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La technique des coupes équilibrées permet d’obtenir des contraintes précises sur le

raccourcissement de la croûte terrestre [p.e., Dahlstrom, 1969]. L’objectif, outre de

déterminer la structure géométrique de la chaîne, est de trouver la quantité de

raccourcissement horizontal minimal qu’a subi la croûte, et au mieux, la lithosphère.

II.1. Modes de déformation et de restauration

Même si historiquement, un certain nombre de concepts avaient été énoncés avant [Willis, 1893 ; Chamberlin, 1910 ; review dans Wiltschko et Groshong, 2012], les principes de construction des coupes équilibrées ont été pour la première fois discutés par Dahlstrom en [1969] puis résumés par Hossack, [1979]. La méthode des coupes équilibrées répond au

principe de conservation de la matière et permet de contraindre la validité d’une coupe

géologique. Les types de plis observés dans les systèmes compressifs ont été décrits et quantifiés dans les années 1980 [Boyer et Elliott, 1982 ; Davis et al., 1983 ; Suppe, 1983 ; Mitra, 1990]. La nomenclature de McClay, [1992] a été utilisée pour la description structurale des coupes. Les deux types de plis rencontrés majoritairement sur le terrain sont les plis sur rampes de chevauchements (Figure II.4) [Suppe, 1983], et les plis par propagation de faille (Figure II.13) [Mitra, 1990]. Une combinaison de ces deux derniers, avec des empilements, des niveaux de décollements multiples et des configurations tridimensionnelles complexes, répondent à quasiment tous les problèmes structuraux. Pour la construction des coupes, les cinq modes de déformation ont été utilisés (Figure II.14). Ceux-ci ont été choisis selon le style tectonique de la zone (chapitres 4 et 5). Sur 700 kilomètres de cordillères, tous ont été rencontrés ! Classiquement, pour les domaines de bassins sédimentaires déformés en compression (chapitres 4 et 5), la méthode de restauration utilisée est le flexural slip [p.e., Espurt et al., 2011] (Figure II.14).

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Figure II.13. Pli par propagation de faille [Mitra, 1990]. Une faille (en rouge) se propage sur

un niveau de décollement (toit du 2e banc en partant du bas), puis à travers les séries jusqu’à

la « Tip line » (ligne en 3D), déformant les strates au toit de celle-ci et laissant les strates au mur (« Footwall ») non-déformées.

Figure II.14. Méthode du flexural slip sous 2DMoveTM. (A), Pour l’équilibrage d’un pli

anticlinal, le lit (bed) le plus long est classiquement choisi comme cible (Template) qui va être

mis à l’horizontal, les autres lits sont passifs. (B), Une Pin line est dessinée, sur laquelle aucun

point ne va bouger durant le dépliage. A chaque rupture de pente du lit, des bissectrices sont tracées, par rapport auxquelles les autres bancs peuvent être construits de manière isopaques.

(C), état restauré par rapport au lit violet. La topographie en bleue est également restaurée de

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Figure II.15. Concepts basiques de géologie structurale pour la construction et l’équilibrage

des coupes. D’après Moretti et Callot, [2012]. A - Approche géométrique des modes de déformation : A1-Flexural-slip, dans lequel les longueurs (L-Hi=L’-Hi, LHj=L’-Hj), les surfaces (S=S’) et les épaisseurs des bancs (hi=h’i, hj=h’j) sont conservées. A2-Simple shear (cisaillement simple) seules les distances (di=d’i) sont conservées dans le sens de

cisaillement. Ni les longueurs, ni les épaisseurs des bancs ne le sont sinon. A3-Ductil flow

(conservation de l’aire globale) l’intégralité du banc est mis à l’horizontale et les aires sont conservées. A4-Rigid rotation (rotation rigide) les longueurs, les épaisseurs et les aires sont conservées. B - Méthodes d’aire en excès pour la détermination de la profondeur des niveaux de décollements : B1-La surface du relief en excès est égale à S, surface valant le raccourcissement par la profondeur du décollement. B2-Approche par horizons distincts. Considérant que le banc est isopaque (Di), le raccourcissement S est déduit de la différence entre la longueur (HI) et la largeur (Hi). La profondeur du décollement (Di) est la surface anticlinale (SI) divisée par le raccourcissement (S).

Lorsqu’il s’agit de restaurer des coussins de sel qui intrudent les bancs, la méthode du ductile flow est utilisée [Moretti et Callot, 2012 ; Rowan et Ratliff, 2012]. La méthode du simple shear a été employée pour restaurer les failles listriques des bordures de bassin extensif repris en compression, combinée à de la rotation et du flexural slip pour corriger la flexure (chapitre 4). Les blocs situés sur la bordure orientale du bassin du Marañón (chapitre 4) ont été équilibrés par la méthode de rotation rigide (Figure II.15). Finalement pour contrôler la

65 profondeur des niveaux de décollement dans la zone Subandine (chapitre 4), la méthode de surface en excès a été utilisée.

II.2. Base de données pour la construction des coupes

II.2.1. Cartographie

Pour la construction des coupes, un gros travail de numérisation des cartes géologiques a été réalisé. Au début du travail de thèse, les cartes au 100 000e de l’Instituto Geologico Minero y Metalurgico (Ingemmet, au Pérou) n’était pas numérisées. Le traçage des

contours a donc été fait à l’aide d’une mosaïque de cartes, des travaux de terrain et des

Modèles Numériques de Terrain (MNT) sous l’interface cartographique de 2DMoveTM. A présent, la plupart des cartes péruviennes sont numérisées et disponibles en ligne [www.ingemmet.gob.pe]. Les données de pendages sous forme graphique sur les cartes, ont été digitalisées une à une (Annexe H pour la méthode).

II.2.2. Interprétation sismique et données de puits

Les profils de sismique réflexion des bassins subandins nous ont été fournis migrés en temps par l’agence péruvienne pour l’évaluation des hydrocarbures Perupetro S.A.

L’interprétation sismique a donc été traitée de manière classique. Un line drawing a d’abord été réalisé. Il s’agit de dessiner tous les réflecteurs visibles, de repérer les failles et les motifs répétitifs de successions de réflecteurs. Les profils sont ensuite migrés en profondeur utilisant le module « Convert to depth use polygons » du logiciel 2D MoveTM. Cet algorithme est basé sur des lois de vitesses multicouches. Il s’agit globalement d’attribuer à chaque polygone une vitesse d’onde sonore, reliée à la densité du matériel qu’elle traverse. Les densités ainsi que les épaisseurs sont fournies dans les données de puits. Il faut ensuite vérifier la compatibilité des données de pendage récoltées en surface ainsi que les épaisseurs des séries repérées dans les puits et ajuster les densités si besoin.

II.2.3. Intégration de données de Géophysique

Les coupes équilibrées sont particulièrement bien adaptées aux systèmes compressifs à

l’échelle de la couverture sédimentaire (chapitres 4 et 5). Pour la construction d’une coupe

équilibrée d’échelle crustale (chapitre 4), puis lithosphérique (chapitre 6), la nécessité intégrer des données géophysiques s’impose.

66 La profondeur de la discontinuité de Mohorovičić, (profondeur du Moho) a été déterminée à partir de la génération de cartes fournie par le Bureau Gravimétrique International. Le BGI a réalisé une carte de la profondeur du Moho sous les Andes et jusqu’à

la fosse de subduction [Balmino et al., 2012 ; International Gravimetric Bureau, 2012]. Pour

une profondeur moyenne sous l’Amazonie de 35 km et s’épaississant vers le craton brésilien, le Moho atteint sous la Cordillère Orientale, une profondeur de 48 km. Au minimum, vers la côte (sous Trujillo), celle-ci ne dépasse pas une profondeur de 25 km. Ces épaisseurs sont intégrées sous forme de données d’entrée pour la construction de la coupe équilibrée. Par

ailleurs pour guider la position de certaines failles, j’ai projeté les séismes dans une bande de

25 km autour du tracé de coupe. Ceci permet aussi de voir les domaines actifs actuellement. Plus de précisions seront apportées dans le chapitre 4 de ce manuscrit.

II.3. Datation de la déformation

Comme écrit par Oreskes et al., [1994] concernant les modèles numériques appliqués aux sciences naturalistes, et repris par Erdos et al., [2014] sur le potentiel de la thermochronologie pour valider une restauration séquentielle : « […] confirming observations

do not demonstrate the veracity of a model hypothesis, they only support its probability ». Ainsi, la construction des états restaurés de la coupe équilibrée au cours du Cénozoïque (chapitre 4) est basée à la fois sur les données thermochronologiques et sur les contraintes géométriques, géologiques et géomorphologiques. Ces données utilisées pour calibrer la déformation sont détaillées ci-dessous.

II.3.1. Relations cross-cutting

Dans la zone Subandine notamment, les relations de recoupement (cross-cutting, p.e., Echavarria et al., [2003]) des structures permettent de dater la séquence d’activation des

chevauchements (chapitre 4). Le fait qu’une unité d’âge stratigraphique donné soit recoupée

par une structure chevauchante indique que l’activité du chevauchement postdate l’âge

stratigraphique.

II.3.2. Discordances progressives

Les discordances progressives (Growth strata, Medwedeff, [1989]) s’observent lorsque que l’accumulation sédimentaire accompagne la déformation. A l’échelle d’un pli, si les

67 chapitres 3, 4 et 5). A plus grande longueur d’onde, elles peuvent accompagner la propagation de la flexure dans un bassin sédimentaire [p.e., Sinclair et Naylor, 2012]. Dans cette étude,

c’est l’interprétation qui est donnée aux discordances progressives visibles en sismique dans le synclinal de Biabo (chapitre 4).

II.3.3. Discordances

Les discordances angulaires progressives et érosives locales sont celles directement

reliées à la croissance des structures. Une surface d’érosion étendue doit être interprétée dans

un contexte plus global. Dans cette étude certaines sont liées à des phénomènes extensifs, à une période de soulèvement généralisé ou encore à des phénomènes transgressifs et régressifs reliés ou non à la tectonique (chapitre 3).

II.3.4. Provenance

L’incorporation de matériel remanié (galets, minéraux, tufs, …) dans une unité

sédimentaire donne une datation relative des strates entre elles. Différents exemples seront présentés dans cette étude (chapitres 3, 4 et 5).