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CINÉMA DE FRICTION (Innisfree, 1990)

II. Retour vers un nouveau départ

Dans cette première partie nous nous appliquerons à repérer d’où et à analyser comment José Luis Guerin présente Innisfree. Nous commencerons par le commencement, à savoir, le prologue du film, préliminaire qui expose les motifs centraux de Innisfree : voir ce qui n’est plus, entendre ceux qui ne sont plus à travers ceux qui résistent et ce qui dure. Cette introduction du film nous permettra d’analyser certaines des figures mises en œuvre pour évoquer, présenter ou représenter l’absence (témoignage, citation, allusion, reprise). Par la suite, nous chercherons au fil du film d’autres figures et d’autres procédés mis en œuvre pour figurer l’absence (incrustation, surimpression, fondu, reconstitution, etc.).

Présences d’absence

Au tout début du film, 12 plans (de 00:09 à 02:00). La caméra glisse le long de petits murets et caresse de grosses pierres. Non loin de ce qu’il reste d’une cheminée où un feu brûle encore, deux hommes discutent et nous aident à nous situer : nous visitons les ruines d’un cottage. Les hommes se souviennent : là il y avait la porte, là-bas la cheminée... (plan américain, panoramique d’accompagnement, plan rapproché). Comme amenée par le vent, une joyeuse mélodie (extraite de la bande sonore de The Quiet Man) vient s’ajouter à ces voix masculines (durant 20 secondes, de 00:19 à 00:38). Le film commence donc par cette étrange visite de ce qu’il reste du cottage où fut tourné The Quiet Man (le cottage de Sean Thornton-John Wayne et Mary Kate Danaher-Maureen O’Hara).

41. Visiter le passé, voir ce qui n’est plus (pl. 1, 4, 7, 11, 12)

Dès son début, Innisfree s’inscrit dans un lieu qui, tout à la fois, rappelle un passé, indique une présence, montre une absence, éveille les souvenirs et évoque l’oubli. Le cottage que nous visitons résiste, perdure et continue de se délabrer dans un même temps. Les souvenirs et les

témoignages des deux hommes apparaissent alors comme les pierres manquantes de la ruine. La visite s’organise principalement autour de ce qui n’est plus. Plus qu’à connaître actuellement les hommes qui sont en train de lui parler, le spectateur est invité à se figurer ceux qui étaient là avant, dans un cottage rangé, propre, entretenu. « C’est paradoxalement la force de l’absence qui s’impose en elles [les ruines] ; voilà ce qui produit son effet sur le contemplateur. La perte de la forme, la menace de la disparition fondent une expérience originale qui est la présence d’absence7. »

Cette séquence révèle plus de choses qu’elle n’en montre : la présence n’est pas le présent, la réalité n’est pas le réel et ne se résume ni au visible, ni au tangible. Le regard n’est pas la vue, il peut viser au-delà des apparences, il est le médium d’une métamorphose incessante. Peuplé de souvenirs, il est à la fois filtre, tamis et engrais. C’est ainsi qu’au milieu d’une ruine, les souvenirs qui hantent le regard et habitent les paroles des cousins O’Feeny8 nous aident à (re)créer un espace, à combler les vides creusés par le passage du temps, à organiser et choisir ce que l’on veut y voir, y regarder et y entendre. Notre vue peut rester très proche des pierres et des corps mais notre regard est invité à aller voir plus avant, au-delà du cadre, ailleurs. De même, notre écoute est sollicitée à plusieurs niveaux qui se connectent et se complètent. La mélodie extra-diégétique renvoie à l’univers fordien de The Quiet Man, le bruit du vent évoque la nature environnante (la verte Erine) tandis que les dialogues nous invitent à voir ce qui n’est plus, tout en écoutant ceux qui sont là, avec leurs voix, leurs intonations et leurs accents. Pendant cette visite du cottage une troisième voix se fait entendre (au 8e plan, à 01:12). Bientôt, elle recouvre les voix des cousins de Ford qui continuent de se rappeler le cottage. Cette troisième voix, claire, masculine, nous apprend que les O’Feeny étaient des petits fermiers et nous renseigne sur le système d’héritage en Irlande. Le spectateur qui entre dans le film en espérant voir un documentaire interprète quasi instinctivement cette

7 Sophie Lacroix, Ruine, Paris, Éditions de la Villette, 2008, p. 29.

8 Il s’agit des cousins de John Ford, membres de la famille « O’Fenny ». Le vrai nom de John Ford était Sean Aloysius O’Fearna (selon le propre cinéaste) ou John O’Feeney (dans certaine biographies) ou John Martin Feeney (selon l’état civil de Cape Elizabeth, état du Maine, USA). Dans les sous-titres du film on lit « O’Feeny », nous garderons cette orthographe. John O’ Feeney, son père, était né à Spiddall, un petit village de la contrée de Galway et sa mère Barbara Curran, « Abby», venait de l’île d’Aran.

troisième voix comme l’habituelle, traditionnelle et conventionnelle voix-off. Mais bien vite (plan 14, à 02:20) cette interprétation est démentie et la troisième voix identifiée, désacousmatisée: il s’agit de Michael Killanin, un vieil ami de John Ford9. Tandis que sa femme attise le feu dans la cheminée (plan 13, scène typique de beaucoup de films de Ford et qui rappelle le feu de la séquence précédente), M. Killanin lit une vieille lettre adressée par John Ford depuis Nairobi, pendant la guerre (regard de M. Killanin vers sa femme hors-champ). La lecture finie, M. Killanin sourit : « C’était bien lui10 », il indique du doigt la signature de Ford (plan rapproché de la lettre, John Ford signe Jack au-dessus d’un trèfle, emblème de l’Irlande). La signature se fond avec le plan suivant : un chemin de fer vu en plongée depuis le train (à 02:42). Le train se met à avancer, les rails défilent sous nos yeux, une des mélodies de The Quiet Man se fait de nouveau entendre et la lecture d’une autre lettre commence (toujours par M. Killanin) ; une lettre au sujet du projet du film The Quiet Man dans laquelle Ford avertit Killanin de sa prochaine venue en Irlande pour le tournage d’un film.

42. Madame et Monsieur Killanin (plans 13-17)

C’est donc par l’utilisation de ponts sonores et avec un effet de surprise (désacousmatisation d’une voix que l’on pouvait penser off) que nous passons de la maison de Ford à celle de Killanin, du cercle familial au cercle amical et de la vie privée à la vie sociale et professionnelle. De même, la présence des mélodies du film The Quiet Man contribue à relier ces différentes sphères de la vie de John Ford et nous ouvre la voie (/voix) vers l’univers fordien, nous mettent en route vers Innisfree. Dans cette deuxième séquence nous apprenons que Michael Killanin participa

9 Lors du tournage de The Quiet Man, John Ford s’était associé à Lord Killanin et à Brian Demond Hunst pour fonder une société de production Four Provinces films, dont le but était d’assumer une production nationale.

10 Afin d’alléger la lecture de ce travail, je présenterai les paroles prononcées dans Innisfree dans leur version française (proposée dans les sous-titres du film). Seule la bande sonore de la séquence de l’arrivée en gare de Castletown (bande sonore du film The Quiet Man, voir ci-dessous) sera proposée en version originale afin de souligner la citation explicite du film de Ford dans le film de Guerin.

à la réalisation de quelques films de John Ford. Au moment où José Luis Guerin tourne Innisfree, Michael Killanin est, de fait, un des rares survivants de l’équipe fordienne des films irlandais (The Quiet Man et The Rising of the Moon11, 1957). C’est d’ailleurs ce que nous rappelle, un peu plus tard dans le film (à 09:32), un doigt pointé sur les noms d’une affiche du film The Rising of the Moon. La voix qui accompagne les mouvements du doigt énonce sur chaque nom : « dead… dead… dead » : M. Killanin échappe à la sentence : « not dead ». L’affiche du film ressemble à une stèle funéraire, qui, dans une comparaison affirmée, suit directement le plan de la pierre tombale de la famille de Ford.

43. « …Dead…Dead … Not dead » (pl. 113, 114, 116)

Reconstitution

À la fin du prologue, lorsque le train s’arrête (à 03:09), nous arrivons dans une vieille gare qui semble abandonnée: « Castletown ! » crie un chef de gare invisible. C’est dans cette même gare que descendait Sean Thornton (John Wayne) au tout début de The Quiet Man. De fait, tous les cadrages des plans de cette gare présentés dans Innisfree (17 plans) sont identiques à ceux élaborés par John Ford trente sept ans auparavant. Ces plans se présentent comme des citations indirectes, implicites. En reprenant les termes et la typologie genettienne nous dirons que ces plans sont des allusions (même cadrages mais plans différents) au film de Ford. La bande sonore, elle, est une citation directe, explicite, elle est celle du film de Ford où le père catholique Peter Lonergan (Ward Bond)raconte l’action en flash-back :

Now, I’ll begin at the beginning. A fine soft day in the spring it was when the train pulled into Castletown three hours late as usual, and himself got off. He didn't have the look of an American tourist at

11 Parmi les interprètes de cet autre film tourné en Irlande par Ford, on retrouve également Cyril Cusack qui est la voix du poème de Yeats dans Innisfree… Nous y reviendrons.

all about him. Not a camera on him. And what was worse, not even a fishing rod […]12.

La bande sonore de The Quiet Man habite les plans d’Innisfree qui reprennent les cadres de The Quiet Man… Allusion et citation s’entremêlent, imbriquent les deux films tout en dégageant leurs différences, leurs ressemblances, leurs rapports. Un jeu de rimes s’établit entre les plans de José Luis Guerin et ceux de Ford, plans que nous sommes invités à comparer mentalement dans le film de José Luis Guerin.

The Quiet Man Innisfree The Quiet Man Innisfree

44. L’arrivée en gare de Castletown filmée par Ford (choix de plans) puis par Guerin (pl. 18, 21, 22, 23, 27, 30, 31, 32, 33, 34)

12 « Bon, commençons par le commencement, un beau jour de printemps, le train arriva à Castletown avec, comme d’habitude, trois heures de retard. Il est descendu. Il n’avait pas l’air d’un touriste américain. Pas de caméra et, pire encore, même pas une canne à pêche. »

Cette arrivée en gare de Castletown confirme le point de vue du film, affirme la vision du cinéaste et déploie le regard du spectateur. « La citation, grâce à la confusion métonymique à laquelle elle préside, est lecture et écriture ; elle conjoint l’acte de lecture et celui d’écriture13. » José Luis Guerin-spectateur connaît bien les plans de Ford-cinéaste, il les retrouve à travers son regard, il y fonde et y fond sa vision offrant dès lors un double regard au spectateur de son film. C’est le regard du spectateur mis en abyme : un spectateur devient cinéaste et offre à ses spectateurs les plans qu’il a vus et aimés en tant que spectateur. La bande son étant restée intacte, le vide et l’absence qui habitent les plans d’Innisfree deviennent le centre des images, le cœur de la séquence et du montage. De même, le laps de temps qui sépare le film de José Luis Guerin de celui de John Ford est l’ellipse fondatrice du film, son motif central. Dans cette séquence, les personnages ont été comme effacés. Où sont-ils passés? Qui peut les voir et nous parler d’eux ? Le cinéma embaume les êtres, les souvenirs se les rappellent, le son les convie. La citation ex-cite le spectateur, le solli-cite. « La substance de la lecture (sollicitation et excitation) est la citation ; la substance de l’écriture (récriture) est encore la citation14. » La citation dynamise le texte.

L’arrivée en gare de Castletown est la séquence d’ouverture du film The Quiet Man. À peine débarqué, le protagoniste (John Wayne-Sean Thornton) cherche sa route : comment fait-on pour aller à Innisfree ? C’est la question que José Luis Guerin et le spectateur d’Innisfree se posent également. Par une fenêtre de la gare (même cadrage que le plan de Ford) une voix nous interpelle, celle de Michaleen Flynn (Barry Fitzgerald) qui, dans The Quiet Man, s’adresse à Sean Thornton : « Innisfree ? It’s here » (réutilisation de la bande sonore de The Quiet Man dans Innisfree). Et c’est ainsi que nous arrivons au générique, très fordien, d’Innisfree (des chevaux traversent l’écran, des cris de cowboys se font entendre, etc.). Pour filmer de nouveau cette arrivée à Innisfree José Luis Guerin n’a pas hésité à raccommoder la réalité. Il a d’abord reconstruit le panneau de la gare de Castletown (qui est en fait la « Ballyglunin Station », au sud de la ville de Tuam, dans le

13 Antoine Compagnon, La Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979, p. 34. Nous utiliserons l’alternative orthographique pour distinguer la

« récriture » intertextuelle de la « réécriture » génétique.

14 Ibid.

comté de Galway, à 38 km de Cong). Depuis le tournage de Ford, la gare n’a pas beaucoup changé, elle a vieilli et le pont qui traversait la voie ferrée n’existe plus (déplacé après que Ballyglunin fut fermée comme ligne principale). Pour retrouver le parcours qui mène à Innisfree José Luis Guerin replace le panneau « Castletown » dans la gare de Ballyglunin et y réintègre les voix des personnes aimées qui ont marqué, par leurs présences, cette gare maintenant peuplée d’absences.

45. Innisfree

46. The Quiet Man

47. Ballyglunin Station aujourd’hui (2006). Le panneau à l’entrée de la gare abandonnée indique que cette gare fut un des lieux de tournage de The Quiet Man, qu’elle y apparaît comme la gare de Castletown15

Pour les besoins de son film, le cinéaste n’hésite donc pas à maquiller la réalité pour la rendre plus en accord avec son regard (celui de John Ford). José Luis Guerin recherche Innisfree, cette Irlande mythique, imaginée par un poète puis imagée par un cinéaste. Il recherche cette image dans la réalité (Innisfree à Cong), il cherche à retrouver les objets filmés par Ford pour figurer son Irlande rêvée, mythique. En retrouvant les objets, lieux et personnes filmés quarante ans auparavant, le cinéaste approfondit le caractère documentaire de The Quiet Man. En cherchant les traces que la fiction de Ford a laissées dans cette partie de l’Irlande, le cinéaste creuse le côté fictionnel de son documentaire. Le film de José Luis Guerin se meut dans les intersections qui articulent le poème et le document, le film de fiction et la réalité filmée. Toutefois, les temps ne cessent de s’articuler et le tournage de

15 Voir le site de la gare : http://www.ballyglunin.com

Innisfree a lui aussi laissé ses traces dans la réalité de Cong. Afin de mieux représenter (présenter de nouveau) la réalité que filma Ford, José Luis Guerin fit également reconstruire la devanture du pub Pat Cohan. Le bar retrouva alors l’aspect qu’il avait dans le film de Ford. Ce panneau est ensuite resté au village, il fait maintenant partie de son décor (pour le bonheur accru des touristes)16.

48. The Quiet Man et Innisfree (deux plans présents dans le film de José Luis Guerin)

Géographie mentale

Le peu d’éléments qui nous est donné pour situer Innisfree sur une carte est également – et bien évidement – constitué d’informations fictives. Ainsi, en arrivant à la gare de Castletown (qui, répétons le, n’existe pas), le discours des gens de la gare nous donne quelques indications (celles écrites par John Ford). On apprend qu’Innisfree est situé à 5 miles de Castletown, tout près de Knockanur, un peu plus loin que Ballygar. Le cinéphile curieux qui s’amuserait à chercher où se trouvent ces villes serait bien avancé de rencontrer trois villes irlandaises répondant au nom de Knockanur (chacune séparée par une centaine de kilomètres), la plus proche de Ballygar se trouvant à 117km de celle-ci.

La largeur de l’île ne dépassant pas 275km et sa longueur étant de 483km : ces indications nous mènent au milieu de nulle part.

La carte que consulte l’autostoppeuse nous perd un peu plus. La jeune fille vient de nous dire qu’elle veut se rendre à Carrigaline (ville qui se trouve de l’autre côté de l’île, à 252km de Cong). La carte qu’elle consulte est filmée en gros plan. Plus qu’une carte il s’agit d’un schéma qui indique des noms de lieux (réels et mythiques), des noms de personnes et de lacs (O’fearna Cashel, Curraghmore, Castletown, Innisfree, Killanin, Neale, Maam, Lough Mask, Lough O’Flahertie). Le doigt de la jeune file suit le tracé d’une des lignes du plan. Aucune information géographique habituelle n’apparaît sur cette carte. Les seules

16 Voir Marta Javier Acín et Ivana Vallespin Ortiz, Innisfree, (travail universitaire de fin de 4e année), UAB, département de Communication audiovisuelle, Juin 1998, p. 35.

indications qui apparaissent sont ces quelques lignes tracées au trait noir (toutes de même épaisseur) sur un fond jaune-orangé. Ce plan a bien évidement été élaboré par les soins du cinéaste pour les besoins de son film. Avec ce plan, José Luis Guerin offre une figuration de sa géographie mythique, imaginaire. Le territoire est ouvert et plat, l’horizon est infini. Les couleurs sont chaudes, les distances n’existent pas – elles sont des liens.

49. Cartographie d’un territoire mythique (plans 155, 156, 157, 158)

Cette stratégie cinématographique qui consiste à reconstruire ou mettre en scène certaines situations dans un documentaire n’est ni nouvelle ni récente. Il ne s’agit pas d’une création de la part du cinéaste mais plutôt d’une attestation de sa conscience des expériences antérieures – Robert Flaherty, Pare Lorentz ou encore John Grierson firent grand usage (dans les années 1920-1930) de ce type de pratique et d’écriture documentaire.

Innisfree se présente donc comme un retour sur lieu mythique, un retour fatalement marqué par l’absence et le vide, mais aussi par le souvenir et la présence. Le film est un voyage dans un territoire à la fois mental et imaginaire, historique et concret. Les souvenirs sont des évocations, des témoignages (les cousins de Ford, M. Killanin), des échos (les voix des acteurs de The Quiet Man), des invocations, des souvenirs d’images (les cadrages de John Ford). Au départ d’Innisfree les morts parlent au présent et les vivants au passé ; le lointain devient proche et le proche se distend ; le réel devient réalité et l’invisible perceptible ; le cadre se fait regard et l’absence devient présence. Les voix que nous pouvons penser comme off (celles des acteurs de The Quiet Man) ne sont pas extérieures à la diégèse du film, elles sont in mais viennent de loin et, du coup, élargissent les limites de l’univers diégétique. En effet, une grande part des plans de José Luis Guerin les déborde et entre en relation avec un ailleurs qui ne peut s’actualiser que

dans et par le regard du spectateur. Celui-ci est invité à effectuer un second montage, à remplir les plans des présences-absences qui les fondent (comme lors de la visite de la ruine du cottage) mais aussi à relier les plans du film à d’autres plans qui débordent le film lui-même (les cadres de The Quiet Man dans la gare de Castletown). Le regard du spectateur se doit d’être actif et productif. La relation au temps que le film entretient et le souci qu’il porte aux détails des choses vues et entendues17, peut aussi évoquer le début d’un autre film de John Ford, How Green Was My Valley (Qu’elle était verte ma vallée, 1941), lorsque Huw Morgan (Roddy McDowall) s’apprête à quitter sa maison natale et nous dit – dans la traduction française: tôt, d’hommes et de femmes décédés longtemps auparavant. Pourtant qui peut dire ce qui est réel et ce qui ne l’est pas ? Puis-je croire au départ de mes amis quand leurs voix résonnent toujours splendidement à mes oreilles ? Non. Et je continuerai à dire non, car en mon esprit ils sont toujours vivants. Il n’y a ni haie ni barrière autour du temps qui passe. On peut revenir en arrière et voir ce qu’on

dans et par le regard du spectateur. Celui-ci est invité à effectuer un second montage, à remplir les plans des présences-absences qui les fondent (comme lors de la visite de la ruine du cottage) mais aussi à relier les plans du film à d’autres plans qui débordent le film lui-même (les cadres de The Quiet Man dans la gare de Castletown). Le regard du spectateur se doit d’être actif et productif. La relation au temps que le film entretient et le souci qu’il porte aux détails des choses vues et entendues17, peut aussi évoquer le début d’un autre film de John Ford, How Green Was My Valley (Qu’elle était verte ma vallée, 1941), lorsque Huw Morgan (Roddy McDowall) s’apprête à quitter sa maison natale et nous dit – dans la traduction française: tôt, d’hommes et de femmes décédés longtemps auparavant. Pourtant qui peut dire ce qui est réel et ce qui ne l’est pas ? Puis-je croire au départ de mes amis quand leurs voix résonnent toujours splendidement à mes oreilles ? Non. Et je continuerai à dire non, car en mon esprit ils sont toujours vivants. Il n’y a ni haie ni barrière autour du temps qui passe. On peut revenir en arrière et voir ce qu’on