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Chapitre 5. Caractérisation rhéologique et chimique des systèmes ciment/superplastifiant

5.1. Rhéologie des systèmes ciment/superplastifiant

5.1.1. Étude de la consistance de pâtes de ciment

5.1.1.2. Restauration de la plasticité

Des essais ont été tentés pour restaurer la plasticité de pâtes de ciment superplastifiées présentant un fort raidissement. Deux méthodes ont été employées : l’addition différée du superplastifiant et l’augmentation du dosage en superplastifiant.

− Par addition différée :

Il a été démontré précédemment que la combinaison Ciment G + SP2 présentait un fort raidissement. L’influence du mode d’addition du superplastifiant sur cette anomalie rhéologique a été examinée. Le superplastifiant a été introduit dans le mélange après 30 secondes de malaxage. Il s’agit alors d’une addition différée du superplastifiant comparativement à une addition directe pour laquelle le superplastifiant est mélangé à l’eau de malaxage.

Les mesures d’enfoncement de l’essai Van Tousshenbroeck sont reportées dans le tableau 26 et leur interprétation quant au raidissement de la pâte se trouvent dans la figure 70.

Tableau 26 : Mesures d’enfoncement de la sonde de consistance dans la combinaison Ciment G + SP2 en fonction du mode d’addition du superplastifiant (E/C = 0,35 ; SP = 0,30%).

Enfoncement (mm) Temps (minutes)

Addition directe Addition différée

3 36 40 5 8 29 7 7 24 10 7 21 15 8 21

Très faible Faible Moyen Fort Très fort R aid is semen t 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20

Temps d'hydratation (min)

Enfoncement (mm)

Addition directe Addition différée

Cim. G, E/C = 0,35, SP2 = 0,30 %

Figure 70 : Influence du mode d’addition du superplastifiant sur le raidissement de la pâte ciment G + SP2 au cours de l’essai Van Tousshenbroeck.

La façon selon laquelle le superplastifiant SP2 est introduit dans la pâte du ciment G a clairement un effet sur la tenue rhéologique de cette préparation. Le fort raidissement observé lors de l’addition directe du superplastifiant est réduit lors de l’addition différée. La pâte de ciment ne présente alors qu’un faible raidissement à 15 minutes d’hydratation.

Le superplastifiant SP2 n’est pas en mesure d’exercer son action fluidifiante lorsqu’il est incorporé à l’eau de malaxage. Par contre, s’il est introduit après le début de l’hydratation, son pouvoir défloculant opère correctement. Des interactions avec les toutes premières réactions de l’hydratation sont par conséquent à mettre en cause pour l’apparition du fort raidissement dans le cas de l’addition directe.

Une explication peut être proposée à nouveau en se basant sur l’adsorption compétitive des polymères organiques et des ions sulfate à la surface du C3A. Lors de l’addition directe du superplastifiant à l’eau de gâchage, les polymères et les ions SO4 2-s’adsorbent sur le C3A. Du fait de la présence des polymères, peu d’ions SO42- ont la possibilité de s’adsorber et beaucoup restent en solution. La concentration critique de précipitation du gypse secondaire est atteinte et la pâte perd sa plasticité. Par contre, lors de l’addition différée, les ions SO42- peuvent occuper la totalité des sites d’adsorption présents à la surface du C3A avant que le superplastifiant ne soit ajouté au mélange réactionnel. Les ions sulfate sont donc consommés au début de l’hydratation pour former de l’ettringite, laquelle n’altère pas les propriétés rhéologiques de la pâte. Les superplastifiants ajoutés s’adsorbent à la surface de cet hydrate, ce qui a également un effet positif sur la fluidité du mélange. Cependant, la quantité de C3A disponible est faible et une petite proportion de sulfates peut être convertie en gypse. Cela expliquerait le faible raidissement observé à quinze minutes d’hydratation lors de l’addition différée du superplastifiant.

− Par augmentation du dosage en superplastifiant :

La combinaison Ciment E + SP3 préparée selon les directives de l’essai Van Tousshenbroeck, soient un rapport E/C de 0,35 et un dosage en SP3 de 0,30%, conduit à un très fort raidissement. Une addition différée du superplastifiant a été essayée afin de vérifier un effet similaire à celui observé sur le précédent système Ciment G + SP2. Ce changement du mode d’addition du superplastifiant n’a pas empêché un raidissement du mélange d’une

très forte intensité à 15 minutes d’hydratation et les mesures d’enfoncement ne sont donc pas représentées.

Des essais utilisant un dosage croissant en superplastifiant SP3 ont donc été conduits dans le but de fournir suffisamment de polymères fluidifiants au mélange pour éliminer la perte de plasticité.

Les valeurs d’enfoncement de la sonde de consistance dans ces différentes formulations sont réunies dans le tableau 27 et représentées graphiquement figure 71.

Tableau 27 : Mesures d’enfoncement de la sonde de consistance dans la pâte Ciment E + SP3 pour des dosages croissants en superplastifiant (E/C = 0,35).

Enfoncement (mm) Temps (minutes) 0,3 % 0,6 % 0,9 % 3 40 39 40 5 11 39 40 7 2 36 40 10 0 35 40 15 0 2 37 Très faible Faible Moyen Fort Très fort Rai disseme nt

Figure 71 : Influence du dosage en superplastifiant sur le raidissement de la pâte Ciment E + SP3 au cours de l’essai Van Tousshenbroeck.

L’augmentation du dosage exerce un effet fluidifiant sur la pâte de ciment. Le dosage en superplastifiant SP3 de 0,60 % n’empêche pas l’apparition du très fort raidissement mais le retarde néanmoins. Celui-ci ne se manifeste qu’après 15 minutes alors qu’il est déjà présent à 7 minutes pour la pâte ne renfermant que 0,30 % de superplastifiant SP3. En présence de 0,90 % de superplastifiant, le raidissement disparaît complètement pendant la durée de l’essai. Le rapport E/C a été maintenu constant pour ces trois mélanges, c'est-à-dire que la quantité d’eau apportée par le superplastifiant a été prise en compte. L’effet fluidifiant peut donc être attribué assurément au superplastifiant.

La plasticité de ces mélanges n’est conservée qu’en présence d’un dosage conséquent en superplastifiant. Il est raisonnable de supposer que les molécules de polymère sont vite consommées dans la suspension de ciment considérée. En augmentant la concentration en

polymère organique, il reste alors suffisamment de superplastifiant dans la phase aqueuse capable de s’adsorber sur les particules de ciment lorsqu’une partie a déjà été éliminée. L’effet fluidifiant peut alors continuer à s’exercer.

De plus, il a été supposé précédemment que le superplastifiant SP3 présentait des chaînes secondaires plutôt courtes. Les résultats obtenus ici appuient cette hypothèse. Les molécules d’adjuvant sont recouvertes de produits d’hydratation et leur effet défloculant est neutralisé. Cependant, le dosage conséquent en superplastifiant nécessaire à l’élimination du raidissement laisse présumer que la production de produits d’hydratation est particulièrement intense dans cette suspension. La microstructure de la combinaison Ciment E + SP3 sera abordée dans le paragraphe 5.2.4.2 de ce chapitre.

Les raidissements observés dans les pâtes de ciment peuvent, le plus souvent, être éliminés par un traitement adéquat. Ici l’addition différée ou l’augmentation du dosage en superplastifiant ont permis d’atténuer les raidissements de pâtes de ciment. La façon dont la pâte de ciment réagit aux tentatives de restauration de la plasticité donne également des indices sur les phénomènes chimiques mis en jeu. Il est alors possible de supposer une adsorption compétitive ou un recouvrement des superplastifiants par les produits d’hydratation comme des causes de détérioration des propriétés rhéologiques.

À partir de simples essais de raidissement consistant en la mesure de l’enfoncement de la sonde de consistance, plusieurs renseignements peuvent être obtenus sur les pâtes de ciment superplastifiées. Ainsi, un raidissement peut être observé lors de la précipitation du gypse secondaire suite à un excès de sulfate dans la phase aqueuse. Dans ce cas, l’addition différée du superplastifiant peut limiter la perte de plasticité si, toutefois, l’excédent d’ions SO42- n’est pas trop important. D’autre part, l’adsorption compétitive des polymères organiques et des ions SO42- peut être observée. La fluidité d’une pâte de ciment à dosage réduit en CaSO4 peut être maintenue par un tel mécanisme. Enfin, des informations peuvent être tirées sur la longueur des chaînes secondaires des molécules de superplastifiant. Un polymère présentant de courtes chaînes secondaires voit son pouvoir dispersif se dissiper avant celui d’un polymère avec des chaînes secondaires plus longues. De la même façon, une étude de la plasticité de mortiers superplastifiés devraient apporter des renseignements sur les interactions ciment/superplastifiant.