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Dans le chapitre 4, les méthodes de restauration séquentielles sont exposées relativement brièvement. Dans ce chapitre, j’ai souhaité les expliquer et les discuter plus précisément. J’expose ici quelques méthodes supplémentaires qui ont été utilisées lors de la

construction de la restauration séquentielle ainsi que les tentatives d’intégrer d’autres

paramètres physiques.

IV.1. Thermochronologie BT

La déformation ne peut pas être considérée comme un proxy du soulèvement seul [Schilgen et al., 2007]. Il faut étudier la déformation et la surrection indépendamment et les confronter à la fin [Schilgen et al., 2007]. Je souhaite ici insister sur l’indépendance des méthodes géométriques et thermochronologiques. En effet, si l’élaboration des coupes

équilibrées permet de contraindre le plus précisément possible la structure profonde de la chaîne de montagne, la thermochronologie BT est sensible aux phénomènes de surface. La

68 reconstitution cinématique du prisme orogénique (chapitre 4) en intégrant toutes les données, a été un véritable challenge. Dans le but de construire une reconstitution cinématique, toutes les données géologiques et géomorphologiques sont d’abord prises en compte, puis les données thermochronologiques vont permettre de proposer un âge à chaque état restauré. Le terme calibration dans « restaurations calibrées par la thermochronologie », est un abus de langage. La thermochronologie enregistre le temps depuis lequel un échantillon s’est refroidi

sous une certaine température. C’est-à-dire que la déformation doit permettre d’amener les échantillons à une profondeur sous la surface topographique telle que le thermochronomètre se déclenche. Il a donc fallu proposer des hypothèses fortes sur la thermicité du sous-sol et sur

l’évolution de la topographie.

IV.1.1. Paléo relief (chapitre 4)

En introduction de ce manuscrit (chapitre 1), le manque de données sur le nord des Andes Centrales a été souligné. Nous n’avons que peu ou pas de contrôle sur le remplissage et

l’incision des vallées, contrairement à Fillon et van der Beek, [2012] pour les Pyrénées par exemple. Ainsi, un certain nombre d’hypothèses ont dû être faites pour calibrer les modèles.

L’évolution stratigraphique des bassins d’avant-pays a été primordiale pour évaluer la paléo-topographie des derniers 30 Ma. Les hypothèses ont donc principalement porté sur les pentes

des profils en long des rivières reliées à l’environnement de dépôts dans les bassins d’avant -pays. Depuis le Miocène supérieur, par exemple, le profil en long du rio Marañón (chapitre 4)

a été considéré à l’équilibre topographique [Willet et Brandon, 2002].

IV.1.2. Gradient géothermique (chapitre 4)

J’ai considéré le gradient géothermique actuel (donné par les températures du puits

Ponasillo) constant pour contraindre la profondeur de refroidissement des

thermochronomètres. Les modélisations Genex réalisées par les équipes de Perupetro S.A. [Wine et al., 2002] à partir des données du puit Ponasillo (chapitre 4), donnent un gradient géothermique actuel de 20.1°C.km-1 et une température moyenne de surface de 23°C.

L’équation supposée linéaire et invariante dans le temps devient = × ∇ + , avec TS la température de surface moyenne actuelle en °C et ∇ le gradient géothermique en °C.km-1 . Cette équation donne une température de fermeture du système AFT, située à 4300 m de profondeur. La profondeur de fermeture du système AHe devient 2300 m. Les données

69 prenant en compte l’incertitude sur leurs valeurs, des taux de chauffe variant de 1 à 4°C.km-1

et aucune incertitude sur le gradient géothermique (chapitre 4).

Si la croissance des Andes influence fortement le climat en termes de précipitations (aridification de la côte et humidification de l’Amazonie), la température de cette ceinture

climatique équatoriale depuis que le continent est à cette latitude n’a pas dû trop évoluer [p.e., Elhers et Poulsen, 2009]. Ainsi sans données supplémentaires, j’ai considéré la température de surface moyenne TS constante pour la conversion des TC en profondeur, et de ±5°C dans les modélisations HeFty. Concernant le gradient géothermique, il a été mesuré dans le puits Ponasillo qui est au centre du bassin Huallaga [Wine et al., 2002]. Les restaurations

séquentielles montrent que cette position est relativement centrale dans le bassin d’avant-pays qui se développe depuis au moins 35 Ma [Hermoza et al., 2005 ; Roddaz et al., 2010]. Or en

l’absence de plutonisme dans la région, j’ai supposé que ce bassin n’avait subi aucune

modification majeure de son régime thermique. De surcroit la valeur de ∇ =20.1°C.km-1 , est

une valeur typique de bassin d’avant-pays [p.e., Husson et Moretti, 2002].

IV.2. Conservation de la matière et flexure de la lithosphère

IV.2.1. Conservation du raccourcissement

La construction des coupes équilibrées permet de proposer une structure crustale qui répond au principe de conservation du raccourcissement. En effet, considérant que le raccourcissement de couverture est alimenté par celui de la croûte, au moyen de chevauchements branchés sur le Moho, il doit être équivalent pour la tectonique de surface (thin-skinned) et pour celle de croûte (thick-skinned). C’est en restaurant le raccourcissement de couverture que la position des rampes crustales est déterminée. Ainsi ce principe impose une contrainte supplémentaire lors de la construction des états restaurés. La table (Table II.2), non- intégrée à l’article du chapitre 4, représente la contribution au raccourcissement par faille nommée. Cette table est également un outil de contrôle pour vérifier que le raccourcissement

imposé sur un chevauchement à une étape, n’est pas retiré à l’étape d’après. Par ailleurs, la méthode des coupes équilibrées impose une conservation de la matière en 2 dimensions, sans fluage et sans mouvements latéraux de matières. Tout matériel qui dépasse la surface topographique supposée à chaque stade d’évolution est soumis à l’érosion et « disparait ». Cette contrainte impose une valeur de raccourcissement supplémentaire sur les

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plis d’échelle crustale vont considérablement épaissir la croûte et impliquer une compensation

isostatique et de la flexure.

Table II.2. Distribution du raccourcissement (±0.1 km si sismique, ±0.5 km sinon) cumulé à

chaque période de la restauration séquentielle d’ouest en est par faille du prisme orogénique oriental (Figure IV.9, chapitre 4). Failles numérotées pour la déformation de couverture (thin-skinned) et nommées (lettre) pour la déformation de croûte (thick-(thin-skinned). La valeur

négative fait référence à de l’extension sur une faille héritée du système de rift (chapitre 4).

W E 30-24 Ma shortening 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Thin-skinned 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S Thick-skinned 1.5 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0.5 0 0 0 0 0 0 0 0 2 17 Ma shortening 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Thin-skinned 2 18 0 0 0 14 8.5 6.5 0 0 49 A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S Thick-skinned 1.5 1.5 0 -1 0 0 45 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 49 8 Ma shortening 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Thin-skinned 2 22 0 1.5 0 30.5 13 44 0 0 113 A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S Thick-skinned 1.5 1.5 0 -1 0 0.5 107.5 0 0 0 1.5 1.5 0 0 0 0 0 0 0 113 Present-day shortening 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Thin-skinned 2 27 0.5 2.5 6.5 35 14 50 1.5 3 142 A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S Thick-skinned 2.5 1.5 0 -1 0 0.5 110 3.5 5 3.5 3 8 3 0.2 0.3 1 0.2 0.4 0.4 142

IV.2.2. Flexure de la lithosphère

Les coupes restaurées de cette étude (chapitre 4), représentent la propagation du prisme orogénique et l’évolution du bassin d’avant-pays associé. Les restaurations séquentielles qui utilisent la thermochronologie et/ou les données de vitrinite sont généralement faites sur des plus petites distances, à l’échelle du bassin d’avant-pays [p.e., Espurt et al., 2011 ; Hardebol et al., 2009], isolées dans la chaîne [p.e., Sanchez et al., 2012]

ou même à l’échelle de la chaîne [p.e., McQuarrie et al., 2008], mais en considérant les décollements de socle rigides et immobiles dans le temps. La coupe des Pyrénées centrales [Muñoz, 1992] a été restaurée à différentes époques avec des contraintes géométriques et une évolution de la flexure [Beaumont et al., 2000] mais sans intégrer de données

71 thermochronologiques. Récemment Erdos et al., [2014] ont montrés que cette dernière répondait bien aux données thermochronologiques.

L’originalité de la restauration séquentielle de cette thèse réside dans le fait de prendre

en compte l’évolution de la flexure à chaque stade de propagation de la déformation (chapitre 4). La conservation de la matière en 2D impose de compenser l’épaississement crustal à

chaque stade par de la flexure (chapitre 4). Une quantification de la valeur de l’épaisseur

élastique (Te) a été tentée en prenant en compte la forme du Moho à chaque stade de

déformation. La forme du Moho devait répondre à l’influence de la charge tectonique. En considérant un modèle statique à chaque stade de déformation, un module de 2DMOVETM permet de faire des tests avec différentes Te. Le problème majeur rencontré a été que Te devait changer latéralement le long de la coupe et au cours du temps. La flexure a finalement

servi d’ajustement pour répondre à la fois aux données (discordances progressives dans le bassin, thermochronologie) et à l’épaississement crustal, de manière passive. La longueur

d’onde de la flexure du bassin d’avant-pays a par contre été respectée (chapitre 4), faisant

ainsi l’hypothèse que la Te n’évoluait pas dans le temps pour la partie orientale. La conséquence lors de la construction des états intermédiaires, est la déformation, notamment la rotation, des chevauchements de socle (voir chapitre 6).