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CHAPITRE II. — Sécurité économique

A. Les revenus de substitution

Les personnes âgées de plus de 65 ans, bénéficient, grâce à l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité venant compléter éventuellement leur pension de retraite, d'un « minimum vieillesse » équivalent aux deux tiers du S.M.I.C. net pour une personne seule. Ceci a conduit Mme Georgina Dufoix à dire, lors de son audition devant la section des affaires sociales du Conseil économique et social le 4 février 1986, qu'il n'y avait plus de personnes âgées en situation de grande pauvreté. Cette sécurité, bien que modeste, est réelle. Cependant elle s'avère insuffisante pour des personnes âgées n'ayant que ce revenu, et ayant des charges anormales, par exemple celle de petits enfants du fait de la situation précaire de leurs parents. Cette relative sécurité financière ne peut cependant résoudre à elle seule les autres précarités auxquelles demeurent exposées un certain nombre de personnes âgées, notamment l'isolement et la dépendance (1). Des témoins (tels les Petits Frères des pauvres et le Secours catholique) rappellent la crainte des personnes âgées d'être reléguées à l'hospice. Ces remarques concernent plus particulièrement les milieux défavorisés, où les précarités des uns et des autres, mal couvertes, rendent plus difficile l'expression des solidarités familiales.

Les « indemnités journalières en cas de maladie L'assurance maladie est aujourd'hui en principe généralisée pour tous. Pour les familles aux ressources très faibles, la prise en charge financière de la maladie continue à représenter une grave incertitude. La couverture des frais dus à la

maladie sera abordée au chapitre IV.

(1) Cf. le rapport de M. Daniel Benoist : « les problèmes médicaux et sociaux des personnes âgées dépendantes »

Le salarié obligé d'interrompre son activité peut recevoir des « indemnités journalières », égales à la moitié du salaire dans le régime général. Pour les chômeurs non-indemnisés, la maladie n'entraîne pas la perte d'un gain déjà inexistant.

Pourtant, faire vivre une famille avec très peu de ressources implique une dépense d'énergie que ne peut plus fournir celui dont l'état de santé aurait justifié un « arrêt-maladie » : démarches diverses pour se procurer le nécessaire, longs trajets à pied, travaux ménagers sans confort. De plus, beaucoup d'entre eux survivent grâce à de petits travaux informels (récupération, services rendus contre rémunéra-tion...) que la maladie empêche d'accomplir. Les travailleurs non salariés ne bénéficient d'aucun revenu de substitution, alors que pour certains la faiblesse de leurs ressources ne leur a permis de constituer aucune réserve en prévision des jours plus difficiles.

3° La prise en charge de l'incapacité permanente, partielle ou totale

Elle est mieux assurée, sans garantir pour autant une protection suffisante à tous.

Si l'incapacité est provoquée par un accident du travail ou par une maladie professionnelle, elle donne lieu à une rente calculée selon le taux d'incapacité et le montant du salaire antérieur. Elle peut égaler le salaire en cas d'incapacité totale. Cette protection tend à bénéficier davantage aux travailleurs appartenant aux branches d'activités bien orga-nisées, où le combat pour la reconnaissance de ces maladies et pour l'application des mesures d'hygiène et de sécurité a pu être entrepris et mené à son terme.

Mais des travailleurs peuvent être exposés en permanence à des risques graves pour leur santé (émanations toxiques, absence d'équipements de sécurité par exemple) sans avoir les moyens de fournir la preuve du préjudice subi. Ils peuvent avoir encouru ces risques dans de multiples emplois généralement malsains et dangereux qu'ils ont dû quitter successivement au bout de quelques temps. lls en viennent à connaître de fait un état d'incapacité qui relève d'une pension d'invalidité égale à 30 % du salaire antérieur s'ils sont jugés encore capables d'exercer une activité, à 50 % si leur incapacité est reconnue totale. Mais l'attribution d'une telle pension est encore soumise à des exigences d'activité antérieure suffisante dans un statut d'assuré social. A défaut, des démarches peuvent être entreprises auprès des Commis-sions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (C.O.T.O.R.E.P.) pour obtenir une allocation dite « adulte handicapé », d'un montant au plus égal au minimum vieillesse, à condition que l'incapacité permanente atteigne un taux de 80 %. Cette démarche est également possible, avec un taux d'invalidité plus faible, lorsqu'il s'avère que celui-ci empêche de trouver un travail.

La prise en charge effective des invalidités, incapacités ou handicaps des plus pauvres, rencontre en réalité deux obstacles. D'une part, les appréciations des autorités administratives compétentes peuvent difficilement tenir compte de l'incapacité permanente partielle due à l'usure générale que connaissent de nombreux travailleurs très défavorisés, en raison de leurs conditions de vie et de travail. D'autre part, leurs décisions, quand elles prévoient une possibilité de travail à temps partiel ou un recyclage, méconnaissent souvent les difficultés d'y accéder pour des travailleurs sans qualification. C'est ainsi que bon nombre d'entre eux peuvent se trouver trop usés pour occuper un emploi stable, dans l'impossibilité d'obtenir un emploi à temps partiel et sans revenu de substitution. 4° L'indemnisation du chômage

Pour le risque chômage, les situations de travailleurs privés d'emploi et non indemnisés sont encore nombreuses, même avec le régime d'assistance qui vient compléter celui de l'assurance.

a) L'indemnisation résultant de l'assurance

• Selon les termes des dernières conventions des partenaires sociaux de 1984 et 1985, « le régime national inter-professionnel d'assurance-chômage est destiné à assurer un revenu de remplacement pendant une période déterminée aux salariés involontairement privés d'emploi et définis comme bénéficiaires ».

Le régime prévoit le versement de deux allocations successives en cas d'affiliation préalable égale à au moins six mois :

— l'allocation de base, fixée en fonction du salaire antérieur, ne peut être inférieure ni à 57 % du salaire, ni, en tout état de cause, à 107,61 F par jour (en octobre 1986) ; mais, du fait que cette allocation ne peut être non plus supérieure à 75 % du salaire, un nombre important de chômeurs indemnisés (essentiellement anciens smicards) touchent moins que ce minimum. Étaient dans ce cas, 29 °A des chômeurs indemnisés au 30 juin 1986, selon l'UNEDIC.

— l'allocation de fin de droit, qui peut prolonger l'allocation de base, est fixée forfaitairement à 65,28 F par jour en octobre 1986 (90,78 F au-delà de 55 ans).

La durée d'indemnisation dépend de la durée préalable d'affiliation. Elle peut varier de 3 mois (pour 3 mois de travail) à 30 mois dans le cas le plus favorable (45 et 60 mois au-delà de 50 et 55 ans).

Les conditions restrictives à l'attribution de l'assurance-chômage s'expliquent par le souci de lier le droit à prestation à un minimum de cotisations, et par le désir d'éviter les abus. En fait, ces conditions aboutissent à exclure du bénéfice des indemnités, des travailleurs en situation de précarité, par exemple :

— les demandeurs d'emploi ayant épuisé leurs droits aux deux allocations avec prolongation,

— les travailleurs n'ayant pas été affiliés suffisamment longtemps au cours des 12 ou 24 derniers mois précédant la période de chômage,

— les chômeurs dits « saisonniers »,

— les travailleurs non salariés ou les demandeurs d'un premier emploi.

b) L'indemnisation résultant de l'assistance (dit régime de solidarité)

Parmi ces exclus de l'indemnisation de l'assurance-chômage, certains peuvent être admis à bénéficier d'une allocation d'assistance : l'allocation de solidarité spécifique ou l'allo-cation d'insertion versées sous condition de ressources et réduites si nécessaire, de façon à ne pas dépasser un plafond de 3 933 F pour une personne seule, 7 866 F pour un ménage) au l"janvier 1987.

1. L'allocation de solidarité spécifique peut être attribuée aux chômeurs ayant épuisé leurs droits aux allocations d'assurance à condition qu'ils aient travaillé comme salarié pendant 5 ans au cours des 10 années précédentes. D'un montant sensiblement équivalent à celui de l'allocation de fin de droits, l'allocation de solidarité spécifique est attribuée par périodes semestrielles renouvelables. Pour ceux qui peuvent y avoir droit, elle constitue une ébauche de garantie de ressources.

2. L'allocation d'insertion peut être attribuée, dans l'attente d'un emploi ou d'une formation rémunérée et pour une durée maximale d'un an, à des catégories de personnes strictement définies, dont notamment :

— les jeunes chômeurs de moins de 25 ans qui ne peuvent avoir droit à l'allocation de base (et pour ceux-ci sans condition de ressources),

— les femmes en chômage, veuves, divorcées, séparées ou célibataires, assumant la charge d'un enfant,

— les détenus libérés après au moins deux mois de prison,

— les jeunes de moins de 25 ans considérés comme soutien de famille et ne disposant pas de ressources suffisantes.

Cette allocation peut atteindre un taux journalier de 43,70 F (87,40 F pour les mères seules ; 41,40 F pour les jeunes).

La crainte de laisser les chômeurs s'installer dans un statut de non-travail rémunéré semble être à l'origine de la multiplication de conditions restrictives. Et le souci de ne pas laisser certains chômeurs en dehors de tout moyen de subsistance semble justifier la multiplication d'allocations d'assistance.

Mais les conditions restrictives apparaissent préjudiciables à ceux qui voudraient bien travailler, mais ne peuvent se prévaloir d'un statut de salarié et d'une bonne stabilité au travail, à ceux qui ont le moins d'atouts pour prétendre aux possibilités d'embauche et de formation. La complexité du système est défavorable à ceux qui disposent, moins que d'autres, des informations et des relations nécessaires pour saisir toutes les opportunités d'ouverture des droits. Les délais d'attente (de plusieurs mois) pour la révision périodique des droits obligent les allocataires les plus pauvres à quémander des secours pour pouvoir subsister en attendant.

C'est la conception même d'un revenu de substitution en période de chômage qui est ici en cause. Ne fait-il pas défaut là où il serait le plus nécessaire ? Obéit-il suffisamment à l'ambition d'assurer la promotion des intéressés ? Ne contribue-t-il pas, dans les conditions actuelles, à pérenniser voire aggraver l'inégalité face à l'emploi ?

En effet, en ces temps de mutation, la réinsertion au travail, surtout pour les moins qualifiés, suppose qu'ils puissent accéder à une authentique formation professionnelle, à des métiers d'avenir. Parmi les conditions d'une telle formation que nous examinerons plus loin, il est déjà possible de mentionner ici la nécessité d'un minimum de sécurité économique. 11 est indispensable pour qu'un tra-vailleur sans qualification puisse consacrer du temps à une formation, et croire sa réussite possible. Il est aussi simplement indispensable, pour qu'un travailleur très démuni puisse chercher un emploi, sans craindre de mettre en péril une sécurité très fragile construite au sein des circuits de survie.

Au terme de ce tour d'horizon, nous pouvons constater que tout individu n'est pas garanti contre les risques susceptibles de réduire ou supprimer sa capacité de gain.

La référence au statut social et professionnel antérieur aboutit à exclure des revenus de substitution les personnes se trouvant déjà en situation de grande pauvreté. Par ailleurs les allocations fournies sont rarement assorties d'un plancher.

Leur montant, ni leur durée ne peuvent représenter une sécurité à long terme pour ceux qui déjà auparavant se trouvaient en situation précaire.