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I. THERMOCHRONOLOGIE BASSE – TEMPERATURE

I.3. Les traces de fission sur apatite

I.3.1. Calcul de l’âge

Dans le système traces de fission sur apatite (AFT), c’est la désintégration des noyaux

d’uranium 238 (éléments père 238U) qui provoque une perturbation ionique du réseau cristallin laissant une trace de fission (élément fils FT) [p.e., Green et al., 1989]. Au-dessus d’une

température d’environ 110°C [p.e., Gallagher et al., 1998 ; Donelick et al., 2005], les traces se résorbent rapidement ; entre 110 et 60°C, elles cicatrisent lentement puis sous 60°C, elles

44 sont figées dans le réseau [Green et al., 1989]. Cette gamme de température, dépendante de la vitesse de refroidissement [p.e., Hurford et Green, 1982 ; Donelick et al., 2005], s’appelle la

zone de recuit partiel ou « Partial Annealing Zone » (PAZ).

Les âges traces de fission sur apatite ont été comptés par la méthode du détecteur externe [Hurford et Green, 1983] et calculés par la méthode du « grain individuel » avec une

valeur de ξ personnel de 312.75±19.94, obtenue après le comptage de 15 standards [Hurford, 1990 ; Hurford et Green, 1983]. Les résultats de ces comptages sont présents en annexe (Annexe D). La méthode du détecteur externe (Figure II.5) est la suivante : les grains

d’apatites sont répartis sur une lame de verre et collés à l’aide d’une résine d’epoxyde, puis polis pour laisser une surface du minéral à nu. Cette surface est attaquée (« etched ») à l’acide

nitrique (5 mol.l-1 pendant 20 s) pour élargir les traces (« spontaneous tracks ») et les rendre visibles au microscope. La concentration d’atomes d’Uranium non désintégrés de la surface

(les éléments pères), va être déterminée en appliquant sur la surface du minéral un détecteur externe (feuillet de mica) qui va imprimer les traces induites (« induced tracks ») par la

désintégration des atomes d’Uranium 235 après irradiation, de l’ensemble lames d’apatites –

mica (« sandwich »), à travers un flux de neutrons produit dans un réacteur nucléaire [Green et Hurford, 1984]. Pour ce travail, les échantillons ont été envoyés au Müchen Garching nuclear reactor, en Allemagne. Le mica est lui attaqué à l’acide fluoridrique pour révéler les

traces. Finalement à l’aide d’un microscope (Olympus BX61) sous un grossissement x1250, associé à un tube à dessin, une platine motorisée et une tablette digital, les traces de fission peuvent être mesurées et dénombrées. Le rapport du nombre de traces spontanées (Ns) de

l’apatite sur le nombre de traces induites (Ni) du mica est déterminé en comptant les traces une à une avec un compteur à main. Les longueurs des traces de fission vont renseigner sur la

vitesse de refroidissement d’un échantillon et sur son histoire d’enfouissement. Les traces de

fission produites dans les apatites par désintégrations des noyaux d’uranium 238 vont être

conservées quand le minéral est sous une température de fermeture de 60°C, partiellement cicatrisées dans la PAZ. La mesure de la répartition des longueurs des traces de fission, dans

l’axe cristallographique c, [Donelick et al., 1999] s’avère donc être un paramètre thermique

essentiel d’un échantillon [p.e., Barbarand et al., 2003b ; Donelick et al., 2005]. La composition chimique des apatites influe sur la température de fermeture du système AFT [Carlson et al., 1999 ; Barbarand et al., 2003a ; Ketcham, 2005]. Dans le but de mettre en évidence si des anomalies en chlore pouvaient influencer le système thermochronométrique,

45 résultats sont présentés en Annexe D. Dans la mesure du possible, pour chaque grain compté, la composition en chlore (pourcentage en poids de la concentration en chlore, [Cl] wt%) est déterminée en utilisant une microsonde CAMECA SX50 avec une automation SAMx. Les conditions opératoires sont : un voltage accéléré de 15 kV, un faisceau de courant de 10nA et 40nA pour le F et le Cl, et une surface analysée de 3x3 µm2. Pour calibrer les analyses, les concentrations des éléments suivants (entre parenthèses) ont été déterminées sur les minéraux standards suivants : apatite de Durango (F), Tugtupite (Cl), Wollastonite (Ca), Pyrophanite (Mn), Hématite (Fe), Graftonite (P), Célestine (Sr) et Synthetic CePO4 (Ce).

Figure II.5. Illustration de la méthode du détecteur externe, voir texte pour explications.

46 Le comptage manuel permet de définir le rapport Ns/Ni ou en densité s/i donnant

l’âge d’un grain individuel selon la formule suivante :

� = � �� +� �� � �� �

[Price et Walker, 1963] et [Naeser, 1967] Où d, σ, I et f sont constants ;

d : Constante de désintégration de l’Uranium = 1,551.10-10 an-1

σ : Section (cross section) de capture des neutron thermiques = 580,2.10-24 cm2

Φ : Fluence neutronique en n.cm2

I : Rapport d’abondance isotopique 235U/238U = 7,2527.10-3

f : Constante de désintégration de l’238U (pour les traces de fission) g : Rapport de section 4π/2π=1/2 dû à la méthode du détecteur externe

s : Densité de traces spontanées

i : Densité de traces induites 235U sur le mica « détecteur »

La calibration ξ (zêta) a été mise en place [Hurford et Green, 1983] dans le but de

s’affranchir des erreurs sur la valeur de f, sur la valeur de Φ selon l’irradiation dans les réacteurs nucléaires, ainsi que selon chaque opérateur. L’opérateur doit compter, avant ses propres échantillons, une dizaine d’échantillons volcaniques. Ces échantillons dits « standards » sont considérés insensibles à l’altération et, ayant refroidi rapidement, sont datés

par d’autres thermochronomètres [Hurford, 1990]. Avec un âge de tstd, le facteur ξ s’exprime ainsi :

� =

� (

�� )

et l’équation générale devient alors

� =

�� +

� � �

Le comptage de chaque grain individuel (traces spontanées dans l’apatite et induites dans le mica) donne un âge pour chaque grain d’un échantillon qu’il s’agit ensuite de traiter

statistiquement pour obtenir l’âge global de l’échantillon. Les représentations « radial plot » [Galbraith, 1988] de tous les échantillons avec les compositions en chlore des apatites sont

47 présentées en Annexe D. Les âges centraux calculés suivant les processus statistiques de Galbraith et Laslett, [1993] ainsi que la représentation graphique a été générée par

l’application RadialPlotter [Vermeesch, 2009].

I.3.2. Représentation sous forme de “radial plot”

La représentation radial plot (Figure II.6), proposée pour la première fois par Galbraith, [1988 ; Galbraith et Green, 1990], est une représentation graphique permettant de

faire apparaitre un ou plusieurs âges d’une population d’âges individuels et leurs incertitudes associées. L’âge central calculé constitue l’origine de l’axe des ordonnées. Chaque âge est

ensuite reporté sur une droite d’origine (x=0;y=0) et dirigé vers la valeur de l’âge sur l’axe

circulaire. Selon sa précision, le point est situé plus (forte incertitude) ou moins (faible

incertitude) proche de l’origine. Les valeurs d’âges minimum et maximum de l’axe circulaire

dépendent de la dispersion des âges de chaque grain. Si 95% des âges individuels sont dans la

gamme d’incertitude ±2(ordonnées), alors l’âge central est validé (voir paragraphe suivant : sur les incertitudes de datation).

Figure II.6. Illustration d'une représentation radiale montrant deux hypothétiques points

d'âges différents (52.5 et 38 Ma dans le cas) et leur incertitudes associées. D’après Galbraith et al., [1999].

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I.3.3. Sur les incertitudes de datation

Pour chacun des échantillons comptés, l’incertitude est déterminée statistiquement en

fonction du nombre de grains comptés (influence sur la dispersion : « Var ») et du nombre de traces comptées (influence sur le « »). La variable qui détermine finalement la validité d’un

âge est le test du χ2 [Galbraith, 1981 ; Green, 1981 ; Brandon, 1992]. Ce test compare la variance observée de la population de grains et la variance du processus de décroissance

radioactive seul. Le P(χ2) retourne donc la probabilité que la différence de variation ne soit due qu’au hasard. Concrètement, si la valeur de P(χ2) est supérieure à 5%, l’âge central

calculé est validé ; si P(χ2)<5% l’échantillon a une histoire thermique plus complexe qu’un

refroidissement simple. L’âge communément utilisé si le test de concordance est validé est le « pooled age ». Celui-ci considère le rapport de la somme de traces spontanées sur induites. Les âges centraux et « pooled » seront semblables quand la répartition est cohérente, je n’ai

donc considéré que les âges centraux. Le programme RadialPlotter [Vermeersch, 2009]

détermine automatiquement si plusieurs populations d’âges émanent de l’échantillon : combien et de quels âges [Galbraith et al., 1999]. C’est ce que j’ai fait pour les échantillons présentant un P(χ2)<5%. Si un échantillon ne satisfait pas au test du P(χ2), j’ai choisi de représenter l’âge de son peak (P1, P2, … Pi) le plus jeune donnant normalement la dernière

histoire d’exhumation.

I.3.4. Sur les algorithmes de calcul

Plusieurs programmes sont fréquemment utilisés pour calculer les âges traces de fission et pour représenter les « radial plots ». Je propose de rapidement décrire dans cette partie sur quels modèles mathématiques ils reposent et celui qui a été choisi.

L’algorithme de RadialPlotter [Vermeersch, 2009] utilise la méthode développée par Galbraith [Galbraith et Laslett, 1993], et améliorée par la suite [Galbraith et al., 1999], qui repose sur la statistique de l’école bayésienne [Bayes, 1763] utilisant les probabilités comme moyen de traduire numériquement un degré de connaissance : méthode dite du « maximum de vraisemblance ». Lorsque la répartition des âges individuels dans une population est

hétérogène, l’algorithme calcul un âge moyen géométrique. Il estime aussi un écart-type de la population, basée sur la probabilité que l’hétérogénéité ne soit due qu’au hasard. De surcroit cet algorithme détermine l’âge minimum d’une population («minimum age model» de Galbraith et al., [1999]). Il réalise une troncature séparant deux âges («peaks») autour desquels le test P(χ2) est respecté.

49 Brandon propose une méthode de décomposition de la distribution des âges traces de fission en considérant une superposition de distributions gaussiennes (« the gaussian peak-fitting method » de Brandon, [1992]). Son logiciel BinomFit est fréquemment utilisé pour calculer les différents âges d’une population. Cette méthode est efficace quand il s’agit de déterminer l’âge le plus ancien d’une population [Brandon, 1992]. Brandon, [1992] considère

que l’algorithme de Galbraith est plus « élégant » mais pose des problèmes lorsque la dispersion des âges est composée de plus de deux « peaks » d’âges. Les deux méthodes donnent des résultats similaires quand un échantillon est composé d’une ou de deux

populations. Par ailleurs, cette procédure fonctionne bien quand il s’agit d’analyses trace de

fission sur zircon mais moins pour les âges traces de fission sur apatite car le nombre de traces comptées est globalement moins important [Brandon, 1996].

Finalement, j’ai choisi d’utiliser RadialPlotter car (1) il effectue un nombre

d’itérations égal au nombre de grains comptés automatiquement pour le calcul de l’âge

central, (2) son utilisation est particulièrement pratique, (3) il permet de colorer les points selon un paramètre supplémentaire comme la concentration en chlore de chaque grain (Annexe D).

I.4. (U-Th)/He sur apatite

I.4.1. Introduction au système AHe

Le thermochronomètre (U-Th)/He sur apatite (AHe) est l’un des thermochronomètres de plus basse température de fermeture (~70°C) [Farley, 2002 ; Elhers et Farley, 2003]. Il permet de résoudre des problèmes géologiques associés à la partie supérieure de la croûte terrestre. Combiné avec les analyses traces de fission sur apatites (AFT), il permet d’imager l’histoire thermique des 3 premiers kms de croûte sous la surface. Dans le cas de cette étude, il a été utilisé pour contraindre l’histoire de l’exhumation en relation avec la déformation. Le

développement de cette méthode s’est fait au cours des années 1990 [Wolf et al., 1996 ; 1998 ; Farley et al., 1996 ; Warnock et al., 1997 ; Farley, 2000] et continue depuis sur des questions relatives à la cinétique de diffusion [Farley, 2002 ; Shuster et al., 2006 ; Flowers et al., 2009 ; Gautheron et al., 2009], à l’influence de la taille de grains [Reiners et Farley, 2001] ou aux conflits existant entre les deux méthodes thermochronologiques AHe et AFT [Green et al., 2006 ; Flowers et al., 2009 ; Gautheron et al., 2009].

50 Le laboratoire de Toulouse GET n’étant pas encore équipé de la ligne d’extraction de l’hélium nécessaire à l’obtention des âges, les échantillons ont été sélectionnés manuellement sous binoculaire puis emballés dans des paquets de platine avant d’être envoyés au laboratoire Caltech Noble Gas Lab (California Institute of Technology) qui réalise ces analyses en routine.

I.4.2. Physique de la méthode

Production

Les âges (U-Th)/He [Zeitler et al., 1987] sont gouvernés par la production, l’éjection et la rétention de particules alpha (noyaux d’hélium 4 gazeux : 4He) issus de la désintégration

des noyaux d’Uranium 235 238, de Thorium 232 et de leurs éléments fils . Dans un minéral, à un temps t, la concentration en hélium 4 produit est :

[ �] = [ ](� 8 − ) + . [ ](� 5 − ) + [ ℎ] �

Avec X les constantes de désintégration des éléments X considérés. La mesure des

concentrations de ces isotopes détermine le temps depuis lequel le minéral s’est refroidit sous

la température de fermeture du système considéré.

-Ejection

La désintégration nucléaire étant fortement énergétique, les noyaux d’hélium sont

éjectés à une distance appelée « -stopping distance » de l’ordre de 19 à 23 m [Farley et al., 1996]. Ainsi l’éjection d’un noyau d’hélium hors du minéral d’apatite peut se produire, modifiant la concentration volumique moyenne, tandis que l’implantation d’un noyau d’hélium venant d’un minéral voisin peut également se faire (Figure II.7). Le phénomène

d’éjection est quant à lui corrigé par une méthode quantitative développée par Farley et ses

collaborateurs en calculant un facteur de correction (FT de Farley et al., [1996]) dépendant de la taille des grains (Figure II.7).

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Figure II.7. Illustration schématique [Brichau, 2004, modifiée après Farley, 2002] des effets

d'éjection. La Figure du haut illustre les trois possibilités après désintégration d'un noyau père

(U) en noyaux d’hélium (He et sa sphère de probable localisation) : -rétention, -éjection,

-implantation. La Figure du bas illustre comment la concentration d’hélium (normalisée) peut varier le long d’une coupe AA’; l’équation exacte dépend de la forme du grain [Farley et al., 1996].

Sélection des grains

Les effets d’éjections en diminuant la concentration d’hélium vont avoir l’effet de

sous-estimer l’âge de refroidissement du minéral, des grains d’une largeur minimum de 60

m sont donc sélectionnés pour pouvoir appliquer la correction. De la même manière, une

trop forte concentration d’éléments radioactifs va biaiser la mesure. Par exemple un minéral

d’apatite contenant une inclusion de zircon, fortement concentré en Uranium, doit être exclu.

Ainsi des minéraux de taille correcte et ne présentant ni inclusion ni fracture sont sélectionnés

dans l’éthanol à l’aide d’une pince à épiler sous un microscope binoculaire polarisé avec un grossissement de x125 en utilisant la combinaison de lumière polarisée et transmise (méthode du « hand picking »). Chaque grain ou groupe de grains sélectionnés est placé dans des capsules de platine. Pour chaque échantillon au moins trois aliquotes sont réalisées. Chaque

52 aliquote de un ou plusieurs grains va être analysé et daté (Figure II.8). L’âge d’un échantillon

sera donné par la moyenne des âges de chaque aliquote [Farley, 2002]. De même que pour le système AFT, on parle de zone de rétention Partiel (PRZ) pour le système AHe. Elle est située entre 80 et 40°C [Farley, 2002].

I.4.3. Matériel utilisé

Figure II.8. Schéma de l’équipement utilisé pour les mesures AHe dans cette étude, extrait de

[Brichau, 2004]. Q = Quatrupole mass spectrometer, SAES = Gas cleaner, boîtes noires = volumes utilisés pour les expériences de diffusion. La Cryo-pompe (Cryo-pump) est utilisée pour piéger l’hélium, les pompes ioniques (ionic pump) et les pompes turbo (turbo-pump) sont utilisées pour nettoyer la ligne. L’3He est utilisé pour spiker l’échantillon et l’4He est utilisé uniquement comme standard pour connaître le rapport 3He/4He. Le laser (« Photon Machines diode laser ») chauffe l’échantillon deux fois (pour extraire puis ré-extraire le gaz) durant 5 minutes à 1050°C. Les grains sont extraits du système de dégazage pour être dissout

dans l’ HNO3, spikés avec du 230Th, 235U and 149Sm et analysés en solution par l’ICP-MS.

L’analyse contrôlée par ordinateur dure 15 min.

D iod e las e r

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