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LA REVITALISATION DES ESPACES CENTRAUX ENJEUX ET VOIES D’AVENIR POUR LES VILLES MOYENNES : MOBILISER POUR

ENRICHIR SON QUARTIER

Julie BERGEVIN

Pour un réseau actif dans nos quartiers (PRAQ)

Le portrait de la ville de Salaberry-de-Valleyfield

Salaberry-de-Valleyfield est une ville industrielle d’environ 40 000 citoyens, située sur une île, au sud-ouest de Montréal, près de la frontière ontarienne. Le présent de la région de Salaberry-de- Valleyfield est lié directement à son passé industriel important. Depuis le début des années 2000, cette région a dû faire face à de nombreuses fermetures d’usine qui ont engendré d’importantes pertes d’emploi, ayant ainsi des conséquences considérables sur le milieu économique et social. Le taux de chômage est élevé, la population est peu scolarisée et le taux de décrochage scolaire est très inquiétant. 40 % de la population n’a pas de diplôme d’études secondaires comparativement à 30 % pour la région. De ce nombre, 21 % ne possèdent pas une 9e année de scolarité. Environ 30% des élèves du secondaire n’obtiennent pas leur diplôme d’études secondaires.

Les débuts de PRAQ en quelques mots

Au printemps 1998, le CLSC et la ville de Salaberry-de-Valleyfield se sont unis pour mettre en place une mobilisation dans le milieu. Le 9 décembre 1998 a eu lieu la première assemblée publique. Au terme de cette assemblée, l’idée d’un processus de revitalisation venait de prendre forme dans le cadre d’un projet collectif.

116 La concrétisation du projet :

- La signature d’un protocole formel dans un processus de développement social intégré (la ville, la commission scolaire, le centre local de développement, le CLSC, le centre local d’emploi, la corporation de développement communautaire, le diocèse et la sécurité publique).

- La réalisation d’un plan de développement social et urbain sur 10 ans, comportant trois phases de développement.

- Un organisme porteur de dossiers a été mandaté pour mener à bien ce plan de développement.

Les axes d’intervention et les grands dossiers

La corporation s’est développée autour des interventions suivantes : le soutien à la vie scolaire, la participation citoyenne, l’habitation, l’environnement et l’intégration sociale. Pour chacun des axes, le développement s’est effectué en fonction des ressources et du financement disponibles. Parmi les priorités on retrouve l’axe de l’habitation, le soutien à la vie scolaire et l’intégration sociale. Ces axes se sont développés davantage en raison du financement octroyé depuis le commencement des activités de la corporation. En voici quelques-unes.

Des actions et des réalisations qui suscitent la fierté

 En 2007, le milieu se mobilise pour implanter un projet d’éveil à la lecture et à l’écriture dans notre communauté. Diverses actions concertées ont été appliquées à ce jour, par exemple, la création et la mise à jour de huit « coins lecture », et la distribution gratuite de plus de 10 000 livres lors de divers événements municipaux, en milieu scolaire et dans le cadre de la journée de l’enfant. L’intégration de la promotion du Club de lecture de la bibliothèque dans le programme ELE, a fait passer le nombre d’inscriptions de 125 à 400.

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 Au printemps 2009, une douzaine de représentants de divers milieux (municipal, scolaire, communautaire, entreprise et milieu de la santé) se sont réunis par une volonté commune de contrer le décrochage scolaire, en développant une perspective de travail concertée en vue de favoriser la persévérance scolaire. Aujourd’hui, plus de 30 organisations de la région se sont engagées formellement à « Soutenir une démarche conjointe visant à augmenter de façon significative, et ce d’ici 10 ans, la persévérance scolaire dans notre région ».

 Porté par un comité de citoyens et deux partenaires (le musée et le PRAQ), le comité du patrimoine des anciens quartiers (CPAQ) vise à freiner la détérioration du milieu urbain, à préserver le patrimoine bâti et le caractère architectural des anciens quartiers de Salaberry-de-Valleyfield tout en redonnant de la fierté aux résidants. De plus, il a réalisé de visites guidées d’un quartier et publié un livret d’accompagnement1.

 En 2005, un guide conseil d’entretien et d’améliorations durables à prix abordable a été rédigé en partenariat avec la ville et la SHQ. Plus de 1 000 exemplaires ont été distribués gratuitement.

 La ville de Salaberry-de-Valleyfield a mandaté le PRAQ pour la mise en œuvre du programme Rénovation Québec, depuis 2005.

 Une démarche avec le Musée société des Deux-Rives a donné lieu à trois projets de muséologie et d’intervention sociale (2006-2007 et 2008). Par l’entremise d’un programme Connexion compétence, des jeunes décrocheurs âgés de 15 à 29 ans ont eu la responsabilité de monter une exposition (photos, installation urbaine et exposition mobile) et un livre

1Une vidéo est disponible sur cette pratique à l’adresse suivante :

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ou des cartes postales pour rejoindre la population et la sensibiliser aux réalités vécues par les jeunes2.

Le projet d’une cour verte dans une école primaire d’un des vieux quartiers a été développé en collaboration avec divers partenaires. Cette initiative consiste à réduire les surfaces asphaltées et à les remplacer par des aires de plantation d’arbres et d’arbustes. Une mini serre sera aussi aménagée dans la cour d’école afin que les élèves participent à la croissance des semences qui serviront à la verdir.

La prévention de la criminalité, une priorité

Concernant la prévention de la criminalité, les intervenants ont voulu disposer d’un bon diagnostic. Pour ce faire, PRAQ et ses partenaires ont réalisé une analyse en profondeur des gestes criminels et de délits commis à Salaberry-de-Valleyfield portant sur les années 2004 à 20063. Les résultats démontrent que la criminalité est importante à Salaberry-de-Valleyfield et qu’elle est reliée à la situation socio-économique de certains de ses résidants (scolarité, revenus, qualité du logement, etc.).

Comparativement à la moyenne québécoise pour les années 2004 à 2006, l’analyse a démontré la situation suivante à Valleyfield :

 Les taux d’infractions annuels moyens sont de 66 % plus élevés;

 les taux de crimes de violence contre la personne sont de 53 % plus élevés;

 les taux d’infractions contre la propriété sont de 21 % plus élevés;

 les taux d’infractions relatives aux drogues sont de 44 % plus élevées;

2

Une vidéo est disponible à l’adresse suivante : http://www.centrestpierre.org/accueil/projets.html

3 L’étude est disponible en format PDF. Faire la demande à

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 on retrouve un homme pour une femme à Valleyfield concernant la criminalité contre les biens, alors qu’au Québec ce taux est de cinq hommes pour une femme.

Devant cette situation PRAQ a mis en place en octobre 2008, une démarche structurée de concertation pour prévenir la criminalité à Salaberry-de-Valleyfield. Voici le plan de ce qui est ressorti de cette démarche :

 Réaliser une consultation auprès des organisations et de la population afin d’orienter les priorités d’intervention en prévention de la criminalité (octobre 2008);

 faire des choix d’interventions spécifiques en prévention de la criminalité (novembre 2008);

 implanter un projet concerté et soutenir les organismes du milieu dans les interventions les plus efficaces en prévention de la criminalité (juin 2010).

Le résultat de cette mobilisation

Dès janvier 2009, PRAQ propose au Centre national de prévention du crime (CNPC) et au ministère de la Sécurité publique du Québec d’implanter le projet « Forces de frappe ». Ainsi, près de 20 lettres d’engagement ont été déposées en appui au projet. Parmi les organisations l’appuyant, il y avait la municipalité, le CSSS du Suroît, la Sûreté du Québec et des organismes communautaires. En mai 2010, PRAQ a obtenu une subvention quinquennale de 1 250 000 $ pour la mise en œuvre du projet, avec les principaux acteurs du milieu. Pour PRAQ, il s’agit d’une initiative qui veut lancer un message clair : la prévention de la criminalité à Salaberry-de-Valleyfield concerne tout un chacun et sera le fait d’une réussite collective!

Le projet Forces de frappe

Le projet est d’abord et avant tout un projet audacieux et ambitieux comme les citoyens de Salaberry-de-Valleyfield le

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méritent. Il est issu du programme Youth Inclusion Program (YIP) instauré sur le modèle britannique.

Il consiste à travailler en étroite collaboration avec les partenaires de la communauté afin de guider les jeunes à risque de 12-17 ans (filles et garçons) de la ville de Salaberry-de-Valleyfield vers des expériences enrichissantes, positives et significatives, à l’aide de « counseling » spécialisé et d’activités sur mesure, avec pour effet ultime de réduire le décrochage scolaire et de diminuer la criminalité liée aux drogues, aux crimes contre les biens et la criminalité avec violence contre la personne.

Les principaux partenaires sont : la ville de Salaberry-de- Valleyfield, la Sûreté du Québec, le Centre jeunesse de la Montérégie, Liberté de choisir, la Commission scolaire Vallée-des- Tisserands, le Centre de santé et de services sociaux du Suroît, Pacte de Rue, Justice alternative du Suroît, Carrefour jeunesse- emploi Beauharnois-Salaberry, Grands frères Grandes sœurs du Suroît et la Maison de la jeunesse 12-17.

Le projet a été nommé ainsi pour faire en sorte que la force des jeunes serve à faire le bien plutôt qu’à tomber dans les griffes de la criminalité et encourage leurs cercles d’amis et leurs familles à prévenir la criminalité dans la ville :

Il parle de la force des jeunes et les partenaires du milieu;  il parle de l’impact qu’ils auront dans le milieu pour contrer

la criminalité;

 il parle de l’action de « frapper » qui devient ici positive au lieu de parler de violence.

Dans son ensemble, le projet vise d’ici 2015 à favoriser l’accès à des services appropriés et à développer des activités (culturelles, sportives, artistiques et environnementales) conformes aux besoins des jeunes, à empêcher les participants d’entrer dans le système de justice pénale, à réduire le taux de récidive chez les jeunes qui ont déjà des démêlés avec le système de justice, ainsi qu’à intervenir sur les plans individuel, familial et communautaire.

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Pour s’assurer que le projet respecte sa caractéristique majeure, c’est-à-dire une intervention intégrée répondant à la variété des besoins du jeune, deux structures sont implantées : un comité consultatif et un comité de sélection.

Au cours des 5 prochaines années, le projet a pour objectif de rejoindre plus de 225 jeunes âgés de 12 et 17 ans qui cumulent des facteurs de risque ainsi que leurs familles. En effet, le projet a pour objectif de favoriser la participation de la fratrie ou des pairs et l’intention est d’en rejoindre 150 annuellement.

Mobiliser pour enrichir son quartier

En terminant, nous présentons quelques témoignages d’usagers et usagères qui montrent les répercussions dans la vie des personnes participantes aux projets mis en œuvre par PRAQ :

Mélanie : « Chers intervenants, il y a longtemps déjà que le

projet Unir les différences est terminé, et depuis ce temps, puis-je vous dire, que ma vie a changé et que tout est meilleur. Je voudrais vous dire à quel point le projet Connexion-compétences a changé ma vie. Aujourd'hui, je suis devenue une jeune mère attentionnée et amoureuse de la vie. Ce qui me rend heureuse? C'est de voir la vie autrement et d'avoir appris sur moi. Avec un soutien formidable, vous avez réussi à me faire accomplir tant de choses. Avant le projet, chaque matin, je me réveillais avec tout plein de remords et un jugement inadéquat pour une jeune femme. Je ne savais jamais à quoi m'attendre, chaque fois que je quittais la maison... Je me disais toujours... « Encore une foutue journée, j'aimerais mieux regarder la télé toute seule chez moi. » Et enfin !!!! Le projet m’a fait réaliser que la vie ce n'est pas de la foutaise. Tous les préjugés que j'avais envers les gens, et bien maintenant c'est eux qui les ont, en me voyant avec mon tout jeune bébé. Mais tôt ou tard ils apprendront à leur tour. La vie est conçue pour avoir des épreuves.... tout le monde en a et c'est normal! »

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Corinne : « Mon implication m’a apporté de la confiance en

moi, de la confiance envers les autres (même si ce n’est pas toujours évident), mais surtout elle m’a appris à continuer de foncer dans la vie... même quand elle n’est pas ce que je souhaiterais qu’elle soit… »

Bobby : « Le projet Ma ville, ma vision, mon avenir, m’a

amené à vivre une expérience exceptionnelle et inoubliable grâce aux neuf autres jeunes adultes qui formaient notre groupe et qui ont rendu chaque activité ou événement unique et enrichissant à tous les niveaux, ainsi qu’aux intervenants qui ont contribué au cours du projet à en faire une réussite. Car si on était les petites touches magiques, les magiciens connaissaient bien les formules. La complicité qui nous unissait de plus en plus chaque semaine nous a permis de vivre des moments fort agréables, des moments émouvants et même des moments plus difficiles qui nous ont fait grandir humainement. [...] Une vision changeante exprime simplement l’apport du projet dans ma vie, une nouvelle perception de mon milieu de vie, ainsi qu’une vitrine grande ouverte sur les possibilités d’avenir qui s’offrent à moi. »

Nancy, une maman : « Je vous écris ce petit message

d’appréciation à l’égard du super beau projet Forces de frappe. J’ai rencontré Carolyne à l’école Edgar-Hébert pour mon fils Francis. Elle m’a très bien informé du fonctionnement du projet et on a embarqué avec grand plaisir. Je n’ai que des félicitations à faire à deux super éducateurs : Carolyne et Stéphanie, des filles positives qui aiment nos jeunes. Francis adore les ateliers et les activités qui lui sont très utiles dans sa vie de tous les jours. Il aime beaucoup les discussions de groupe aussi. Il est toujours content d’aller à Forces de frappe. Je vous remercie du plus profond de mon cœur de voir les forces et les qualités de mon fils. »

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Une citoyenne : « Les gens en contexte de pauvreté se

sentent parfois si invisibles aux yeux de la société […] »

Pour conclure, sur le travail de PRAQ4, nous vous invitons à donner un peu d’espoir dans une société trop souvent injuste envers les jeunes. Ne soyez pas délibérément aveugle lorsque vous croiserez l’itinérance. S'il vous plaît, ne leur enlevez pas le peu de dignité qu’il leur reste. Prenez un temps d’arrêt pour faire la réflexion sur vos responsabilités en tant que citoyens et sur vos agissements comme personne face aux gens les plus marginaux de notre société.

Rendez-leur un sourire en guise de bonjour. Prenez le temps de leur dire quelques mots ou simplement leur souhaiter une belle journée. Il ne vous en coûtera rien, mais ce sourire, cette parole feront peut-être une différence dans leur journée.

4Les coordonnées de Pour un réseau actif dans nos quartiers (PRAQ) sont

le : 28, rue St-Paul, local 202, Salaberry-de-Valleyfield, Québec, J6S 4A8;

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L’EXPÉRIENCE DE L’ÉCO-KARTIER DU CENTRE-VILLE DE