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Pourquoi continuer la collaboration Nord–Sud et pour quelle recherche ?

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7 Discussion et perspectives

7.5 Pourquoi continuer la collaboration Nord–Sud et pour quelle recherche ?

recherche ?

Depuis la découverte du VIH-1 en 1983, la recherche sur le VIH a toujours été le fruit de la collaboration Nord-Sud, associant les équipes du CDC, de l’institut Pasteur, des Universités des pays du Nord et des centres hospitaliers universitaires des pays du Sud. Ces derniers collectaient les données de suivi clinique et les échantillons biologiques pour les faire analyser dans les laboratoires du Nord. Cette collaboration répondait à une préoccupation commune de toute la communauté scientifique qui était de mutualiser les moyens disponibles pour comprendre le fonctionnement du virus et suivre l’évolution de l’épidémie. Le VIH-2 a ainsi été soupçonné en 1985 sur des échantillons de patients sénégalais dont le résultat sérologique était inhabituel, pour des patients présentant des symptômes du SIDA. Le virus a ensuite été isolé par les chercheurs de l’institut Pasteur de Paris en 1986, avant que son génome ne soit caractérisé en 1987 (55,56,128).

Plus tard, la collaboration Nord-Sud s’est focalisée sur les dynamiques épidémiologiques de l’infection au sein des populations, avec la réalisation d’enquête de séroprévalence du VIH-2 en guinée Bissau et en Gambie, par les équipes du

Medical Research Council (MRC) de Grande Bretagne (70,77). Cette dynamique

épidémiologique s’accompagnait de recherches en biologie moléculaire pour identifier les différents groupes et sous-groupes de la famille du virus. Le suivi de l’évolution épidémiologique du virus s’accompagnait de la nécessité d’identifier les patients infectés. C’est ainsi que les premières cohortes ont vu le jour dans les centres de dépistage et de prise en charge des IST au Sénégal, en Gambie et en Guinée Bissau. En dépit de l’absence de traitement, ces cohortes gérées par des équipes de recherche Nord-Sud avec des financements du Nord, suivaient les patients pour décrire l’histoire naturelle de l’infection et le devenir des patients infectés.

Avec l’avènement des ARV hautement actif et le passage à échelle du traitement en Afrique, la collaboration Nord-Sud s’est désormais attelée à documenter la réponse clinique, immunologique et virologique au traitement ARV. C’est ainsi qu’à travers des analyses de données de cohorte, la moins bonne réponse immunologique et virologique aux ARV chez les patients vivant avec le VIH-2, de même que la moins bonne réponse du régime à base de trois INTI comparé à celui à base d’IP, ont été décrites (110,118,189,231).

Aujourd’hui, l’attention est focalisée sur la description des résistances virales, avec la caractérisation des mutations génétiques à l’origine des résistances virales. Dans ce domaine, la collaboration Nord-Sud reste indispensable dans la mesure où les analyses phénotypiques et le séquençage génétiques ne sont pas encore réalisables en routine dans les laboratoires du Sud.

Ainsi, le faciès de la collaboration Nord-Sud a évolué au fil du temps et a marqué les progrès considérables réalisés par les systèmes de santé et les chercheurs du Sud. En effet, au tout début de l’épidémie, la collaboration consistait pour les équipes du Nord à venir s’installer dans le Sud pour tout construire (laboratoire, centre de recherche, formation des chercheurs) et mettre en place les cohortes. Au fil des années, avec le transfert de technologie et la formation, les chercheurs du Sud arrivent

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maintenant à prendre en main les unités et les laboratoires de recherche et à réaliser la plupart des examens.

Toutefois, cela ne laisse pas présager la fin des collaborations Nord-Sud dans la recherche. En effet, pour le cas de l‘infection par le VIH-2, et d’une manière générale de l’infection par le VIH, la quasi-totalité des financements de recherche proviennent du Nord et ne peuvent être obtenus que par des équipes bicéphales Nord/Sud. De plus, les nouveaux défis auxquels sont confrontés les chercheurs nécessitent de faire appel des technologies sans cesse plus avancées et qui ne sont pas encore disponibles dans les laboratoires du Sud.

Enfin, en dépit de sa localisation principale en Afrique de l’Ouest, l’infection par le VIH- 2 se retrouve quand même dans des proportions plus ou moins considérables dans certains pays du Nord. Sa prise en charge globale nécessitera toujours que les chercheurs du Nord et du Sud se mettent ensemble et associent leurs ressources pour améliorer les connaissances sur la prise en charge des patients vivant avec le VIH-2 à travers le monde.

Ainsi, dans le cadre de la collaboration IeDEA, nous avons mis en place avec le groupe de travail de la cohorte WADA-HIV-2, une biothèque de plasma et de cellules collectés chez des patients vivant avec le VIH-2 en Afrique de l’Ouest. Certains échantillons de cette biothèque ont été transférés au service de virologie de l’hôpital Necker, pour développer la technique de la PCR en temps réel sur des panels de sérum de patients vivant en Afrique (187) après sa validation sur les échantillons du Nord (37). Puis ces premières analyses ont permis de réaliser des analyses phénotypiques en vue de caractériser les mutations de résistances virales au traitement ARV avec l’équipe du Pr Brun-Vézinet de l’hôpital Bichat à Paris et de faire des dosages pharmacologiques avec l’équipe du Pr Gilles Peytavin. Cela a permis de documenter le profil des résistances génotypiques chez les patients vivant avec le VIH-2 et traités en Afrique de l’Ouest (38).

Une autre partie de ces échantillons a été utilisée dans le cadre de l’étude ANRS 12301 qui met en relation le groupe de quantification Nord et les laboratoires du Sud, pour la recherche d’une technique de diagnostic moléculaire de la double infection par le VIH-1 et le VIH-2. Cette collaboration, nous permettra de valider l‘algorithme proposé lors de la mise en place de l’essai FIT-2.

Nous avons à ce jour, dans la biothèque WADA-HIV-2, des échantillons de plasma et de cellules de plus 800 patients vivant avec le VIH-2, prélevés en 2012, 2014 et 2016. L’exploitation de cette banque biologique ne peut se faire que dans le cadre d’une collaboration Nord/Sud impliquant des épidémiologistes, des cliniciens, des virologues, et des immunologistes capables de travailler ensemble pour trouver des réponses biologiques à des questions restées en suspens à la fin des études cliniques et épidémiologiques que nous avons déjà menées.

Des équipes pluridisciplinaires Nord/Sud devraient se mettre ensemble pour la recherche efficace de financements additionnels après d’agences telles que l’ANRS et

EDCTP. La mise en commun des données provenant des collaborations ACHIEV2E et

IeDEA, reste également une piste pour renforcer les collaborations Nord/Sud, de même que l’exploitation des prélèvements des patients de l’essai FIT-2 pour la réalisation des dosages pharmacologiques.

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