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Avant de revenir sur un certain nombre de points soulevés dans ce texte dans un prochain numéro, nous voulons remercier les personnes qui, au terme d’une démarche longue et assidue, ont rendu possible

Dans le document 40 : Et si on parlait d'argent ? /1 (Page 76-78)

la divulgation de ces propos, précieux car de première main, sur la position inconfortable du détenu-

bibliothécaire.

© Coll. E N AP/C R HCP

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Hors les murs

respecter leur fonction sans se mettre en danger, sans s’isoler de la commu- nauté des détenus dont ils font partie, devenant ainsi des « bibliothécaires- détenus ».

Le cadre relationnel entre les détenus, pour essentiel qu’il soit, ne saurait tout expliquer, tout résoudre face à la spé- cificité et aux difficultés de fonction- nement d’une bibliothèque dans un Centre de détention. D’autres facteurs doivent aussi être maîtrisés. Certains sont liés à la structure même du C.D., à son isolement : comment accéder à l’in- formation, aux nouvelles parutions ? Comment ouvrir les lecteurs à d’autres lectures ? Comment gérer les achats ? Comment prendre conscience des fai- blesses de notre fonctionnement ? L’isolement n’est pas le seul problème, il faut aussi faire face à des moyens financiers ne permettant pas de renou- veler ou de faire évoluer rapidement un fonds parfois ancien et peu en adé- quation avec les désirs et les intérêts des lecteurs. Trop de romans anciens répondant à des options d’achat d’une autre époque, peu de livres historiques récents, absence de mangas, peu ou pas de livres « pratiques » par exemple sur la cuisine, l’informatique, la mus- culation ou le dessin. Le détenu lec- teur peut s’intéresser en même temps à Harry Potter, à l’évolution politique au Moyen-Orient tout en recherchant le moyen de rester en forme. Sans un renouvellement permanent, le fonds local deviendrait très vite peu attractif, en manque de nouveautés, pas assez actuel, peu ou pas en adéquation avec la population reçue de 20 à 85 ans. Le fonctionnement autarcique doit être dépassé pour éviter l’asphyxie. Un apport extérieur nous permet de résoudre le problème posé par la fai- blesse du budget des achats et par l’isolement. Il est primordial de s’ouvrir fortement sur l’extérieur. Notre petite équipe a eu la chance de trouver des partenaires motivés : les travailleurs sociaux du C.D. chargés de la biblio- thèque, comme nos partenaires exté- rieurs (Médiathèque départementale, Bibliothèque municipale de la localité où est situé le Centre de détention,

Centre national du livre). Au travers d’eux, nous avons pu trouver des réponses à notre problème d’isole- ment et à la relative faiblesse de notre fonds. Sans l’appui permanent de la Médiathèque départementale, nous ne pourrions répondre à une moder- nisation rapide de notre fonds malgré nos achats. Leur prêt biannuel nous permet d’amener de la nouveauté et évite la lassitude chez les lecteurs qui séjournent souvent de nombreuses années dans le C.D. Ce prêt peut aussi être utilisé pour mettre en valeur, pour quelques mois, des thèmes particu- liers selon l’actualité ou la demande des lecteurs. Importants dans une petite bibliothèque municipale, ces prêts sont, dans notre contexte, essen- tiels. Statistiquement, 40 % de nos prêts proviennent de livres du fonds départemental, leur apport valorisant la totalité de notre bibliothèque. Nous avons aussi pu mettre en place un contact bimensuel avec l’équipe de la Bibliothèque municipale, et plus parti- culièrement avec sa directrice. Par ces rencontres, nous pouvons répondre à des demandes d’un autre niveau, plus individualisées, plus immédiates d’un lecteur qui cherche à approfon- dir une connaissance ou un auteur. Là, un autre facteur important appa- raît : la rencontre directe des lecteurs avec une bibliothécaire extérieure à l’établissement forte d’une autre expérience de la lecture et pouvant utiliser son propre réseau profession- nel… et Internet. Au fil des mois, le nombre des demandeurs a progressé et la demande s’est complexifiée. On recherche, par exemple, un ouvrage lu dans sa jeunesse, les livres d’un auteur particulier, parfois des romans oubliés ou à peine édités, en français ou en roumain…

L’information est aussi utile pour les animateurs. Comment trouver l’infor- mation sur les nouveautés de l’édition, sans Internet, sans revue profession- nelle trop chère pour notre budget, sans visite dans les librairies, avec un minimum de catalogues d’édi- teurs ? Là, nous touchons les limites des bibliothécaires qui ne doivent

pas oublier qu’ils sont aussi des déte- nus… Ici aussi nos partenaires sont très importants. Ils sont une aide, une supervision, pour mettre en place une politique d’achat cohérente, soutenue par le CNL, pour nous éviter de nous isoler dans notre cadre particulier. De par notre situation personnelle, il existe toujours un écran entre nous et « la réalité extérieure ». Nos parte- naires nous permettent de trouver un cadre technique et professionnel ame- nant la structure à fonctionner dans les meilleures conditions.

Notre fonctionnement globalement défini, que nous inspire l’avenir ? En fait, l’offre et la demande se sont renforcées mutuellement. Il serait très difficile maintenant de retrouver une activité limitée au fonds de la biblio- thèque, sans intervention de struc- tures extérieures. Que devons-nous privilégier en interne pour amener de nouveaux lecteurs et pour avoir une meilleure réponse aux diverses deman- des des anciens ? Un de nos futurs axes de travail pourrait être de renforcer le nombre de nos abonnements, trop fai- ble actuellement, pour que la biblio- thèque devienne aussi un lieu de lec- ture pour tous, amateur de roman mais aussi sportif en recherche des derniers résultats ou citoyen voulant suivre la campagne électorale pour les élections municipales dans sa région. Un autre axe pourrait être l’ouverture sur un autre média. Depuis quelques mois, utilisant exclusivement les moyens matériels de la Médiathèque départe- mentale, nous proposons des prêts de DVD sous forme de valise thématique : cinéma espagnol, cinéma japonais, pour des durées de deux mois. Cette offre, encore expérimentale, a connu un succès très rapide, peut-être trop rapide car amenant vers la bibliothè- que de nouveaux adhérents, mais aussi des comportements différents de ceux de nos lecteurs traditionnels. La réflexion devra se poursuivre, pour harmoniser l’ensemble.

Un détenu, animateur de bibliothèque en milieu carcéral

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Dans le document 40 : Et si on parlait d'argent ? /1 (Page 76-78)