individus, soutenant l’hypothèse de l’existence d’un « core » microbiome (Qin et al., 2010). Au sein de ce « core » microbiome, les gènes impliqués dans la transcription, la synthèse d’ATP et la glycolyse sont les plus abondamment