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Chapitre 1- Introduction : Problématique et Etat de l’art

I.2 Les tiques du bétail en Afrique de l’ouest

I.2.4 La lutte contre les tiques et les agents pathogènes transmis

I.2.4.1 La lutte contre les tiques

17 Nous traiterons dans le Chapitre 3 comment l’épidémiologie des agents pathogènes transmis par les tiques du bétail a été impactée par l’installation de la tique invasive R. (B.) microplus en Afrique de l’ouest.

Tableau IV: Principaux agents pathogènes et maladies transmises par les tiques du bétail de l’Afrique de l’ouest

Agents Pathogènes

Maladies Vecteurs Référence

Eubactérie Ehrlichia ruminantium Cowdriose Amblyomma variegatum (Uilenberg et al. 1979)

Anaplasma marginale Anaplasmose Hyalomma marginatum rufipes Rhipicephalus (B.) annulatus R. (B.) decoloratus R. (B.) microplus R. senegalensis (Potgieter 1979; Uilenberg 1995; Futse et al. 2003; Aubry & Geale 2011) A. centrale Anaplasmose R. (B.) annulatus

R. (B.) decoloratus R. senegalensis

(Uilenberg 1995; Aubry & Geale 2011)

Apicomplexe Theileria mutans Theilériose A. variegatum (Uilenberg et al. 1974;

Saidu et al. 1984)

T. velifera Theilériose A. variegatum (Uilenberg 1981))

T. annulata Theilériose H. marginatum rufipes (Jongejan et al. 1983) Babesia occultans Babésiose H. marginatum rufipes (Blouin & van

Rensburg 1988) B. bigemina Babésiose R. (B.) annulatus

R. (B.) decoloratus R. (B.) geygyi R. (B.) microplus

(Bock et al. 2004)

B.bovis Babésiose R. (B.) annulatus

R. (B.) geygyi R. (B.) microplus

(Akinboade & Dipeolu 1981; Uilenberg 1995)

? “Toxine” Suette H. truncatum (van Amstel et al.

1987)

I.2.4 La lutte contre les tiques et les agents pathogènes transmis

Il existe différentes méthodes de lutte contre les tiques et les agents pathogènes qu’elles transmettent. Des plus classiques aux plus technologiquement avancées, la science s’intéresse aux moyens de maîtriser la charge parasitaire des tiques et la circulation d’agents pathogènes qu’elles transmettent.

I.2.4.1 La lutte contre les tiques

Le détiquage manuel, la lutte acaricide ou encore l’utilisation de vaccins anti-tiques constituent les méthodes usuelles de lutte. Le détiquage manuel pratiqué par certains éleveurs sur des animaux faiblement infestés est souvent la première méthode de lutte dans les systèmes à faibles intrants (voir Glossaire) (Adakal et al. 2013b). La lutte acaricide, quant à elle, est celle à laquelle la majorité des éleveurs a recours notamment en périodes de forte

infestation. Les produits acaricides peuvent être appliqués sous forme de spray, de pulvérisation ou de bain. Dans le cadre de la lutte contre A. variegatum, Stachurski et Lancelot (2006) ont démontré l’efficacité du pédiluve acaricide qu’ils ont mis au point. Ce moyen de lutte reste néanmoins peu usité dans la sous-région. L’utilisation inadéquate et non contrôlée de beaucoup de produits chimiques aboutit souvent à la sélection de génotypes résistants au sein des populations de tiques, et conduisent donc à plus long terme à des échecs de lutte (Beugnet et al. 1994; Turkson & Botchey 1999; Baffi et al. 2008). Ce n’est toutefois pas le cas chez R. (B.) geigyi (une espèce dont le court temps de génération en fait une espèce sentinelle de choix pour détecter ce type d’évolution indésirable) au Burkina Faso en dépit du fait que les éleveurs pratiquent fréquemment un recyclage de pesticides phytosanitaires à des fins de lutte acaricide (Adakal et al. 2013b).

A l’utilisation classique d’acaricides chimiques s’est récemment ajouté un essor spectaculaire de la recherche de molécules acaricides à partir d’extraits de plantes (Ghosh et al. 2011, 2013; Ravindran et al. 2012; Barbosa et al. 2013). Des extraits d’environ 55 plantes appartenant à 26 familles ont déjà été expérimentés pour lutter contre R. (B.) microplus (Borges et al. 2011). Il s’avère nécessaire de mentionner, également, l’usage par des éleveurs d’Afrique de l’ouest de différentes parties de certaines plantes locales. Ainsi, une étude réalisée en 2006 par Dossou-Gbete et al. (2006) dans le nord-Bénin a démontré que 58% (N = 51 sur 87) des éleveurs interrogés utilisaient des extraits de plantes traditionnelles préparées sur place selon différents procédés. Une étude en cours au Bénin sur ces savoirs autochtones a été menée dans le cadre du projet WECATiC (Contrôle intégré des tiques et des maladies transmises émergentes en Afrique de l’Ouest et du Centre) ; elle a montré que certains extraits végétaux induisent in vitro jusqu’à 100% de mortalité sur des larves de R. (B.) microplus (Adehan Safiou, communication personnelle).

Les vaccins à base d’antigènes de tiques, pratiqués dans certains systèmes à forts investissements, constituent des alternatives à l’usage d’acaricides chimiques ou extraits de plantes (Kimaro & Opdebeeck 1994). Ces vaccins induisent une réduction du nombre de femelles gorgées, de leur poids et de leur fertilité (Willadsen 2006). Etant données les grandes pertes économiques occasionnées, R. (B.) microplus fut l’une des premières espèces de tiques ciblées par ces recherches qui ont conduit au développement d’un vaccin basé sur l’antigène BM86 (de la Fuente et al. 2000). Ce vaccin, malgré ces limites dues notamment à la variation du gène BM86 a fourni des résultats satisfaisants dans certaines régions, et ce, y compris

vis-Chapitre 1 – Introduction : Problématique & Etat de l’art

19 à-vis d’autres espèces de tiques (e.g. R.(B.) annulatus ; R.(B.) decoloratus ; H. anatolicum anatolicum ; H. dromedarii) que R. (B.) microplus (De Vos et al. 2001; Pipano et al. 2003). Ce vaccin est commercialisé notamment à Cuba et en Autralie. Le développement de vaccins anti-tiques continue (Schuijt et al. 2011; de la Fuente et al. 2015; Dogo et al. 2015), notamment du fait de la démocratisation des outils de génomique et protéomique pour la caractérisation des antigènes d’intérêt (de la Fuente & Contreras 2015). D’autres méthodes de lutte contre les tiques sont également expérimentées à partir de l’utilisation des ennemis naturels des tiques, telles que des guêpes parasitoïdes (Samish et al. 2004), des vers nématodes ou des spores de champignons (Angelo et al. 2012; Monteiro et al. 2013).

Mis à part ces moyens de lutte, des dispositions pratiques telles que la modification des plans de pâturage réduisant le contact tiques-bétail semblent relativement efficaces (Corson et al. 2003; Stachurski & Adakal 2010). L’utilisation d’animaux résistants naturellement à l’infestation des tiques est également un moyen de lutte intégrée contre les tiques. Même si peu d’éleveurs y adhèrent et que peu de données scientifiques s’y réfèrent (Frisch & O’Neill 1998; Frisch 1999), cette méthode de lutte pourrait s’avérer très utile au vu des effets secondaires potentiels des autres méthodes de lutte.

En outre, une étude récente conduite au Burkina Faso a révélé, qu’au côté des 15% d’agro-eleveurs recyclant des produits phytosanitaires dans la lutte acaricide, certains éleveurs (i.e. 12% ; N= 7 sur 60) ont recours à des méthodes non conventionnelles telles que le plâtrage des bovins par de la bouse de vache ou de l’huile de vidange (Adakal et al. 2013b). Au Bénin, Dossou-Gbété et al. (2006) ont conduit une étude au Nord du pays sur les méthodes endogènes de lutte contre les tiques. Parmi les méthodes traditionnelles de lutte citées par les participants, 58% se rapportaient à l’utilisation d’extrait de plantes, 89% aux mélanges de produits animaux et 35% à des procédés mécaniques (Dossou-Gbete et al. 2006). Les extraits de plantes sont utilisés non seulement sous formes de broyats de feuilles (mélangés avec de la cendre de cuisine ou délayés dans de l’eau) mais également de filtrats de feuilles, de fleurs ou de sève. Les mélanges de produits animaux comprennent de la bouse de vache (utilisée seule ou enfumée avec des herbes vertes) et de l’urine de bovins mélangée à du sable. Les procédés mécaniques quant à eux regroupent l’usage des pierres, du feu, du fer chauffé au rouge, du charbon ou de morceaux de pierre incandescent(e), du feu de brousse précoce (contre les tiques dans les pâturages) et des solutions concentrées de crésyl (Dossou-Gbete et al. 2006).

Néanmoins depuis l’arrivée de R. (B.) microplus en Afrique de l’Ouest l’utilisation, parfois intensive, de produits acaricides devient de plus en plus courante (Madder et al. 2011).

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