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Revue critique du protocole

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6 Mise en place de l’essai ANRS 12294 FIT-2

6.3 Revue critique du protocole

Avec le recul et les difficultés apparues lors de la mise en place de l’essai, j’ai été amené à me poser des questions sur les choix méthodologiques de l’essai FIT-2, à la lumière de mes propres travaux présentés dans les sections précédentes. J’ai ainsi pu identifier quelques points qui méritent d’être discutés.

Tout d’abord le caractère non comparatif de l’essai qui va rendre difficile le classement des régimes testés dans chaque bras selon leur performance. En effet, l’objectif de l’essai est de déterminer parmi ces régimes ceux qui entraineront un taux de « succès global » > 55% après 96 semaines de traitement. Cette question est certes essentielle pour décider sans ambiguïté si on doit continuer à initier un régime à base de trois INTI. Toutefois, l’absence de comparaison entre les différents bras de traitement rendra difficile la proposition de la meilleure séquence d’initiation des différents régimes ARV disponibles. On pourra certainement se prononcer sur l’efficacité intrinsèque d’un régime à travers le nombre de patients en succès après 96 semaines, mais certainement pas sur sa supériorité par rapport à un autre régime ARV.

Il faut cependant admettre avec le recul que ce choix est justifié par la réalité du recrutement. En effet, pour faire un essai comparatif avec trois bras de traitement, il aurait fallu recruter plus de 600 patients pour avoir la puissance nécessaire avec les

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hypothèses actuelles. L’expérience de l’essai Temprano ANRS 12136 qui a duré plus de sept ans, en raison des difficultés d’inclusion (suivi de 30 mois/patients), nous rappelle à quel point il devient difficile de faire des essais thérapeutiques de grande taille sur des patients naïfs de traitement. Vu les difficultés observées actuellement, nul doute qu’une tentative de faire un essai comparatif aurait avorté par manque de puissance.

Le critère de jugement principal de l’essai FIT-2, qui est la proportion de patients ayant un « succès global » à S96 suscite également quelques interrogations, lesquelles ont été abordées par les membres du conseil scientifique de l’essai à différentes reprises. La définition du « succès global » étant composite, avec plusieurs éléments inclusifs à savoir :

 La survie

 Et une charge virale VIH-2 indétectable (<50 copies/ml)

 Et la non-survenue d’un événement classant SIDA hors tuberculose

 Et une augmentation des CD4 en fonction du nombre de CD4 initial (Delta de CD4 >+100 cellules/mm3 pour des CD4 initiaux entre 201 et 500 cellules/mm3 ou Delta de CD4 >0 cellules/mm3 pour des CD4 initiaux > 500 cellules/mm3) Le premier élément discutable est l’absence dans cette définition, de l’arrêt du traitement dans un bras de l’essai. Cette définition ne prend pas en compte la sortie du patient de son bras de traitement initial, comme critère d’échec. En effet, un patient pourrait être en succès global sans être dans son bras de traitement initial, s’il a changé de traitement en cours de suivi, du fait des effets indésirables liés au traitement. Bien que l’analyse se fasse en intention de traiter, elle ne considère pas le nombre de patient encore dans le bras de traitement à la fin de l’essai, mais plutôt le nombre de patient ayant initié chaque bras et satisfaisant à la définition du succès global à la fin du suivi.

De plus, tenir compte de l’évolution des CD4 dans la définition du succès global peut rendre difficile son interprétation. En effet, de nombreuses études ont rapporté la moins bonne réponse immunologique au traitement ARV chez les patients vivant avec le VIH- 2 comparés à ceux vivant avec le VIH-1 (110,120,189). Ainsi, tenir compte de la réponse immunologique pour définir le succès pourrait s’avérer particulièrement difficile dans la mesure où cela reviendrait à définir des seuils permettant de qualifier la réponse de bonne ou de moins bonne. D’autre part, des analyses de la réponse immunologique chez les patients vivant avec le VIH-2 sous traitement au sein de la cohorte IeDEA montrent bien que cette réponse est très importante entre 0 et 12 mois puis quasiment stagnante au-delà (Tableau 15).

Le tableau 15 ci-dessous montre une réponse immunologique qui reste très faible (gain de 100 CD4 en 24 mois) même chez des patients initiant le traitement ARV avec moins de 200 CD4. Sachant que la réponse immunologique est plus faible chez les patients ayant un taux de CD4 élevé, on pourrait s’attendre à des variations encore plus faibles entre 0 et 24 mois chez des patients qui initieraient le traitement avec plus de 500 CD4/mm3.

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Tableau 15: Evolution des CD4 au cours des 24 premiers chez des patients initiant le traitement ARV au sein de la cohorte WADA-HIV-2

Patients vivant avec le VIH-2 sous traitement ARV

Homme Femme Total P*

723 (39,6%) 1 102 (60,4%) 1 825 (100%) CD4 médiane [EIQ] CD4 M0 160 [79 - 262] 204 [105 - 337] 185 [95 - 297] <0,01 CD4 M6 229 [150 - 344] 289 [172 - 472] 263 [159 - 429] <0,01 CD4 M12 273 [180 - 396] 292 [196 - 475] 283 [191 - 447] 0,03 CD4 M24 259 [170 - 379] 337 [195 - 530] 290 [190 - 491] <0,01 *comparaison homme/femme

La définition des seuils de succès ou d’échec pour ces patients peut rendre difficile l’analyse et l’interprétation des résultats de l’essai. Cependant, il serait difficile de ne pas tenir compte des CD4 dans la définition de ce critère, dans la mesure où des études rapportent qu’environ 40% des patients infectés par le VIH-2 initient le traitement ARV avec une charge virale indétectable (118,148,187).

Cette question a également été soulevée lors de différentes réunions du Conseil Scientifique et des propositions de seuils permettant de définir l’échec en tenant compte du nombre de CD4 initial ont été faites. Toutefois, l’application de ces seuils sera évaluée lors de l’analyse à M24 qui permet de détecter des patients en échec précoce de traitement ARV.

En définitive, la réalisation du premier essai thérapeutique randomisé chez des patients vivant avec le VIH-2 en Afrique de l’Ouest, constitue un défi opérationnel et méthodologique. De nombreuses difficultés devront encore être surmontées, avant que l’analyse ne puisse nous fournir ses résultats qui clarifieront certainement les prochaines recommandations internationales sur la prise en charge des patients vivant avec le VIH-2 dans le monde.

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Chapitre 7

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