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Les retards de croissance

Apports de l’imagerie dans les troubles de la croissance

1. Les retards de croissance

Les retards de croissance sont beaucoup plus fréquents que les gigantismes. Ils posent deux problèmes : celui de l'étiologie d'une part et de l'indication d'un traitement d'autre part. En effet, la disponibilité actuelle de l'hormone de croissance humaine biosynthétique a modifié l'attitude médicale et il faut actuellement bien savoir poser l'indication de ces traitements fort coûteux et non totalement dénués de risque (tableau 1).

Retard de cause endocrinienne Insuffisance hypophysaire Insuffisance thyroïdienne Hypercortisolisme

Hypoparathroïdisme Retard lié aux anomalies

chromosomiques

Déletion complète ou partielle d'un chromosome X (syndrome de Turner) Monosomie et trisomie des autosomes Retard lié aux maladies

constitutionnelles du squelette

Retard secondaire Maladie viscérale chronique, maladie métabolique Carence affective (nanisme psychosocial)

Retard de croissance dit "essentiel"

Tableau 1 : principales étiologies des retards de croissance à début post natal

1.1. Diagnostic d'un retard statural

de référence. Les normes les plus fréquemment utilisées en France sont celles de Sempé. Il existe une insuffisance staturale lorsque la taille est comprise entre - 2 et - 4 DS par rapport aux normes ; il s'agit d'un nanisme lorsque la taille se situe au-delà de - 4 DS. L'âge statural représente l'âge d'un enfant identique de taille normale. Il est mis en rapport avec le degré de maturation osseuse et le stade de développement pubertaire.

La vitesse de croissance est évaluée dans un délai d'au moins un semestre, puis elle est comparée aux courbes de référence établies pour l'âge en fonction de l'âge civil (courbe de Sempé) ou en fonction de l'âge osseux (courbe de Tanner).

L'analyse des antécédents familiaux et des données cliniques est fondamentale : taille des ascendants et des collatéraux de l'enfant, antécédents obstétricaux (taille, poids, périmètre crânien, terme de naissance, circonstances de l'accouchement). L'examen clinique recherche en particulier une pathologie rénale, cardiaque ou respiratoire ou des signes orientant vers une malnutrition. Il est aussi important de noter l'existence d'une dysmorphie, de malformations, d'un déficit neurologique et de connaître l'environnement socio-économique et affectif de l'enfant.

Il est très important de déterminer si le retard a été constant depuis la petite enfance ou s'il existe au contraire un fléchissement ou une cassure de la courbe de croissance, ce qui constitue un argument en faveur d'une insuffisance endocrinienne. En pratique, entre 0 et -2DS, le risque d'insuffisance endocrinienne est faible si la courbe de croissance a été régulière et si les tailles familiales sont du même ordre ; au contraire, au-delà de -3DS, le risque devient très important, surtout si les tailles familiales sont élevées et l'enquête étiologique doit être poussée.

Les dosages hormonaux sont systématiques :

- le déficit en GH est défini par une réponse < à 10 ng/ml au cours de 2 épreuves de stimulation standard. Le déficit est "complet" lorsque la réponse < à 5 ng/ml ; il est partiel lorsque l'une ou les deux des réponses se situe entre 5 et 10 ng/ml.

- les autres déficits anté-hypophysaires sont quantifiés par les dosages hormonaux de base et les tests de stimulation. La prolactine et la sécrétion post hypophysaire (hormone anti-diurétique) sont systématiquement évaluées.

La détermination de l'âge osseux est fondamentale.

La méthode la plus couramment pratiquée est la radiographie de la main et du poignet gauche, que l'on compare à celle de l'atlas de référence de Greulich et Pyle. Cette méthode subjective comporte beaucoup d'imperfections et le profil

évolutif de l'âge osseux chez un enfant est plus important que la valeur absolue de l'âge osseux à un moment donné. En cas de dissociation entre la maturation du carpe et la maturation des épiphyses des doigts, il faut surtout retenir celle des doigts. Il existe d'autres méthodes d'évaluation de l'âge osseux : méthode de Lefebvre et Koifman, sur un hémisquelette utilisée surtout avant un an, méthode de Nahum et Sauvegrain au niveau du coude, après 8 ans ; après la puberté, l'index de Risser au niveau du bassin. Lorsque le test de Risser est à 5, la croissance est terminée.

Ainsi, un âge osseux inférieur à l'âge civil est de meilleur pronostic qu'un âge osseux correspondant à l'âge civil, puisqu'il témoigne d'un potentiel de croissance préservé.

Un âge osseux inférieur à l'âge statural indique aussi une meilleure chance de rattrapage. Le meilleur pronostic de croissance est donc observé dans le cas o l'âge osseux est inférieur à l'âge statural lui-même inférieur à l'âge chronologique.

1.2. Place de l'imagerie dans le diagnostic étiologique d'un retard de

croissance

1.2.1. L'exploration neuroradiologique

Elle est particulièrement justifiée en cas de déficit complet en hormone de croissance, surtout si le retard statural est d'apparition récente avec cassure de la courbe de croissance. Dans ce cas, l'arrière pensée est celle d'une tumeur cérébrale, en particulier le crâniopharyngiome. Lorsqu'il n'y a pas de cassure nette, il faut plutôt rechercher une malformation cérébrale. L'IRM est la technique la plus sensible, mais lorsque cet examen est d'accès difficile, le scanner permet très facilement de détecter un processus expansif. L'IRM doit comporter des coupes sagittales et coronales fines, centrées sur la région hypothalamo-hypophysaire en séquence pondérée en T1, complétée par une séquence pondérée en T2 et/ou par une injection de Gadolinium en fonction de la pathologie. Le scanner doit comporter des coupes sans, puis après injection d'iode. L'ensemble de l'encéphale doit être examiné.

• les hypopituitarismes acquis par tumeur, surtout par

- Le crâniopharyngiome est une tumeur bénigne développée aux dépens des reliquats épithéliaux de la poche de Rathke. Il s'agit d'une tumeur fréquente représentant la moitié des tumeurs sus tentorielles de l'enfant.

avec un pic entre 13 et 15 ans. Outre la cassure de la courbe de croissance, les signes révélateurs peuvent être des troubles visuels secondaires à une compression des voies optiques, un diabète insipide, plus rarement des troubles neurologiques dans le cadre d'une hypertension intracrânienne. Un crâniopharyngiome ne s'accompagne jamais d'une puberté précoce. Si elles sont pratiquées, les radiographies standard montrent une selle turcique élargie et érodée, avec des calcifications anormales intra ou supra sellaires dans environ la moitié des cas. L'imagerie (scanner et surtout IRM) met en évidence les 3 composantes caractéristiques du crâniopharyngiome : calcique, charnue et kystique. Ainsi, l'aspect est assez caractéristique : 90 % des crâniopharyngiomes présentent des calcifications bien visibles au scanner sous la forme d'anneaux périphériques ou de "mottes" intra-tumorales. La composante kystique est très fréquente (90 % des cas). Elle s'accompagne en général d'une prise de contraste pariétale. La composante solide tumorale est également le siège d'une prise de contraste. Les calcifications peuvent être difficiles à visualiser en IRM (zone vide de signal quelles que soit les séquences). En IRM, la partie kystique peut présenter un niveau liquide liquide. Son signal varie en fonction de la composante chimique de la partie kystique mais l'aspect hyperintense en T1 est fréquent et évocateur.

L'IRM permet au mieux le bilan d'extension, notamment par rapport aux sinus caverneux latéralement, au chiasma et au 3ème ventricule en haut, aux pédoncules cérébraux en arrière. Les indications de l'artériographie sont maintenant exceptionnelles dans cette pathologie. Le traitement des crâniopharyngiomes est chirurgical et la voie d'abord (haute ou trans- sphénoïdale) est fonction de l'extension tumorale.

Enfin, certains crâniopharyngiomes peuvent être de très petite taille, en situation intra-sellaire, à distance du chiasma. Ces formes peuvent être purement kystiques ou purement charnues, sans calcification, ce qui rend leur diagnostic difficile d'une part et qui pose le problème du diagnostic différentiel avec des adénomes à prolactine. Les adŽnomes ˆ prolactine sont rares en pathologie pédiatrique, mais ils se traduisent aussi par une cassure de la courbe de croissance en période pré-pubertaire. Dans ces cas, les dosages hormonaux permettent le diagnostic étiologique. Le traitement de ces formes particulières de crâniopharyngiomes est plus discuté : chirurgie par voie trans-sphénoïdale ou abstention thérapeutique et traitement substitutif par GH.

- Les autres tumeurs sont beaucoup plus rares :

- le kyste de la poche de Rathke dont certains considèrent qu'il s'agit d'une forme particulière de crâniopharyngiome.

- les gliomes hypothalamiques, qui ont rarement une composante kystique. Contrairement au crâniopharyngiome, ils peuvent

s'accompagner d'une puberté précoce.

- les germinomes sont plus volontiers révélés par une puberté précoce et un diabète insipide que par une cassure de la courbe de croissance.

• Les malformations cérébrales

Il peut s'agir d'anomalies de la ligne médiane : agénésie septale (dysplasie septo-optique), agénésie calleuse, ou autre malformation (hypoplasie des bandelettes olfactives dans le cadre d'un syndrome de De Morsier).

A ces anomalies de la ligne médiane, peuvent s'ajouter d'autres anomalies de la région hypothalamo-hypophysaire qui ont été récemment bien étudiées :

- aplasie ou hypoplasie hypophysaire (hauteur hypophysaire < -2DS selon les normes de référence)

- interruption ou absence totale de la tige pituitaire

- absence ou situation ectopique de la post hypophyse : dans ce cas, l'hypersignal de la post hypophyse n'est pas en situation intra-sellaire, mais il est situé au niveau de l'éminence médiane, à proximité de la région hypothalamique.

La découverte de telles anomalies de la tige pituitaire ou de la post hypophyse est un bon argument en faveur du caractère congénital de l'hypopituitarisme. Ceci a une grande valeur chez le petit enfant o l'étude des dosages hormonaux peut être d'interprétation difficile. L'étiologie de ces malformations n'est pas élucidée : il peut s'agir d'un accident anoxo-ischémique périnatal, d'une anomalie malformative, ou peut-être de l'association de ces 2 facteurs. Enfin, la présence d'une interruption de la tige pituitaire paraît être un bon marqueur de la sévérité de l'atteinte endocrinienne et la grande majorité de ces enfants a un déficit endocrinien multiple. L'existence d'une post hypophyse ectopique n'est pas correlée à la présence d'un diabète insipide.

Enfin, l'IRM peut être strictement normale chez des enfants atteints d'hypopituitarisme.

1.2.2. Retard de croissance et maladie osseuse constitutionnelle (MOC)

En dehors des nanismes reconnus à la naissance, certaines maladies osseuses constitutionnelles peuvent être responsables d'une petite taille découverte dans l'enfance. Certaines surviennent dans un contexte familial évocateur, mais d'autres peuvent correspondre à des mutations "de novo". Leur diagnostic est très important d'une part pour l'indication d'un traitement qui est très discuté dans ce contexte, d'autre part pour un éventuel conseil génétique. Il n'existe pas dans ces cas de cassure vraie de la courbe de croissance. L'âge osseux est variable, normal ou parfois diminué dans certaines dysplasies épiphysaires

(tableau 2).

- Dyschondrostéose - Dysplasie métaphysaire

- Dysplasie spondylo-épiphyso ou métaphysaire - Dysplasie spondylo-épiphyso-métaphysaire - Hypochondroplasie

- Syndrome de Turner

Tableau 2 : MOC les plus fréquentes diagnostiquées par un retard de croissance

L'analyse des os "cibles" atteints dans ces MOC permet de ne plus pratiquer un bilan squelettique complet d'emblée, limitant ainsi l'irradiation de ces enfants. Ainsi, nous pratiquons comme "débrouillage" outre l'âge osseux, un cliché de rachis lombaire de face et de profil, un cliché de bassin de face et un cliché de genou de face. En effet, les anomalies épiphyso-métaphysaires sont facilement détectées sur la main et le poignet, les genoux, zones o les métaphyses sont les plus fertiles (malformation de Madelung). L'orientation anormale de l'extrémité inférieure de la métaphyse radiale doit faire rechercher une dyschondrostéose. Une brachy-métacarpie du 4ème ou du 5ème rayon doit faire évoquer un syndrome de Turner, une hypoparathyroïdie ou une pseudo- hypoparathyroïdie. La radiographie du bassin permet d'apprécier les épiphyses fémorales, l'aspect de la symphyse pubienne, une fermeture des échancrures sciatiques, une coxa vara ou une coxa valga, plus rarement des cornes iliaques. La radiographie du rachis lombaire renseigne sur la morphologie des vertèbres et sur la distance inter-pédiculaire de face, qui est diminuée dans l'hypochondroplasie.

De plus, ces clichés permettent d'apprécier la minéralisation osseuse (rachis lombaire de profil, métacarpiens).

Des clichés complémentaires ne sont effectués qu'après l'analyse de ce bilan, si une anomalie est suspectée.