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Retour sur le problème des dendrites

CHAPITRE II : SELS DE LITHIUM DE TYPE POLYSILSESQUIOXANE ; SYNTHESE ET

2. Retour sur le problème des dendrites

L’étude de l’état de l’art, faite dans le précédent chapitre, a montré qu’un des enjeux principaux et actuels des batteries lithium était d’éviter la formation de « dendrites ». Pour rappel, la dendrite est une excroissance métallique formée par réduction d’un ion métallique. En effet, on peut déposer un métal par voie électrochimique en imposant une différence de potentiel et un courant dans une cellule électrochimique contenant une solution d’un sel métallique, selon l’équation suivante :

Mz+ + ze- M0

Équation 5

où M est le ion métallique, z+ sa charge, et e- l’électron.

Bien que les premières simulations concernant la limite de l’agrégation des atomes métalliques par les phénomènes diffusifs datent du début des années 198088, le premier modèle décrivant les mécanismes à l’origine de la formation des dendrites par électrodéposition d’un métal à partir d’un électrolyte binaire dilué date des années 1990 et des travaux de Chazalviel27. Ce modèle a été confirmé expérimentalement dans le cas de sulfate de cuivre, dont les résultats ont été schématisés en figure 31 :

Figure 31: Profil de concentration anionique au cours du temps pendant la croissance dendritique27

Ce modèle montre qu’au bout d’un certain temps, appelé temps de Sand, la concentration en anions devient nulle en certains points de l’électrolyte, alors que la concentration cationique,

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59 elle, conserve une valeur non nulle. Cette différence de concentration entre anions et cations (zaCa << zcCc) crée une zone de charges positives aux alentours de la cathode, il s’agit de la

longueur de déplétion anionique. Cette zone chargée positivement crée un champ électrique

important, qui au delà d’une certaine densité de courant J* se traduit par la réduction des ions métalliques en dendrite. Ce même modèle a permis d’affirmer que la croissance de la dendrite s’effectuait en suivant le front des anions à une vitesse donnée par l’équation suivante :

v = μaE

Équation 6

avec μa la mobilité anionique et E le champ électrique

Ce modèle a fait depuis l’objet d’une généralisation aux électrolytes polymères pour les batteries lithium dont voici les conclusions :

- la croissance d’une dendrite lors d’un phénomène de polarisation n’apparaît qu’après un certain temps (modèle de Sand),

- lors de cyclage, une dendrite s’arrête de grandir à une certaine distance l0 de la cathode. Au cours des cycles suivants, une dendrite déjà formée et de taille l0 ne croît plus, de nouvelles dendrites se forment89,

- l’avancement du front de la dendrite correspond à la vitesse de déplacement des anions pendant le phénomène de polarisation,

- de nombreux paramètres vont influer sur la cinétique de formation et la morphologie des dendrites comme la nature de l’électrolyte90

, la concentration en sel de lithium90, 91, la densité de courant89, 91 mais aussi la température92.

On trouve dans la littérature des clichés réalisés in-situ et montrant la cartographie des dendrites dans des électrolytes PEO / sel de lithium (figures 32)49:

Figure 32: Clichés de dendrites formées au cours de phénomènes de polarisation49

Le court-circuitage d’une cellule Li / POE / Li par la formation de dendrites a été mis en évidence93. Des expériences MEB in-situ, qui consistent à faire cycler à l’intérieur d’un MEB

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60 une cellule Li / POE / Li sous polarisation galvanostatique, ont mis en évidence la formation d’une dendrite suffisamment près de la coupe pour qu’elle soit visible. En figures 33, on observe bien, après le court-circuit, la formation d’une dendrite reliant les deux plaques de lithium.

Figure 33: (a) Evolution du potentiel au court du temps, (b) coupe de la même cellule après la variation inattendue du potentiel93

En cas de court-circuit d’une cellule Li / PEO / Li par une dendrite, on assiste à une chute de potentiel. En effet, le courant traverse alors préférentiellement la dendrite par rapport au PEO, la résistance d’un métal étant plus faible que celle d’un polymère. Il a cependant été montré qu’après court-circuitage, le potentiel peut revenir à sa valeur initiale par un phénomène appelé « effet fusible » comme le montre la figure 3494.

Figure 34 : « Effet fusible » d’une dendrite : effet sur la valeur du potentiel94

Après le court-circuit, le passage du courant au sein de la dendrite provoque un échauffement de celle-ci qui peut conduire à sa fusion. Le retour au potentiel d’origine n’est pas systématique après un effet fusible comme le montre toujours la figure 34.

D’autres techniques in-situ ont permis d’étudier la croissance dendritique du lithium métallique dans différents solvants. Une approche (figure 35) consiste à déposer du lithium sur une surface de nickel à partir de LiClO4 dissous dans différents solvants tels qu’un liquide

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61 aprotique polaire (propylène carbonate, PC), un polymère (PEO) et un gel polymère (PEO + PC)95.

Figure 35: Micrographies optiques de lithium déposé à 2,0 mA.cm-2 sur une électrode de nickel à différentes densités de courant depuis un électrolyte de type: (I) PC, (II) PEO,

(III) PEO + PC.95

Ces différents clichés montrent qu’un système PEO limite en partie la formation des dendrites, tout comme un gel PEO + PC. Cependant, la présence d’un polymère n’élimine pas complètement la formation de dendrites, comme le montre la figure 36 (mélange d’un

polymère PEO/PPO (5/1) + X% de LiClO4 EC/PC)90.

Figure 36 : Effet de la présence de carbonate dans une matrice solide sur la formation de dendrites.90

A l’issue de cette étude bibliographique, il apparaît que la formation de dendrites est concomitante à la formation d’une zone de déplétion anionique due à la mobilité anionique. La voie usuelle pour éviter la formation de dendrites est l’immobilisation des anions sur une phase stationnaire, telle qu’une matrice polymère ou une particule. Mais serait-il néanmoins

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62 possible de limiter la mobilité anionique par le choix approprié d’un macro-polyanion ? C’est ce que nous allons voir lors des paragraphes suivants.