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Fugue et relais identitaires dans « Le relais »

Chapitre 4 Retour sur la créationRetour sur la création

Je fume, et une cendre tombe sur le drap. Elle fait un petit trou noir en s’éteignant [...]. Je prends ma cigarette et je fais un autre trou exprès, pour que le premier ne se sente pas seul. Pleins dq petits trous qui dansent. Ou des notes qui chantent... mais ça commence à être désordonné, les notes s’égaillent de haut en bas de la portée, et même en dehors - en dehors du lit, de la chambre, du monde. Je les entends. Chacune a son mot à dire, mais ça ne fait pas de sens. Regarde, regarde, la, do, fa, si bémol, c’est affreux, elles sont partout les notes, elles s’éparpillent au hasard à travers le cosmos, je n’ai pas voulu ça.

Nancy Huston, Prodiges

Je me suis longuement questionnée à savoir pourquoi j ’avais déterré ce qui me hantait depuis l’enfance. Pourquoi avoir sorti du placard les squelettes tout craquants de mes quelques années de piano ? À l’adolescence, j ’avais décidé de mettre de côté les études musicales puisqu’elles m’angoissaient : toujours de nouvelles difficultés à surmonter, des examens à passer, et surtout, se frotter aux Grands. Longtemps, j ’ai entretenu une relation d’amour-haine avec la musique et, encore aujourd’hui, l’idée de remettre un mémoire en création portant d’une certaine façon sur la musique me semble impensable. Mais elle est revenue, la musique, malgré mes efforts pour la faire taire. C ’est sans doute dans le silence que son absence était le plus intolérable.

Rédiger un mémoire en création. Écrire un recueil de nouvelles musico-littéraires.

Peut-être est-ce la nouvelle qui a tout provoqué. Je l’ai tout de suite aimée et détestée à la fois puisqu’elle me mettait « au diapason du silence150 ». Par sa poétique exigeante - brièveté désarmante commandant d’aller à l’essentiel -, la nouvelle m’qblige à calculer

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chaque mot et à donner du poids aux silences. Elle est « une machine narrative qui jouerait de l’absence, du vide, de l’omission calculée. Dès la première ligne.151 »

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Et la musique. J’ai vu ce que d’autres ont réussi à en soutirer. Huston, Duras, Huxley et plusieurs autres. Ils ont écrit des romans-sonates et des récits-fugues. Ils ont compris que « les mots cherchent à voler aux phrases musicales les moyens par lesquels elles disent peut-être davantage, ou disent mieux.153 » Avec ce mémoire en création, j ’ai tenté de savoir jusqu’où je pouvais me rendre en unissant la musique et ta nouvelle.

Préludes

Les nouvelles qui composent le recueil de nouvelles Préludes se veulent musico- littéraire, c’est-à-dire qu’elles se trouvent à la « rencontre des mots et des sons musicaux154 ». Chaque texte que j ’ai écrit consiste en une exploration des liens qu’entretiennent la musique et la nouvelle. Pour ce faire, chacune des nouvelles est élaborée à partir d’une contrainte musicale, tantôt en me fondant sur des formes (la structure de la sonate ou d’un mouvement fugué, par exemple) tantôt sur des concepts musicaux (des rythmes, des termes d’accentuation, de nuance ou de caractère). Le rapprochement entre musique et texte est guidé par l’ajout d’intertitres qui, placés au

150 Selon Jean Cagnard dans PUJADE-RENAUD, C., ZIMMERM ANN, D. 131 nouvellistes contemporains par eux-mêmes, Levallois-Peret, Éd. Manya, 1993, p. 70.

151 PELLERIN, G. Nous aurions un petit genre. Publier des nouvelles, Québec, Coll. « Essai », L’instant Même, 1997, p. 14.

152 Je fais ici référence aux œuvres suivantes : Les Variations Goldberg de Nancy Huston, Moderato Cantabile de Marguerite Duras et Contrepoint d’Aldous Huxley.

153 PŒTTE, I. Littérature et musique. Contribution à une orientation théorique: 1970-1985, Namur, Presses de l’Université de Namur, 1987, p. 104.

début comme dans une partition, deviennent des indications de lecture. Ainsi, les nouvelles de Préludes s’imprégnent de structures musicales, de rythmes accentués par des procédés comme la répétition et la syncope, de réseaux d’images et de termes relevant de la musique ou de l’atmosphère d’une pièce recréant des impressions d ’écoute, des nuances ou des indications d’intensité.

À l’opposé du recueil de nouvelles de Guillaume Corbeil, L ’art de la fugue, dont tous les textes cherchent à imiter la fugue sur certains aspects, les nouvelles de mon recueil ne sont pas soumises à la même contrainte. Ce choix que j ’ai fait me permet d’une part, une plus grande liberté mais aussi, d’autre part, d’éviter que mes procédés, à force de répétition, ne soient trop évidents. Le recueil de Corbeil se révèlç une véritable exploration de la fugue et du contrepoint, qui, comme j ’en ai parlé, maîtrise l’art de Limitation, de la reprise des voix et des inversions du contre-sujet. Toutefois, la lecture de ce recueil peut parfois devenir lourde puisqu’on sent rapidement ses procédés. Dans mon recueil, j ’ai préféré insuffler à mes histoires certaines caractéristiques musicales sans me priver de toute la diversité des concepts pouvant être explorés. J’ai donc sélectionné, au fil de mes écoutes et lectures, les concepts musicaux qui me touchaient le plus : la structure sonate de telle pièce, la métrique ternaire d ’une valse, les staccatos d’une pièce pour piano ...

Mais je tenais quand même à réunir ces pièces dans un recueil cohérent. L ’idée du prélude, en musique, unit les textes soumis à différentes contraintes musicales. Dans l’histoire de la musique occidentale, le prélude a pris plusieurs formes. D’abord, au XVIIe et XVIIIe siècles, il a comme fonction d’introduire une ou plusieurs pièces. Il s’agit en fait d’une courte pièce annonçant la tonalité du morceau qui sera joué. À cette époque, le prélude prend part à « la musicalisation, l’intégration musicale de ce moment presque informel où l’interprète prend contact avec l’instrument, le prend en main, pour l’accorder, l’essayer, le faire résonner, se le mettre en doigts, etc.155 » La fonction du prélude change au XIXe siècle avec les contributions de Chopin et de Debussy qui lui donnent une autonomie. Dès lors, le prélude devient une forme indépendante, de

dimensions assez variables, laquelle relève plutôt d’un « état d’esprit, [d’june inspiration liée au caprice du moment, mais ouverte sur un avenir dont la figure n’est pas précisée.156 » Le prélude est, aux dires de Marc Vignal, « [...] le mouvement de la vie, ne revient pas sur ses pas, ne conclut pas et fuit en avant, ou, au contraire, trébuche rapidement ».157 C’est avant tout cet aspect de grande liberté au sein de la forme que je retiens du concept de prélude.

Le prélude me semble spontanément s’accorder à l ’esprit de la nouvelle. La brièveté et l’autonomie de la pièce rejoignent la poétique de la nouvelle qui, elle, en plus de son principe d’économie, peut se lire tant extraite du contexte du recueil qu’au sein du recueil. En plus, le prélude est circonscrit par le silence puisqu’il s’agit

[d’j une musique que [l’auteur] n’a pas la capacité de poursuivre, non parce que ses moyens sont débiles, mais parce qu’ils sont simplement humains. Et qu’il ne suffirait pas même, pour continuer la mélodie au-delà de ce qu’elle est, d ’inventer une tout autre gamme; il faudrait pouvoir disposer d’un langage où soient énoncés en même temps ce qui est et ce qui n’est pas.158

Dire ce qui n’est pas, ou plutôt, faire parler les silences. Car, de mon point de vue, la poétique de la nouvelle s’accorde bien avec les limites du prélude. Dans mes textes, j ’accorde donc une grande importance aux images qui arrivent parfois à signifier plus que les mots eux-mêmes, aux ellipses qui ponctuent littéralement mes nouvelles, leur donnent un souffle, un rythme.

A l’échelle du recueil, les silences retentissent à la fin de chaque nouvelle. Telle une suite de préludes musicaux, à la fin de chaque pièce, il y a le vide, l ’incomplétude, l’idée qu’on ne saura pas ce qui arrivera après la dernière ligne. À cet effet, Henri-Dominique Paratte explique que l’architecture de la nouvelle se base sur « l’indication d’une incertitude,

136 HODEIR, A. Les form es de la musique, Paris, Coll. « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, 2003, p. 87.

157 VIGNAL, M. Dictionnaire de la musique [nouvelle édition], [...], p. 678.

158 ROUDAUT, J. Encore un peu de neige. Essai sur La chambre des enfants de Louis-René de Forêts, Paris, Mercure de France, 1996, p. 7.

d’un non-dit, d’un pas-tout-à-fait-abouti.159 » Comme un prélude qui se tait, alors qu’on attend encore de lui quelques autres mouvements, la nouvelle se place en constante position de « rupture, à la limite du silence, comme en marge de tout ce ^on-dit qui ne se dirait que dans un autre type de texte, peut-être, ou en dehors du texte, ou ne se dirait tout simplement pas.160 »

En ce sens, mon recueil est constitué de « textes autonomes et troués - en ceci qu’ils sont volontiers construits sur l’alternance de l’explicite et de l’implicite [...], des pièces complètes quoique elliptiques161 ». Cette distance entre chaque nouvelle qui, à la fois, les unit et les sépare, me permet de varier la forme que je leur donne : certaines s’inspirent de pièces connues, d’autres s’attacheront à imiter des rythmes et des nuances. Par exemple, « L’effet Mozart » reproduit la séquence des mouvements de la 38e symphonie de Mozart. Elle met en scène Frédéric, un jeune homme emmuré dans son appartement et paralysé devant l’impasse où le mènent ses décisions. Cette nouvelle s’ordonne en trois temps : le premier appel de sa mère qui fait remonter en lui les souvenir^ de son enfance singulière, le second appel de sa mère qui souligne son inadéquation et, enfin, une troisième partie marquée par le presto où il est terrassé par ses problèmes. Pour cette nouvelle, j ’ai tenté de recréer la structure en trois mouvements de la Symphonie n° 38 de Mozart KV 504 qu’écoute Frédéric, mais également d'en reproduire les impressions d’écoute. Quand les mouvements sont plus rapides, comme dans le troisième, le rythme de mes phrases s’accélère ou se syncope :

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Presto. Le dernier mouvement de la symphonie tonne dans le petit 3 de la rue

Rosemont.

159 PARATTE, H-D. « Architecture de la nouvelle. Émergence d ’un lieu vers l’ailleurs. », La nouvelle : écriture(s) et lecture(s), sous la direction d’Agnès Whitfield et de Jacques Cotnam, Coll. « Documents », n° 10, Montréal/Toronto, Éd. XYZ/GREF, 1993, p. 19.

160 PARATTE, H-D. « Architecture de la nouvelle. Émergence d’un lieu vers Tailleurs. », La nouvelle : écriture(s) et lecture (s), [...], p. 22.

Mais Frédéric est ailleurs. Il tourne, retourne sa décision dans sa tête comme un gamin fébrile mâchouillant un chewing gum rose.

Ce poste, il n ’aurait jamais dû l ’accepter de toute façon. Lui, professeur d ’algèbre linéaire, inconcevable!

En supprimant les verbes dans certaines phrases ou en espaçant les phrases par des blancs typographiques, je veux créer une impression de rapidité, peut-être mêmç de course dans les pensées de Frédéric qui peuvent rappeler le presto du mouvement de la pièce musicale.

Dans cette même envie de travailler le rythme, j ’ai souhaité explorer le cpurt, le très bref. Pour ce faire, le staccato en musique, qui désigne un type de phrasé dans lequel les notes sont jouées de façon à ce qu’elles ne soient pas liées entre elles , m ’est apparu prometteur. Donc, le court. La Campanella de Liszt impressionne par sa virtuosité et la rapidité d’exécution dont doit faire preuve l’interprète. Je m ’en suis inspirée pour la rapidité dans ma nouvelle. « Détaché » tient sur deux pages et raconte une aventure d’un soir qui se commence et se termine le temps d’une relation sexuelle. J ’ai voulu lier le fond à la forme. J'ai ainsi tenté de raccourcir mes phrases, de les réduire au minimum, d’ôter des verbes parfois ou encore structurer les phrases de manière à cç que le débit se bute constamment au point. À l’essoufflement. Comme le désir des deux amants qui se rencontrent, s’enflamment et se consument. Comme une allumette qu’on craque.

T ’as du feu ?

Il se retourne. L ’interroge du regard. Il n ’a jam ais entendu cette voix. Ce timbre soyeux. N ’a jamais vu cette fille dans ce bar, dans ce quartier q u ’il connaît pourtant bien : les guitares étouffées par les rires dans les cafés sur Saint-Denis,

l ’odeur prégnante de coriandre de l ’épicerie asiatique du coin, les camisoles ensoleillées qui arrondissent les poitrines des filles. Il plonge la mçin au fo n d de la poche de son jeans. Reconnaît le briquet logé contre sa cuisse. Cette fille, elle est

étrangère. Nouvelle. Intrigante.

Motivée par cette tentative de travailler le rythme, je me suis crue capable de m ’attaquer à la structure, objet de mes angoisses en création, car, dans le cas de ce mémoire, je dois être en possession de mes moyens autant sur le plan du style, de l’écritur^ de la nouvelle, que sur le plan de la compréhension d’une forme musicale.

Dans « Le premier mouvement », je me suis penchée sur la forme sonate. La structure sonate d’un mouvement est dite bithématique, c’est-à-dire qu’elle présente deux thèmes désignés par les lettres A et B. La structure sonate se divise en trois parties : l’exposition, le développement et la réexposition. Dans l’exposition, les deux thèmes sont énoncés respectivement dans la tonalité principale et dans la tonalité dominante. Puisque les thèmes littéraires et les thèmes musicaux ne sont pas équivalents, j ’ai identifié un énoncé, une phrase pour chaque thème (ou motif, plutôt) dans ma nouvelle. Le <;< thème » A est celui du fantasme. L’homme s’imagine ce dont pourrait avoir l’air celle qu’il attend, quelle tournure pourrait prendre sa soirée si elle se présentait :

Il s ’était joué la scène où elle arrivait en s ’excusant. H lui disait « Ce n ’est pas grave. Vraiment.» et, pointant son crâne légèrement dégarni, « c ’est bien que tu sois venue avant que je n ’aie perdu tous mes cheveux. » Elle aurait ri. Et il aurait aimé l ’entendre rire.

Cette fuite dans ses pensées s’enchaîne avec le « thème » B, celui du retour à la réalité qui accable le personnage de la nouvelle. Pris dans l’immobilité, il en revient toujours à la fatalité de ses projets : tout est voué au changement dans la vie, sauf pour lui, qui stagne.

L ’homme soupire. Rien d ’immuable en ce monde. Et rien qu’une certitude à l ’effet que tout change. C ’est dans l ’ordre des choses.

N ’empêche, il ne la reconnaîtrait peut-être pas.

Le développement de la forme sonate consiste, quant à lui, à l’exploration des deux thèmes énoncés dans l’exposition. Le compositeur effectue un travail d ’écriture relevant souvent de la modulation des thèmes. Le développement de ma nouvelle pourrait être compris à partir du moment où l’homme assis à sa table depuis un moment déjà décide de briser l’immobilité en partant. Il aperçoit alors une femme, peut-être pas celle qu’il

attendait, de l’autre côté de la rue. L’idée de fantasme est reprise avec l’attirance pour cette personne qu’il ne connaît pas, mais qu’il ne peut s’empêcher de suivre. Cette chasse fantaisiste permet à l’homme de rencontrer son propre imaginaire, ^es mirages. La modulation des thèmes s’incarne dans le changement de voix. Désormais, c’est la fille qui reprend des phrases que l’homme s’est lui-même dites. Enfin, la réexposition amène

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le retour des thèmes A et B qui cette fois sont repris dans la même tonalité . Comme si une certaine dichotomie entre les thèmes A et B avait été crée dans l’exposition, j ’ai vu dans la réexposition la résolution de cette tension entre les deux. C ’est pourquoi les derniers paragraphes de ma nouvelle montrent un accord entre fantasme et réalité, entre immobilité et mouvement ; l’homme se réveille avec l’impression d’avoir rêvé, mais avec une preuve de l’aventure qu’il a vécue la veille.

Quant à la fugue, je ne pouvais m ’en soustraire. Toutefois, je n’ai nullement la prétention d’avoir écrit une nouvelle-fugue. « Paternel » n’a ni la complexité ni la densité des nouvelles de Guillaume Corbeil, par exemple. J'ai préféré m’inspirer du style fugato qui signifie « dans le genre de la fugue ». Cette nouvelle en style fugué présente un homme et son père dont la relation semble plutôt distante. Le fossé entre les deux hommes se justifie par la rancœur du fils vis-à-vis du père qui les a abandonnés, lui, son frère et sa sœur, dans une période difficile de leur enfance. J’ai conservé l’esprit du (pontrepoint dans l’alternance entre deux voix : les pensées du narrateur, le fils, et la voix du père qui l’extirpe de ses réflexions.

« T ’es pas d ’accord ? C ’était pas assez bon à ton goût ? »

Je sursaute. Je hausse les épaules à sa question. J ’ai envie de me taire. De ne rien dire de plus pendant le trajet entre la Place des Arts et son logement. Mais il insiste, me regarde, entêté comme un enfant à qui on a dit non.

Mais cette seule alternance entre deux voix ne suffit pas à recréer le style fugato. Tout comme dans la fugue, une pièce en style fugato donne à entendre une fuite. Les personnages de la nouvelle, malgré la distance qui les sépare, partagent, je crois, leur besoin de fuir. Comme le père qui a, plusieurs années plus tôt, fui devant les épreuves en

l’abandonnant, le fils s’apprête à poser le même geste. Ne plus revenir voir son père. Il y a relais dans le désir de fuir, un peu comme pour les personnages des nouvelles de Corbeil. Quitter pour ne plus revenir, et le paradoxe de l’imitation, fuir jpour ne pas être comme son père.

Sur le plan actantiel, les nouvelles de mon recueil exploitent aussi le prélude au sens figuré, c’est-à-dire que j'ai voulu que chaque texte se construise autour d ’un moment « qui précède, annonce quelque chose, qui constitue le début164 ». Il s’qgit de moments décisifs, parfois même de non-retour, dans la vie des personnages. D ’ailleurs, l ’idée du prélude s’accorde bien avec la poétique de la nouvelle, qui, pour reprendre les mots de Jean-Pierre Boucher, s’avère une « [rjécit bref qu’on lit d’un coup, oui, mais le plus souvent s’inscrit à l’intérieur d’un genre long, "le recueil"165», lequel e^ige du lecteur, notamment, de « commencer et finir souvent166 ». En effet, écrire des nouvelles et lire des nouvelles n’implique-t-il pas qu’à peine la dernière ligne terminée, on doive reprendre de nouveau une autre nouvelle ? L’idée du prélude concorde avec ce que Pierre Tibi énonce au sujet de la poétique de la nouvelle :

La nouvelle prend souvent pour sujet des moments de crise : or la crise, si elle est située à la jointure de deux segments temporels - les événements qui y conduisent, les conséquences qui éventuellement en découlent - est en elle- même soustraite au flux temporel.167

Chaque nouvelle annonce la fin d’un moment ou d’une étape dans la vie <^u personnage et laisse comme présage, dans le silence des mots qui se taisent, le recommencement de quelque chose de nouveau qu’on ne peut que deviner : le début d’une relation amoureuse

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,64REY-DEBOVE, J., REY, A. «Prélude », Le nouveau Petit Robert de la langue française 2010, Paris, 2010, p. 1761.

165 BOUCHER, J-P. « Introduction », Le recueil de nouvelles. Études sur un genre littéraire dit mineur,