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Chapitre 1- Introduction : Problématique et Etat de l’art

I.2 Les tiques du bétail en Afrique de l’ouest

I.3.2 Rhipicephalus (Boophilus) microplus

25 La sortie d’Afrique d’A. variegatum peut être retracée en couplant les résultats des études biogéographiques (Beati et al. 2012; Stachurski et al. 2013) aux quelques données historiques (Estrada-Peña et al. 2007; Stachurski et al. 2013; Chevillon & Huber 2016). Sa présence aux Caraïbes résulte de l’importation de bétail d’Afrique de l’ouest durant le commerce triangulaire (Barré & Uilenberg 2010; Beati et al. 2012; Chevillon & Huber 2016). A. variegatum a colonisé la Guadeloupe, Marie-Galante, Antigua et la Martinique en 1948, puis la quasi-totalité des Petites Antilles et Porto-Rico (Grandes Antilles) entre 1967 et 1988. Cette colonisation s’explique par des déplacements de bétails entre îles. Toutefois, la dispersion du héron garde-bœuf, Bubulcus ibis qui a proliféré dans les années 1970-1980 a constitué un facteur supplémentaire de dispersion (Corn et al. 1993). Dans les îles de l’Océan Indien les données historiques sur l’introduction de A. variegatum restent peu informatives (Stachurski et al. 2013). Sa présence est reportée pour la première fois à Madagascar en 1899, à la Réunion en 1949, sur l’Ile Maurice fin XIXème alors qu’elle est bien plus tardive aux Comores et à Mayotte (Stachurski et al. 2013). L’hypothèse d’une introduction d’A. variegatum dans tous ces territoires depuis l’Afrique orientale est confirmée par l’observation de la coexistence des lignées mitochondriales « Afrique de l’est » et « mondiale » dans les populations malgaches (Stachurski et al. 2013). Bien que les conditions climatiques de Rodrigues lui soient favorables, elle ne semble pas (encore) s’y être installée (Barré & Morel 1983). De même, elle ne semble pas avoir terminé la colonisation de tous les habitats malgaches favorables (Stachurski et al. 2013).

I.3.2 Rhipicephalus (Boophilus) microplus

Les travaux de Murrell et al. (2000, 2001) et de Beati & Keirans (2001) ont démontré que la conservation d’un genre Boophilus rendrait paraphylétique le genre Rhipicephalus du fait de l’inclusion du premier dans le second. Rendre cohérente la systématique demandait donc : (i) soit de créer des genres monophylétiques pour chaque sous-clade de Rhipicephalus spp apparaissant frère du clade Boophilus ; (ii) soit de considérer Boophilus comme un sous-genre de Rhipicephalus. Cette seconde solution, proposée par Murrell et al (2001)et Murrell & Backer (2003), fut finalement acceptée par les acarologues. Les cinq espèces du sous-genre Boophilus se nomment donc aujourd’hui Rhipicephalus (Boophilus) annulatus, Rhipicephalus (Boophilus) decoloratus, Rhipicephalus (Boophilus) geigyi, Rhipicephalus (Boophilus) kohlsi, Rhipicephalus (Boophilus) microplus. Dans ce document les nomenclatures abrégées de ces espèces sont respectivement désignées par R. (B.) annulatus, R. (B.) decoloratus, R. (B.) geigyi, R. (B.) kohlsi et R. (B.) microplus.

Le berceau d’origine de R. (B.) microplus correspond à celui de diversification d’espèces de bovins domestiques asiatiques : banteng (Bos javanicus), gaur (B. frontalis) et kouprey (B.

sauveli). Ce berceau correspondrait aux actuels Vietnam, Malaisie, Philippines et/ou Indonésie

(Barré & Uilenberg 2010). Cette partie du monde héberge effectivement la plus grande diversité des lignées mitochondriales du complexe R. (B.) microplus sensu lato (Burger et al. 2014; Low et al. 2015) alors qu’une même lignée mitochondriale qualifiée de R. australis a colonisé la région pacifique (Labruna et al. 2009) et qu’une autre lignée mitochondriale remarquablement peu diverse que nous qualifierons donc de R. (B.) microplus sensu stricto est présente dans certaines localités australiennes (Estrada-Peña et al. 2012)ainsi que dans toutes les régions africaines et américaines colonisées par ce complexe (Labruna et al. 2009; Burger et al. 2014; Low et al. 2015 ; Chevillon et Duron, résultats non publiés).

L’histoire complexe de la domestication des bovins en Asie et de la diffusion de cette pratique dans ce continent est impliquée dans la diffusion probable de différentes lignées mitochondriales du complexe vers l’Afghanistan oriental, le Bengladesh, l’Inde, le sud de la Chine, la Corée du Sud, le Japon et la Papouasie Nouvelle-Guinée (Barré & Uilenberg 2010). En revanche, ce sont les échanges commerciaux de bovins domestiques descendants des taurins et des zébus (B. taurus et B. indicus, respectivement) qui expliquent probablement la formidable expansion géographique de la lignée mitochondriale R. (B.) microplus sensu stricto sur les continents africain, américain, et, dans une moindre mesure, australien ainsi que dans diverses iles de l’océan indien (Barré & Uilenberg 2010).

Chapitre 1 – Introduction : Problématique & Etat de l’art

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Figure 3: Distribution de Rhipicephalus (Boophilus) microplus dans le monde en 2013

(Sources : Barré et Uilenberg 2010 ; Madder et al 2011 ; Toure et al 2014 ; Adakal et al 2013 ; Opara et Ezeh 2011)

Les premières observations formelles de R. (B.) microplusà Madagascar datent de 1899 (Barré & Uilenberg 2010). En Afrique, elle a été mise en évidence au sud du continent à partir de la fin

XIXème (Zeman & Lynen 2010) et à l’ouest dans la première décennie du XXIème (Madder et al. 2007, 2011, 2012; Adakal et al. 2013a). L’origine de R. (B.) microplus en Amérique pourrait être multiple (Barré & Uilenberg 2010). En 1907, R. (B.) microplus était installée en Californie, au Nord de la Caroline et au Texas suite à l’invasion – conjointe avec R. (B.) annulatus – du Sud des Etats-Unis. L’éradication de ces tiques a eu lieu au sud des Etats-Unis pour la première fois en 1943 (Bram & Gray 1979). Mais, suite à de nouvelles invasions en provenance du Mexique, de nouveaux programmes de lutte ont dû être mis en place (George 1987). R. (B.) microplus a également envahi l’ensemble de l’Amérique Centrale, la Colombie et le territoire du Venezuela s’étendant jusqu’à l’Uruguay et l’Argentine (Estrada-Peña et al. 2006). La présence de l’espèce au Brésil proviendrait de l’introduction en 1870-1895 des zébus d’origine indienne tels que les Girs (1890), le zébu Kankrej (appelé Gujerà au Brésil) (~1870), et les zébus Ongole (Nelore au Brésil) (~1895) (Barré & Uilenberg 2010). En Australie, il y a eu plusieurs introductions de buffles, bantengs et zébus d’origines indiennes et/ou indonésiennes entre 1824 et 1850, ce qui explique la coexistence actuelle des lignées R. australis et R. (B.) microplus sensu stricto. R. (B.)

(Angus 1996) avec une vitesse de colonisation proche de 4.5 km/an (Barré & Uilenberg 2010). Elle a été introduite d’Australie en Nouvelle Calédonie en 1942 par les troupes américaines pendant la deuxième guerre mondiale avec leurs équidés (Rageau & Vervent 1959; Bennett 2004). Des analyses de génétique des populations ont ensuite confirmé que cette introduction en Nouvelle Calédonie résultait bien d’un très petit nombre d’individus du fait de la persistance de la signature de « goulot d’étranglement » au sein des populations néocalédoniennes (De Meeûs et al. 2010).

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