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Retour sur la condamnation du 7 mars 1277 *

Au cours des années 1990, un grand nombre de travaux ont été consacrés aux condamnations doctrinales prononcées par l’évêque de Paris, Étienne Tempier, le 7 mars 12771. Ce regain d’intérêt pour un document qui occupait depuis longtemps une place marquante dans l’histoire intellectuelle du Moyen Âge latin2 a culminé dans son édition critique et sa traduction proposées par David Piché3. L’interprétation du document lui-même est toujours dominée par la recherche des sources effectuée par Roland Hissette et publiée en 19774. De cette enquête, en grande partie infructueuse, Alain de Libera, a tiré une suggestion puissante en présentant la condamnation comme un acte créateur des erreurs qu’elle dénonçait :

« le symptôme une fois décrit, la maladie exista vraiment et se fit contagieuse »5. L’impact de la condamnation a en effet été considérable dans les derniers siècles du Moyen Âge, en faisant paradoxalement exister les erreurs dont elle interdisait l’enseignement. Cette insistance sur l’aspect créateur de la censure s’accompagne d’une appréciation négative de la radicalité philosophique avant 1277. Les travaux précieux de René-Antoine Gauthier ont contribué à minimiser l’originalité et

* Cet article développe les résultats d’une séance de séminaire de novembre 2002. Depuis cette date, j’ai eu l’occasion de préciser mes hypothèses en discutant avec Andrea Robiglio, Dragos Calma, Emanuele Coccia, Luca Bianchi, Jean-Patrice Boudet, Olivier Boulnois et Max Lejbowicz, que je remercie de leur concours, en les priant de m’excuser de ma lenteur.

1 Les principaux travaux sont ceux de Kurt Flasch, Auflklärung im Mittelalter? Die Verurteilung von 1277. Das Dokument des Bischofs von Paris, Mainz, 1989 ; Luca Bianchi, Il vescovo e i filosofi. La condanna parigina del 1277 e l’evoluzione de l’aristotelismo scolastico, Bergamo, 1990 ; Alain de Libera, Penser au Moyen Age, Paris, Seuil, 1991 ; J.M.M.H. Thijssen, Censure and Heresy at the University of Paris, 1200-1400, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1998 ; Luca Bianchi, Censure et liberté intellectuelle à l’Université de Paris (XIIIe-XIVe siècles), Paris, Les Belles Lettres, 1999.

2 Pierre Duhem, Études sur Léonard de Vinci, Paris, Hermann, t. 2, 1913, p. 411-412, a donné à la condamnation un relief considérable. Catherine König-Pralong, Avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne. L’essence et la matière : entre Thomas d’Aquin et Guillaume d’Ockham, Paris, Vrin, 2005, p. 16-24, offre un excellent panorama critique des interprétations données à la condamnation depuis un siècle.

3 David Piché, La condamnation parisienne de 1277, nouvelle édition du texte latin, traduction, introduction et commentaire, avec la collaboration de Claude Lafleur, Paris, Vrin, 1999.

4 Roland Hissette, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, Louvain, Publications Universitaires-Paris, Vander-Oyez, 1977.

5 Alain de Libera, Penser au Moyen Age, p. 179.

QUESTIONS SCOLASTIQUES

l’audace intellectuelle de Siger de Brabant, en soulignant notamment sa dépendance à l’égard de Thomas d’Aquin6. Toutefois, comme l’ont montré plusieurs lectures attentives, ces reprises littérales ne s’analysent pas comme de simples plagiats mais plutôt comme des détournements polémiques7. Plus généralement, les travaux les plus récents sur la question tendent à montrer que le dernier mot n’a pas encore été dit sur l’averroïsme latin au XIIIe siècle. Des textes importants de Siger de Brabant et d’autres maîtres ès arts demeurent inédits8 ; certains écrits anonymes pourraient être attribués à Siger ou Boèce de Dacie, ce qui modifierait ainsi sensiblement l’appréciation d’ensemble de leurs œuvres9. Il faut en outre rappeler la quantité des textes perdus. Ainsi, le cours de Siger sur le De anima (ca. 1265) qui semble avoir déclenché les premières polémiques des théologiens n’est transmis que par un manuscrit unique contenant les seules leçons sur le troisième livre, alors qu’il est très probable que ce cours avait porté sur l’ensemble du traité d’Aristote. Cette transmission lacunaire impose de mieux prendre en compte les réactions qu’a suscitées l’activité des maîtres ès arts. La convergence des critiques formulées par les franciscains, à partir du milieu des années 1260, conduit ainsi à réévaluer la consistance de ces courants philosophiques10. L’évêque de Paris n’aurait pas été confronté à un ennemi imaginaire, mais à une tendance répandue parmi les jeunes étudiants et enseignants de la faculté des arts.

Des progrès récents ont également eu lieu dans la compréhension des procédures qui se sont enchaînées durant l’hiver et le printemps 1277, notamment grâce aux travaux de Luca Bianchi et à la thèse récente de Dragos Calma11. Après une convocation de Siger de Brabant devant l’inquisiteur de France, le 23 novembre 1276, le pape Jean XXI demanda des informations complémentaires à l’évêque de Paris par une lettre du 18 janvier 1277 ; ce dernier n’avait sans doute pas attendu de recevoir ce courrier, dont l’envoi a dû prendre un bon mois, avant de mettre en chantier le document publié le 7 mars. Une nouvelle lettre du pape, datant du 28 avril 1277 et rédigée après réception du syllabus, réclamait des

6 René-Antoine Gauthier, « Notes sur Siger de Brabant », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 67, 1983, p. 201-232 et 68, 1984, p. 3-49.

7 Ruedi Imbach, « Le traité de l’eucharistie de Thomas d’Aquin et les averroïstes », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 77, 1993, p. 175-194 Dragos Calma, « Siger de Brabant et Thomas d’Aquin : note sur l’histoire d'un plagiat », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 50, 2003, p. 118-135 ; Alain Boureau, « Le remploi scolastique », dans Pierre Toubert, Pierre Moret éds., Remploi, citation, plagiat. Conduites et pratiques médiévales (Xe-XIIe siècle), Madrid, Casa de Velázquez, 2009.

8 Dragos Calma, Emanuele Coccia, « Un commentaire inédit de Siger de Brabant sur la Physique d’Aristote (MS. Paris, BnF, lat. 16297) », Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen-Âge, 73, 2006, p. 283-349 ; Dragos Calma, « Une question inédite de Siger de Brabant copiée par Pierre de Limoges (BnF, ms. lat. 16407, f. 227va–vb) », Przegląd Tomistyczny, 12, 2006, 141-174.

9 Parmi les trois Trois commentaires anonymes sur le Traité de l’âme, Louvain-Paris, 1971, le texte édité par Fernand Van Steenberghen doit certainement revenir à Boèce de Dacie, tandis que l’anonyme publié par Maurice Giele est peut-être Siger de Brabant lui-même, comme je l’ai suggéré dans « Olivi et les averroïstes », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 53-1, 2006, p. 251-309.

10 Jeremiah Hackett, « Roger Bacon and the Parisian Condemnations », Vivarium, 35-2, 1997, 283-314 ; Sylvain Piron, « Olivi et les averroïstes ».

11 Dragos Calma, Citations, vérités, miracles. Étude sur la présence d’Averroès dans l’œuvre de Dietrich de Freiberg, thèse de doctorat, Université Paris IV, 2008, p. 32-61.

LE PLAN DE LÉVÊQUE

poursuites individuelles à l’encontre des auteurs ou sectateurs des erreurs condamnées en mars12. Elle permet de saisir, par différence, le statut du document émis par Étienne Tempier, censure anonyme qui vise dans son ensemble la collectivité des maîtres ès arts en interdisant, sous peine d’excommunication, d’enseigner ou même de présenter aux étudiants une longue série d’énoncés13. Les minutieuses recherches de Robert Wielockx ont mis en lumière le sens des procédures individuelles menées durant ce même mois de mars, avec succès contre Gilles de Rome et infructueuse contre Thomas d’Aquin14. En revanche, les informations sont toujours aussi parcellaires sur la préparation effective de la censure du 7 mars15. Les quelques témoignages donnés incidemment par des acteurs ou témoins des événements (Gilles de Rome, Henri de Gand ou Godefroid de Fontaines), relevés par des lecteurs attentifs dès le XVe siècle16, laissent entendre que le légat pontifical, Simon de Brion, futur pape Martin IV, y joua un rôle important. Le chancelier de l’université, Jean des Alleux, cité deux fois dans la lettre-préface de l’évêque comme co-responsable de l’application de la censure, a certainement été associé à sa préparation. Ranulphe de la Houblonnière, qui succéda à Tempier à l’évêché de Paris en 1280, était déjà présent lors de la convocation d’Henri de Gand par le légat alors qu’il n’était encore que chanoine de Notre-Dame et maître en théologie. De même, il est probable que l’inquisiteur de France, Laurent du Val, ait fait partie des « personnes éminentes et considérables » mentionnées au début de la lettre, sur le rapport desquels la censure a été lancée.

Toutefois, le rôle central tenu par l’évêque dans l’ensemble de la procédure semble difficilement contestable. L’allusion de Gilles de Rome à « l’entêtement de certains » qui auraient maintenu des articles contre l’avis des maîtres doit viser l’un ou l’autre, voire l’ensemble de ces personnages. Comme le signale Jean de Pouilly, seize maîtres en théologie furent convoqués pour agir comme « assessores » de l’évêque17. Ces maîtres, dont le conseil est mentionné dans la préface, n’ont peut-être pas fait autre chose que donner leur approbation à une liste préparée hors de leur contrôle. Dans un certain nombre de cas, lorsqu’un énoncé est suivi d’une explication du sens selon lequel il y a erreur, il est possible que de telles précisions reflètent une discussion entre les membres de la commission18.

12 Lettre publiée par André Callebaut, « Jean Peckham, O.F.M. et l’augustinisme. Aperçus historiques (1263-1285) », Archivum Franciscanum Historicum, 18, 1925, p. 459-460.

13 L’hypothèse défendue par Malcolm De Mowbray, « 1277 and all that – students and disputations », Traditio, 57, 2002, p. 218-238, qui interprète le mot studentes au sens de

« students » et non pas de « scholars », a été efficacement réfutée par Luca Bianchi, « Students, Masters and Heterodox Doctrines at the Parisian Faculty of Arts in the 1270’s », Recherches de théologie et philosophie médiévales, 76, 2009, p. 75-109.

14 Voir en dernier lieu Robert Wielockx, « Procédures contre Gilles de Rome et Thomas d’Aquin », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 83, 1999, p. 293-313.

15 Ludwig Hödl, « Die Diskussion des Johannes de Polliaco über die Lehrentscheidung der Pariser Theologen von 1285/86 ‘Non est malitia in voluntate’ », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 66, 1999, pp. 245-297, voir p. 285-286

16 Ces trois témoignages étaient déjà connus et invoqués à la fin du XVe siècle par Capreolus et Jean Pic de la Mirandole, cf. Bianchi, Censure et liberté, p. 222.

17 Robert Wielockx, « Autour du procès de Thomas d’Aquin », in A. Zimmermann (ed.), Thomas von Aquin. Werk und Wirkung im Licht neuerer Forschungen, Berlin, De Gruyter (Miscellanea Mediaevalia, 19), 1988, p. 434-435.

18 Il s’agit des articles 18, 21, 53, 68, 122, 124, 130, 134, 147, 149, 164, 178, 190, 194, 204, 207, 209, 210, 211, 213, 217, 219.

QUESTIONS SCOLASTIQUES

En l’absence de documents externes, une voie qui n’a pas encore été suffisamment exploitée pour étudier la genèse de cet acte de censure passe par la critique interne du document. L’un des mérites de l’édition de David Piché est de permettre aux historiens de lire à nouveau le texte de la condamnation dans sa forme originelle, et non plus, comme l’habitude s’en était prise depuis près d’un siècle, selon la mise en ordre thématique qu’en avait proposée Pierre Mandonnet à l’occasion du premier examen d’ensemble de ce dossier. L’éminent historien dominicain se proposait d’offrir de la sorte « une répartition méthodique [...] qui sera utile à ceux qui cherchent des informations doctrinales dans ce chaos de propositions »19. Roland Hissette n’a pas rompu avec ce classement dans son enquête, en arguant du « désordre surprenant » dans lequel se succèderaient les 219 thèses20. L’avis est presque unanimement partagé par les chercheurs. Luca Bianchi parle ainsi d’une « accozzaglia caotica di tese eterogenee e incoerenti »21. Il est vrai que les articles ont été rapidement reclassés, dès avant la fin du XIIIe siècle, notamment dans la Collectio errorum in Anglia et Parisius condamnatorum22, et ont largement circulé sous cette forme. Cette réorganisation pragmatique n’interdit pourtant pas de s’interroger sur la disposition originelle des articles et de chercher à en comprendre les éventuels principes organisateurs. Comme la plupart des historiens et philosophes qui se sont penchés sur le document, David Piché accepte le terme de « désordre ». Il le mitige toutefois par l’adjectif « apparent », sans pour autant fournir d’indications sur ce que serait la structuration interne cachée du syllabus23.

L’un des aspects de la lecture par Alain de Libéra, qui n’a guère été suivi sur ce point, visait à faire apparaître dans les articles condamnés « un système complet, cohérent » et par là même « rationnel », en appliquant principalement ce programme à un ensemble d’articles au sein desquels apparaissent, espacées, six thèses concernant la sexualité24. De façon plus générale mais moins approfondie, la même piste avait déjà été indiquée par Josef Koch. Deux ans après avoir publié une synthèse de ses travaux sur les censures médiévales dans le recueil de Mélanges offerts à Pierre Mandonnet25, à l’occasion d’une recension des recherches de Martin Grabmann sur les sources du syllabus, l’historien allemand reprocha au

19 Pierre Mandonnet, Siger de Brabant et l’averroïsme latin au XIIIe siècle, Louvain, Institut supérieur de philosophie (Les Philosophes Belges, 6-7), 2 vols., 1908-1911, t. 1, p. v. Voir p. 175-191, pour la réorganisation thématique des articles.

20 Roland Hissette, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, Louvain, Publications Universitaires – Paris, Vander-Oyez, 1977, p. 8.

21 L. Bianchi, Il vescovo, p. 18 : « Gli articoli si sussegivano con un’ impressionante casualità ... si può addiritura ipotizzare che i censori non abbiano nemmeno tentato di dare un’unità al Sillabo, eliminandone il disordine, le ripetizioni e le incongruenze ».

22 L. Bianchi, Censure et liberté, p. 215-217. Une autre mise en forme, classant les articles par mots-clés, à été repérée par R. Hissette, « Une ‘Tabula super articulis Parisiensibus’ », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 52, 1985, p. 171-181.

23 D. Piché, La condamnation, p. 21, note 2, ou p. 152 : « un ensemble disparate de thèses qui furent réunies apparemment sans aucun critère d’ordre ».

24 Penser au Moyen Age, p. 178 pour la citation, et p. 181-245 pour l’examen du « système du sexe » couvrant les articles 166-183. Je me démarque en revanche de l’interprétation de ces articles, présentés comme un « piège » tendu par l’évêque à l’ascétisme des philosophes.

25 Josef Koch, « Philosophische und theologische Irrtumlisten von 1270-1329. Ein Beitrag zur Entwicklung der theologischen Zensuren », dans Mélanges Mandonnet, 1930, t. 2, p. 305-329, repris in Id., Kleine Schriften, Rome, Storia e Letteratura, 1973, t. 2, p. 423-450.

LE PLAN DE LÉVÊQUE

même Mandonnet d’avoir rendu un mauvais service aux historiens en reclassant les articles condamnés. Il signalait la présence de quelques ensembles thématiques témoignant que le désordre n’était pas si total qu’on le disait et suggérait que cette organisation pouvait tenir aux sources des articles condamnés26.

Pierre Mandonnet a conservé un exemplaire de son propre ouvrage qu’il a annoté pendant plus de vingt ans au fil de ses lectures, insérant de nombreux ajouts, corrections et autres annotations27. Cet exemplaire, conservé comme les autres livres du savant dominicain à la bibliothèque du Saulchoir, peut être considéré comme le témoin manuscrit d’une véritable troisième édition de son Siger de Brabant. Sur ce point précis, Mandonnet enregistre la critique de Koch mais maintient pourtant son choix de reclasser les articles en se justifiant de la sorte :

« J’ai rendu service à ceux qui veulent voir l’ensemble des doctrines condamnées.

C’est le point de vue historique et c’est le mien. Quant à ceux qui ont besoin de la liste dans son état primitif, ils la trouvent dans le Chartularium, qui est encore plus abordable que mon ouvrage »28. Cette conception du « point de vue historique » revient en fait à accorder une priorité à l’interprétation doctrinale sur la critique textuelle. On comprend volontiers qu’une analyse philosophique de ces thèses ait conduit à les classer selon l’ordre des raisons. En revanche, un examen historique complet doit raisonner à partir du document lui-même, afin de chercher à mettre en lumière, de l’intérieur, le programme intellectuel de l’évêque de Paris. En ce sens, la suggestion de Joch Koch offre une piste pour comprendre ce qu’a voulu faire Étienne Tempier.

Une lecture cursive des articles, tels qu’ils se présentent dans le document émis par l’évêque de Paris, permet en effet de relever certains enchaînements d’articles dotés d’une indéniable unité thématique. C’est le cas, par exemple, pour les substances séparées (art. 69-86) ou les thèses concernant l’unicité et la séparation de l’intellect (117-127). D’autres ensembles émergent plus ou moins nettement, mais ils paraissent dotés d’une unité thématique moins forte et semblent souvent contaminés par des articles hors sujet. Pour procéder avec méthode, dans un premier temps, ces incohérences apparentes ne doivent pas entraver la recherche. Il faut d’abord tenter d’éprouver les vertus heuristiques de l’hypothèse avant d’en dénoncer les éventuelles insuffisances.

Ce n’est évidemment pas à l’aune de nos critères de cohérence intellectuelle que l’on doit chercher à identifier un éventuel ordonnancement thématique des articles, mais en fonction des catégories qu’auraient pu employer les censeurs eux-mêmes.

26 Josef Koch, « Neuerscheinungen und Forschungen auf dem Gebiete der Philosophie und Theologie des Mittelalters », Historisches Jahrbuch, 52, 1932, p. 211, à propos de M. Grabmann, Der lateinische Averroismus des 13. Jahrhunderts und seine Stellung zur christlischen Weltanschauung, München, 1931 : « Ürbrigens hat Mandonnet durch seine gutgemeinte systematische Anordnung der Artikel der Forschung einen schlechten Dienst erwiesen; man kommt natürlich nur weiter, wenn man von der ursprünglichen Ordnung ausgeht, wie sie Denifle im Chartularium bietet. Man sieht ja bei dem Studium der Liste sehr bald, dass gewisse Gruppen veon Artikeln zusammengehören, z. B. 1-6, 7-19, 42-64 usw. Da sich nun dieselben oder ähnliche Thesen in manchen Gruppen wiederholen, so ist die Hypothese erlaubt, dass die einzelnen Gruppen aus einem bestimmten Werke (Kommentar, Quaestionensammlung, usw.) entnommen sind. Ist diese Annahme richtig, so müssen sich die Thesen an dem vermuteten Fundort in derselben Reihenfolge nachweisen lassen, in der sie in der Liste stehen ».

27 Les deux volumes sont à présent conservés à la Bibliothèque du Saulchoir à Paris, sous la cote Res. Mod. B 81 (1 et 2).

28 Siger de Brabant, t.1, p. v.

QUESTIONS SCOLASTIQUES

Pour cela, il n’est pas inutile de prendre en considération l’aspect matériel de la préparation d’une longue liste. Le modèle de la Collectio errorum peut donner une indication importante : les 219 thèses prohibées y sont rangées sous quelques grandes rubriques. L’évêque et ses assistants auraient eux-mêmes pu procéder de la sorte, en disposant les articles en une série de chapitres. Aucun témoin manuscrit ne témoigne d’une telle rubrication du syllabus. Le plus ancien témoin, qui est sans doute le plus proche de la forme que revêtait le document, a été copié à la cathédrale Notre-Dame, à la suite d’un exemplaire du premier livre du Scriptum de Thomas d’Aquin sur les Sentences de Pierre Lombard ; des notes marginales à la mine de plomb, malheureusement illisibles, donnaient peut-être des indications sur les rapports entre le syllabus et l’enseignement du maître dominicain29. Dans ce manuscrit, les 219 articles s’enchaînent sans être séparés par des intertitres et il est probable que le rouleau attaché à la lettre authentique émise par Étienne Tempier n’en contenait pas davantage. L’hypothèse d’un classement des articles par grandes rubriques, lors d’une phase préparatoire de la censure, correspond pourtant assez bien à l’impression qui ressort au premier abord du document. On y devine un vague plan d’ensemble à l’intérieur duquel règne un certain degré de désordre.

Cette forme pourrait s’expliquer par le recueil progressif des articles sous quelques chapeaux ; certains auraient pu être mal classés dès le départ, d’autres articles ou blocs d’articles auraient pu être déplacés dans un second temps, lors de la copie des documents préparatoires vers la version définitive. Il ne s’agit donc pas de plaider, contre l’évidence, en faveur d’une parfaite organisation du syllabus, mais seulement de se souligner l’existence d’une architecture d’ensemble qui subsiste imparfaitement dans la forme finalement adoptée. C’est en fonction d’une telle structure globale que l’on pourra éprouver la pertinence, aux yeux des auteurs de la condamnation, de certains rapprochements qui peuvent sembler incongrus au lecteur moderne, ou au contraire juger accidentel l’enchevêtrement de questions sans rapports. Mais ce jugement sur la cohérence du document ne peut venir que dans un second temps.

En menant donc à son terme l’hypothèse d’un plan sous-jacent au syllabus du 7 mars 1277, on peut faire apparaître une structuration thématique qui ne vaut toutefois que pour 159 des 219 articles (art. 25-183). Le plan d’ensemble qui émerge de la sorte correspond d’autant plus vraisemblablement au dessein des concepteurs de la censure qu’on peut lui reconnaître une logique interne. Selon un mouvement présent dans la plupart des mises en ordre de questions quodlibétiques,

En menant donc à son terme l’hypothèse d’un plan sous-jacent au syllabus du 7 mars 1277, on peut faire apparaître une structuration thématique qui ne vaut toutefois que pour 159 des 219 articles (art. 25-183). Le plan d’ensemble qui émerge de la sorte correspond d’autant plus vraisemblablement au dessein des concepteurs de la censure qu’on peut lui reconnaître une logique interne. Selon un mouvement présent dans la plupart des mises en ordre de questions quodlibétiques,