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Que pourraient apporter les études immunologiques ?

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7 Discussion et perspectives

7.6 Que pourraient apporter les études immunologiques ?

7.6.1 Importance de l’immunologie dans l’infection par le VIH

Les réactions immunologiques sont au cœur de la physiopathologie de l’infection par le VIH et ce sont elles qui guident le processus de progression de la maladie vers le stade SIDA qui est défini comme un syndrome d’immunodéficience acquise.

En effet, quel que soit le type de virus (VIH-1 ou VIH-2), les cellules cibles de l’infection dans l’organisme sont les cellules de l’immunité, principalement les lymphocytes T- CD4 et dans une certaine mesure les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques. L’activation immunitaire, induite par la présence du virus entraine un ensemble de réactions qui désorganisent tout le système immunitaire, conduisant à son essoufflement (263–265). En effet, le VIH utilise les lymphocytes T CD4 dont il détourne la machinerie cellulaire pour assurer sa multiplication à travers le processus de réplication virale.

En réaction à ce processus, l’organisme produit des lymphocytes T-CD8 cytotoxiques, dont le rôle est de détruire les CD4 infectés par le virus, ce qui contribue au contrôle naturel mais temporaire de la réplication virale durant la phase de primo-infection. Toutefois, la persistance du virus dans les réservoirs (macrophages, et CD4) est à l’origine d’une activation chronique du système immunitaire responsable d’une déplétion immunologique caractéristique de l’infection par le VIH. C’est à la suite de ce processus, qui affaiblit considérablement les défenses de l’organisme, que des germes habituellement contrôlés par le système immunitaire deviennent hautement pathogènes et entrainent des infections opportunistes (266).

Les recherches immunologiques sur le VIH ont permis de comprendre la physiopathologie de l’infection et d’identifier les biomarqueurs prédictifs de la progression de la maladie (267,268). On distingue ainsi les biomarqueurs prédictifs de la progression dans l’histoire naturelle, qui permettent de prédire l’évolution des personnes vivant avec le VIH en absence de traitement ARV. Il s’agit principalement du nombre absolu de CD4, du pourcentage de CD4 et du ratio CD4/CD8, dont la décroissance est fortement corrélée à la progression vers le stade SIDA (267). On distingue également les marqueurs prédictifs de l’évolution sous traitement ARV, que sont le nombre initial de CD4 et la charge virale plasmatique, qui évoluent en sens inverse et qui sont des marqueurs prédictifs du décès (269).

L’identification des marqueurs de l’activation immunitaire et de l’inflammation chez les patients vivant avec le VIH a permis de mieux comprendre le rôle de l’activation immunitaire généralisée dans l’évolution de la maladie. On a ainsi identifié les marqueurs suivants qui signent une activation lymphocytaire, associée à la mortalité des patients : HLA‐DR (HLA de classe II), CD38, CD25, CD70, et NKp44L, qui sont des marqueurs exprimés sur les membranes cellulaires. On distingue également les marqueurs solubles, dont certains indiquent également une inflammation chronique à l’origine de pathologies cardiovasculaires, de cancers et de maladies neurodégénératives (270–272):

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 Néoptérine

 CRP (hs CRP): protéine de la phase aigüe  Cytokines de l’immunité innée: IL‐6, IL‐1RA

 D dimères (marqueur d’une activité pro‐coagulante)

 CD14s (protéine de la phase aigüe, activation des monocytes)  CD163s (relargué par les monocytes/macrophages activés)  ICAM, VCAM (activation/dysfonction endothéliale)

 IP‐10 (CXCL10, chimiokine produite en réponse à l’IFN‐γ)

7.6.2 Les patients asymptomatiques à long terme ou progresseurs lents

Certains patients infectés par le VIH restent asymptomatiques pendant de longues années en gardant un taux de CD4 très élevé en absence de tout traitement antirétroviral. Ils sont connus sous le nom de progresseurs lents ou patients asymptomatiques à long termes. Certains patients asymptomatiques gardent également une charge virale en dessous du seul de détectabilité (<50 copies/mL), ils sont appelés « HIV controllers ». Des analyses immunologiques chez les patients vivant avec le VIH-1 et les progresseurs lents suggèrent que l’activation immunitaire est moins importante chez les progresseurs lents que chez les patients qui évoluent vers le stade SIDA (273,274).

La compréhension des mécanismes par lesquels les progresseurs lents parviennent à contrôler durablement la réplication virale, tout en évitant une activation immunitaire prolongée, est un enjeu majeur de la recherche sur le VIH. En effet, bien qu’il existe des médicaments ARV capables d’assurer une suppression virologique durable, réussir à provoquer une rémission spontanée, telle que observée chez les « HIV controllers » pourrait redonner l’avantage aux patients vivant avec le VIH, dans cette lutte contre le VIH, qui devient de plus en plus résistant aux ARV (155,275,276).

7.6.3 Les études immunologiques chez les patients VIH-2

Bien que le VIH-1 et le VIH-2 induisent une infection mettant en jeu les même processus hormonaux et immunitaires, la proportion de progresseurs lents est beaucoup plus importante chez les patients vivant avec le VIH-2 (109,277). De plus, l’infection par le VIH-2 se différencie de l’infection par le VIH-1 par une déplétion en CD4 plus lente et une charge virale plus basse, traduisant une réplication virale mieux contrôlée. L’infection par le VIH-2 est donc considérée comme un modèle d’infection à virus contrôlé ou une infection atténuée, et l’exploration immunologique des mécanismes de contrôle du VIH-2 par l’organisme humain pourrait donner des pistes de nouveaux médicaments permettant non seulement de contrôler efficacement la réplication virale, mais aussi de réguler l’activation immunitaire.

Une faible activation immunitaire associée à une plus faible déplétion en CD4 a déjà été rapportée chez les patients vivant avec le VIH-2 en comparaison à ceux vivant avec le VIH-1 (276). Cette étude qui dosait la concentration des marqueurs de l’inflammation, rapportait que l’activation immunitaire était plus courte chez les patients vivant avec le VIH-2 (faible concentration en β2‐ microglobuline sérique et faible expression cellulaire du HLA-DR sur les lymphocytes) et entrainait une progression

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plus lente de la maladie (276). Plus récemment, la protéine Gag du VIH-2 a été identifiée comme étant la plus immunogène de tout le protéome viral VIH-2 (278). Cette protéine Gag induit une réaction immunitaire à médiation cellulaire spécifique CD8+ qui est inversement corrélée à la charge virale plasmatique VIH-2, suggérant un meilleur contrôle de la réplication virale (279). Les premiers résultats de l’étude ANRS Immunovir 2, publiés en 2016, confirment la présence et le rôle important joué par un phénotype particulier de lymphocyte T CD8 spécifique du GAG, dans le maintien d’une suppression virale chez les patients VIH-2 en absence de traitement (155).

Toutefois, le processus par lequel les patients vivant avec le VIH-2 et progressant lentement, parviennent à contrôler la réplication virale, reste encore faiblement exploré et peu compris. Des études immunologiques sur des échantillons de cellules mononuclées (PBMC) de patients VIH-2 à différents moments de leur évolution permettront certainement de mieux comprendre ce phénomène et d’envisager des approches vaccinales plus efficaces.

De plus, les populations de patients vivant avec le VIH-2 se caractérisent par leur âge élevé, ce qui accroit le risque de maladie cardiovasculaires. Les études immunologiques permettront aussi de doser les marqueurs de l’inflammation et de les corréler à la survenue de maladies non transmissibles, telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires et les maladies neurodégénératives (270,280).

Enfin, quelques études immunologiques pourront se faire à partir des prélèvements de la biothèque WADA-HIV-2 qui compte actuellement des prélèvements stockés en fonction du temps de patients VIH-2.

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