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José Luis Guerin est né à Barcelone le 1er janvier 1960. Après une période d’expérimentation et de formation autodidacte durant laquelle il réalise une douzaine de films (« pré-filmographie2 » de 1975 à 1982), il se lance dans la réalisation de ce que l’on nommera sa « filmographie » (qui comprend donc les films connus du public). Entre 1983 et 2007 il réalise cinq longs métrages, deux courts métrages, une exposition artistique et un moyen métrage.

Le propos de ce premier chapitre est simple. Il s’agit d’identifier l’œuvre que nous allons analyser par la suite, de considérer la place qu’on lui octroie dans son contexte et de tracer les perspectives de cette recherche. Dans un premier temps, nous examinerons les contours de l’œuvre de José Luis Guerin. Une filmographie synthétique (de 1975 à 2007) s’intéressera aux paratextes des films qui la composent (une pré-filmographie détaillée est proposée en annexe). La majorité des films de la pré-filmographie étant aujourd’hui introuvable3, ce travail a été

1 Edgar Morin, La Méthode 1, Paris, Éditions du Seuil, 1977, p. 18.

2 Nous reprendrons ici les termes de « pré-filmographie » et de « filmographie » utilisés par José Enrique Monterde, « José Luis Guerin: ¿Documental ? ¿Ficción? Cine », Al otro lado de la ficción, 13 documentalistas españoles contemporáneos, Josetxo Cerdán, Casimiro Torreiro (eds.), Madrid, Cátedra, 2007, p. 118. Nous appellerons donc « pré-filmographie » la période qui va de 1975 à 1982 et « filmographie » la période de création qui commence en 1983.

3 À ma connaissance, seule la filmothèque de Madrid possède deux de ces premiers films : Memorias de un paisaje (1979) et Naturaleza muerta (1981). Les autres films n’apparaissent dans aucun catalogue d’aucune cinémathèque et le cinéaste refuse de les montrer (il dit ne pas savoir où se trouvent les copies...).

élaboré quasi exclusivement à partir de ces hors-textes dont les plus notables sont regroupés dans un livre publié à Barcelone en 1984 par le ciné-club de l’association des ingénieurs industriels de Catalogne4. Dans les années 1970, ce ciné-club projeta la totalité de la pré-filmographie de José Luis Guerin, il fut « la plataforma pública de cuantas películas reflexionaran sobre aquella realidad: aquellas que la censura había prohibido, las que tenían una difícil exhibición (Escuela de Barcelona…), las del denominado “cine independiente” o “marginal” y también otras procedentes del extranjero5 ». Si ce ciné-club permit à ses adhérents de voir ce qu’il était interdit de voir, aujourd’hui son livre Surcando en el jardín dorado nous donne à imaginer et à rêver ce qui n’est plus – perdu ou caché.

En ce sens, on peut sans doute avancer qu’il n’existe pas, et qu’il n’a jamais existé, de texte sans paratexte. Paradoxalement, il existe en revanche, fût-ce par accident, des paratextes sans texte, puisqu’il est bien des œuvres, disparues ou avortées, dont nous ne connaissons que le titre […]. Il y a bien dans ces seuls titres de quoi rêver, c’est-à-dire un peu plus que dans bien des œuvres partout disponibles, et lisibles de part en part6.

En ce qui concerne les longs métrages sortis entre 1984 et 2007, afin d’éviter les répétitions lors de l’analyse de ces films, nous examinerons brièvement leurs contours (synopsis et péritextes). Par la suite nous considérerons le territoire artistique dans lequel s’inscrit et se déploie le cinéma de José Luis Guerin. Nous examinerons l’ombre de son cinéma, portée dans son contexte – le cinéma espagnol – par les lumières de la critique et de la théorie. Lors de cette étude nous rencontrerons de nombreux concepts largement traités et d’importantes questions longuement commentées par les théoriciens et historiens du cinéma (qu’est-ce que le cinéma ?, quelle est la pertinence du concept de cinéma national ?, le cinéma peut-il encore être moderne ?, etc.). Bien entendu nous ne nous essoufflerons pas ici à essayer de répondre de façon ferme et assurée à ces questions complexes et sans cesse

4 Josep Miquel García Ferrer, Martí Rom (eds.), Surcando en el jardín dorado. Un viatge pels films de José Luis Guerin i les fotografies de E. Momeñe, Barcelona, Cine-Club Associació d’Enginyers Industrials de Catalunya, 1984.

5 Joan Gart, « Portabella, años setenta », Historias sin argumento. El cine de Pere Portabella, Marcelo Expósito (coord.), Barcelona, la Mirada / MACBA, 2001, p. 149.

6 Gérard Genette, Seuils (1987), Éditions du Seuil, 2002, p. 9-10.

renouvelées. Ces problèmes théoriques devraient plutôt nous aider à discerner la forme que dessine le cinéma de José Luis Guerin.

I. Contours

Pré-filmographie

La pré-filmographie de José Luis Guerin laisse entrevoir une certaine sensibilité au temps, au quotidien, au réel7. On y découvre des motifs qui réapparaîtront tout au long de sa filmographie: la réflexion formelle (La hagonía de Agustín8, 1975; Furvus, 1976) ; un intérêt marqué pour le réel, le hasard et les jeunes filles (Elogio a las musas, 1977 ; La dramática pubertad de Alicia, 1978 ; Acuérdate de Isabel 1979) ; le goût des portraits et de l’observation du quotidien (Film familiar, 1976-1978 ; Diario de Marga, 1980 ; Retrato de Vicky, 1982) ; l’amour du cinéma (El orificio de la luz, 1977; Apuntes de un rodaje, 1982) ; l’exploration des traces que le temps et les histoires laissent en passant, une vision géognostique de l’espace (Memorias de un paisaje, 1979; Naturaleza muerta, 1981). Ces films manifestent également le plaisir avec lequel le cinéaste expérimente le langage cinématographique, travaille le son et la matière même du film - le celluloïd. Ces premières réalisations révèlent une liberté de choix qui se fait sensible jusque dans leurs formats (du Super-8 au 35mm en passant par le 16mm et la vidéo, en couleur et/ou en noir et blanc, sonore et/ou muet) et leurs durées (de 8 à 180 minutes). De même, si dans le titre de son premier film José Luis Guerin affichait une faute d’orthographe (La hagonía de Agustín, 1975), c’est sans doute pour annoncer de façon ostentatoire qu’il n’est pas allé à l’école du cinéma :

7 Dans la filmographie proposée en annexe les films de la pré-filmographie sont tous présentés de façon circonstanciée. On pourra également consulter au sujet de cette pré-filmographie l’article de Quim Casas, « José Luis Guerin, crónicas de la pubertad », Cortos pero intensos, las películas breves de los cineastas españoles,Pedro Medina, Luis González (coord.), 35° Festival de Alcalá de Henares, Madrid, Fundación Colegio del Rey, 2005, p. 158-161.

8 Un photogramme de ce premier film de José Luis Guerin a été publié en couverture de la revue Cabeza Borradora, n° 3, printemps 2004. Dans ce même numéro, Cristóbal Fernández etFabián Molina proposent une longue et intéressante « Conversación con José Luis Guerin », p. 37-48. Au sujet de la date à laquelle José Luis Guerin commence de filmer (1975) et quant au titre de son premier film (qui pourrait renvoyer à l’agonie du caudillo), on pourrait sans doute citer Bataille : « La date à laquelle je commence d’écrire […] n’est pas une coïncidence. Je commence en raison des événements mais ce n’est pas pour en parler. », Le Coupable (1939-1944), Œuvres complètes, V, Paris, Gallimard, 1973, p. 245.

La iluminación cinematográfica se aprende en las catedrales.

No en escuelas donde profesionales-standard enseñan soluciones-standard a una generación que más le valiera expresarse con torpeza, pero más imaginativamente. […] Una buena película se parece más a un buen libro que a una mala película. Se aprende mucho más cine leyendo a los poetas o escuchando música que viendo cine al uso. Eso de pasarse todo el día en el cine para llegar a saber algo, eso es una mentira, es tiempo tirado. Siempre es mejor un paseo con la novia.

– Incluso viendo a Bresson, o a Godard?

– Eso es como un buen libro9.

Parce qu’il repousse l’idée d’apprendre le cinéma à l’école, dans les livres ou à la cinémathèque, on aurait tort de penser que José Luis Guerin ne connaît pas les livres théoriques (il les réfute parce qu’il les a lus), qu’il ne va pas à la cinémathèque (il y passe de longues heures) ou encore qu’il ne sait pas ce qu’est une école de cinéma (il y donne des cours depuis la fin des années 1980). En exprimant son rejet pour l’école (du cinéma ou pas), José Luis Guerin affirme son indépendance et son antipathie pour les systèmes de pensée et les normes de création académiques, méthodologiques, standardisés. Sa connaissance comme son amour du cinéma, et des arts en général, ne se sont évidement pas développés dans le système scolaire franquiste. À quatorze ans (1974), après avoir été renvoyé de sept collèges, José Luis Guerin suit des cours par correspondance qu’il abandonne à l’âge de seize ans, mettant un point final à sa scolarité10. Là encore, cet abandon du système scolaire ne signifie pas un désintérêt pour l’apprentissage, bien au contraire. Très tôt il se passionne pour la peinture, le cinéma, la littérature et les filles (voir sa « pré-filmographie » en annexe). Il voyage également très tôt en France et hérite de son grand-père maternel (dont il a également gardé le nom de famille11) d’un projecteur Pathé Baby pour films muets

10 Sara Torres, « Los motivos de Guerin », Nosferatu, nº 9, juin 1992, p. 38-47.

11 D’origine française par sa mère (Madame Guérin, d’où l’absence d’accent sur le « i » du nom du cinéaste), très tôt il a abandonné son nom paternel : Carroggio.

12 Les projections de films de René Clair, Abel Gance, Charlie Chaplin, Max Linder, mais aussi de nombreux westerns (de Broncho Bill, Tom Mix, Kit Karlson, Surrey Hart, Edwin Stanton Porter), tout comme de films scientifiques, des films d’opérations, des films d’animation, des films burlesques (de Mack Sennett ou d’Hal Roach), émerveilleront le jeune homme à jamais. Voir José Luis Guerin, « Al abrirse la puerta », Surcando en el jardín dorado, op. cit., p. 26.

réalisant sur cassettes audio des bandes sonores imaginaires. Par exemple, pour le film de René Clair, Le Voyage imaginaire (1925), José Luis Guerin crée quatorze bandes sonores distinctes, « catorce films coinventados por mí ilicitamente13 ». Plus tard, le cinéaste s’adonne également à des expériences visuelles en utilisant de vieux films de famille (dénichés au marché aux puces de Barcelone, Els Encants) pour lesquels il éprouve une forte admiration. Il se réfère souvent à l’attirance et à la fascination qu’exercent sur lui les personnages-fantômes-anonymes de ces films (personnes mortes ou vieillies), la détérioration de ces bobines, l’oubli et la poussière14. À la recherche de divers effets de montage, José Luis Guerin manipule, monte, démonte et remonte ces vieux films de famille. Il invente des bandes sonores, crée des plans subjectifs pour les regards « inexplicables » (sans contrechamp), cherche un sens au sourire de « l’enfant-fantôme15 »... Le réalisateur conserve aujourd’hui encore son projecteur Pathé Baby et continue à collectionner de vieux films de famille, sujet que l’on retrouvera dans sa filmographie, plus particulièrement dans Tren de sombras, el espectro de Le Thuit, son troisième long métrage (1997).

Une fois le cursus scolaire abandonné, âgé de quinze ans, il commence à aller à la Filmoteca de Barcelone où il rencontre Manuel Huerga, Eugeni Bonet et Juan Buffil qui se réunissent sous le cri

« ¡Contra todo y contra todos !16 » dans le groupe Film Vídeo Informació (FVI, fondé par Manuel Huerga). Le groupe organise de nombreuses projections et des rencontres avec des cinéastes tels que Phillipe Garrel ou Jacques Tati. Des entretiens avec des théoriciens (Jean Mitry par exemple) sont également au programme. À seize ans, José Luis Guerin cultive un grand amour cinématographique pour Géraldine Chaplin (qui vit à Madrid avec Carlos Saura) et considère les films dans lesquels elle apparaît comme des objets de culte17. Le cinéaste part donc pour la capitale espagnole. Durant les six années suivantes il partage sa vie entre Madrid et Barcelone et assiste à quelques tournages de Carlos Saura – à ma connaissance : Deprisa deprisa (1980) et Dulces horas (1981). Sur le tournage de Dulces horas, il rencontre l’acteur masculin (Iñaki Aierra) et

13 Ibid., p. 8.

14 Ibid., p. 25-34.

15 Ibid., p. 34.

16 Sara Torres, « Los motivos de Guerin », loc. cit., p. 39.

17 Ibid., p. 40.

découvre le paysage (province de Ségovie) qui servira de cadre à son premier long métrage en 35mm : Los motivos de Berta, fantasía de pubertad (sorti, après une longue mésaventure de distribution, en 198418).

Filmographie

Six ans après Los motivos de Berta, fantasía de pubertad (fiction en noir et blanc), José Luis Guerin signe un documentaire en couleur Innisfree (1991) tourné en Irlande sur les pas du tournage du film The Quiet Man (John Ford, 1954). En 1997, sort Tren de sombras, el espectro de le Thuit, un film aux frontières du documentaire, de la fiction, de l’essai et du film fantastique. L’année suivante (1998), dans le cadre du premier Master professionnel de documentaire de création de la Universitat Pompeu Fabra (Barcelone), José Luis Guerin et six étudiants se lancent dans la réalisation de En construcción (2001), un documentaire tourné sur trois ans dans les rues en chantier du Barrio Chino de Barcelone. Après le succès (insolite) de ce film documentaire, on considéra José Luis Guerin comme le cinéaste documentariste espagnol. C’est alors qu’en 2007, contre toute attente, José Luis Guerin signe trois œuvres au format distinct – il corrige alors sa réputation de cinéaste documentariste au processus créatif lent. Apparaît tout d’abord (juin 2007) l’exposition artistique : Las mujeres que no conocemos, montaje fotosecuencial, réalisée pour la Biennale Artistique de Venise.

Deux mois plus tard, En la ciudad de Sylvia (long métrage de fiction) est projeté à la Mostra de Venise (août 2007). Puis, quelques semaines après (septembre 200719), le film vidéo que le cinéaste appelle ses « notes » : Unas fotos en la ciudad de Sylvia est projeté au festival de Vancouver puis au festival de Gijón (il fera ensuite le tour de nombreux autres festivals).

José Luis Guerin ne cesse de surprendre les attentes des spectateurs, diffuseurs et producteurs, troublant constamment l’image que l’on se faisait de lui et s’échappant toujours de la case (théorique, de programmation ou commerciale) dans laquelle on venait de l’installer.

18 À ce sujet, lire le début de l’analyse du film.

19 Bien que ce film-note soit sorti officiellement après le long métrage, il le précède dans l’ordre chronologique du processus de création (ce film fut réalisé avant En la ciudad de Sylvia et avant l’exposition).

Tour à tour qualifié de cinéaste-poète, de cinéaste-essayiste, de cinéaste-documentariste ou de cinéaste-expérimental, il se trouve habituellement comparé tant aux grands maîtres de la fiction qu’aux grands metteurs en scène de l’expressionnisme allemand et aux grands réalisateurs de documentaires (sont le plus souvent cités : Griffith, Ozu, Renoir, Dovjenko, Dreyer, Murnau, Bresson, Vigo et Flaherty). Son œuvre apparemment très hétéroclite (du documentaire à la fiction en passant par l’essai, l’installation et le documenteur; du noir et blanc à la couleur ; du 35mm à la vidéo ; du cinéma au DVD et au musée), apparaît comme « inclassable » aux yeux de nombreux critiques. Mais le fait que cette œuvre libre déconcerte ceux qui tentent de la définir et de la cataloguer ne signifie pas pour autant qu’elle soit décousue. De fait, José Enrique Monterde, qui s’est attaché à comprendre l’œuvre plus qu’à la cataloguer, peut conclure à :

[…] la evidente existencia de un hilo subterráneo que une productos tan aparentemente diversos como los que constituyen su limitada filmografía (y que imagino en muchos aspectos están preludiados en esa pre-filmografía prácticamente desconocida que antecede a Los motivos de Berta). ¿Dónde se sitúa ese sentimiento común a los diversos films de Guerin? Pues, evidentemente, así lo creo, en la permanente reflexión sobre la materia base del cine: el tiempo20.

Complexe, l’œuvre de José Luis Guerin tisse donc à travers ses films une réflexion autour de quelques thèmes et motifs que nous tâcherons d’analyser dans les chapitres suivants de ce travail.

20 José Enrique Monterde, « José Luis Guerin: ¿Documental ? ¿Ficción? Cine », loc. cit., p. 117-118.

Récit des origines

En 1992, dans une interview publiée par la revue Nosferatu, en répondant au cinéaste Pere Portabella (qui, quelques années plus tard, produira Tren de sombras), José Luis Guerin affirme : « mis padres no son de este país21 ». Dans cet entretien, José Luis Guerin refuse de se laisser enfermer dans la catégorie des cinéastes espagnols et/ou catalans, trop réductrice à ses yeux22. Il indique un rapport sensible et intime avec le cinéma, avec les films, avec les cinéastes. « Probablemente, la actitud de Guerin deriva de considerar que todos los cineastas […] son nuestros/sus contemporáneos, más allá de fronteras geográficas o cronológicas23. » José Luis Guerin inscrit son rapport au cinéma dans une filiation artistique plus que dans une consanguinité nationale. Par cette étrange déclaration, il affirme que c’est le présent qui fait le passé, que l’origine est une construction, une création, un investissement tardif – qui vient après la naissance. Il décide donc de plonger ses « racines » dans cet ailleurs dont l’Atlas ne propose que des frontières brouillées : le pays Cinéma.

C’est Godard le premier qui a assimilé le Cinéma à un pays de plus sur la carte. Évidemment, j’ai beaucoup aimé cette idée et je l’ai reprise. Le cinéma, c’est le pays qui manquait à ma carte de géographie. Maintenant, on se demande s’il s’agit d’un empire, d’une nation ou d’une province. [...], il y a un pays parce qu’il y a de vrais habitants qui parlent la même langue24.

Cinéaste-cinéphile, José Luis Guerin se présente alors aussi comme un ciné-fils25, habitant du pays Cinéma, « qui se fait à lui-même

21 Nosferatu, n° 9, 06/1992, p. 87. P. Portabella: « José Luis tiene dos paternidades. Una es Erice y a veces me hace creer que la otra soy yo, pero el padre y la madre son Erice. » J. L.

Guerin: « No es Erice. Mis padres no son de este país. » Sur la famille Erice-Guerin on pourra voir l’article d’Àngel Quintana, « Deux parrains du cinéma espagnol » trad. de Marie Neveu-Agero, Cahiers du cinéma, n° 603, juillet-août 2005, p. 40-41.

22 J. A. Giménez, « La calidad del cine no se puede medir ahora por nacionalidades », Información, 11/05/2003. La phrase-titre est de J. L. Guerin, elle se poursuit ainsi: « porque los cineastas somos personas muy solitarias y sólo nos representamos a nosotros mismos ».

23 José Enrique Monterde « José Luis Guerin: ¿Documental ? ... », loc. cit., p. 117.

24 Serge Daney, Persévérance, Paris, P.O.L., 1994, p. 94.

25 Pour les notions de cinéphilie et de ciné-fils, je renvoie principalement aux ouvrages de Serge Daney cités dans la bibliographie ainsi qu’aux entretiens qu’il a accordés à Régis Debray, édités en DVD: Serge Daney, itinéraire d’un ciné-fils, un film de Pierre-André Boutang (1992), Paris, Montparnasse, 2005. Une consultation de l’ouvrage collectif : Critique et Cinéphilie, Paris, Cahiers du cinéma, 2001, peut aussi être enrichissante.

le récit de ses origines », fils de ses films (vus et réalisés) et de ses lectures:

Cette phrase magnifique de Bernanos, au début des Grands cimetières sous la lune : « Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus (...), de l’enfant que je fus et qui est à présent pour moi comme un aïeul. » Les gens qui sont les fils de leurs œuvres, comme moi, qui doivent se faire à eux-mêmes le récit de l’origine qu’ils se sont donnée, qui ne peuvent pas se permettre de perdre le fil, même rêvé, même trafiqué, de leur vie, ces gens-là ressentent de façon très « à vif » l’imposture des désillusionnés professionnels26.

Les catégories et frontières communément utilisées pour classer les œuvres (par nationalités, sujets, thèmes, genres, etc.) paraissent insuffisantes pour définir et situer le cinéma de José Luis Guerin qui se retrouve souvent dans la case surpeuplée des « inclassables », une catégorie évasive et obscure qui rassemble seulement ce que les autres excluent. Cette difficulté à classer le cinéaste et son œuvre est le corollaire de la liberté dont il fait preuve. La filmographie du cinéaste ne suit aucun modèle et ne se laisse pas facilement modeler.

Il faut montrer qu’il n’y a pas de modèle, il n’y a que du modelage. […] Moi effectivement j’ai réussi à survivre parce qu’on

Il faut montrer qu’il n’y a pas de modèle, il n’y a que du modelage. […] Moi effectivement j’ai réussi à survivre parce qu’on