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Restauration des systèmes adaptatifs fondamentaux

CHAPITRE 7 : DISCUSSION

7.3. Restauration des systèmes adaptatifs fondamentaux

Le fait de se focaliser sur les forces et les habiletés de l’enfant et d’éviter tout jugement, blâme et reproche à son endroit, contribue au renforcement, au soutien et à la restauration de ses systèmes adaptatifs fondamentaux, ce qui facilite son développement ainsi que la promotion de ses compétences et de sa résilience. Les bien-faits de cette présence empathique sont confirmés par les études en neuroscience (Doidge, 2007). En effet, la neuro-imagerie montre que le cerveau traite les mots de la même façon que les sensations physiques. Du point de vue de la neuroscience, il n’y a aucune différence entre une gifle et l’insulte pour ce qui est de la réaction du cerveau. Un mot peut déclencher une souffrance physique aussi sûrement qu’un coup (Frith,

2010). Le tuteur de résilience contribue à ce que l’enfant cesse progressivement de considérer son expérience de la maltraitance comme un état impossible à changer. Cela lui permet de reproblématiser sa situation et de favoriser l’activation du processus développemental qui caractérise l’enfance. Ces tuteurs entraînent l’enfant à délaisser progressivement l’intériorisation de la souffrance comme attribut central de leur vie, en leur faisant expérimenter des succès.

Dans le processus d’activation de la résilience, l’accent est mis sur l'importance du lien, car pour qu'un enfant ayant subi une expérience dévastatrice comme la maltraitance grave, puisse reprendre le cours évolutif de son existence, il faut une ou des mains tendues qui lui permettent de se réintégrer dans la société. Cela mobilise les qualités d'empathie du tuteur, mais aussi l'environnement du sujet. Ce lien lui permet de se réapproprier sa propre histoire, sa propre vie, grâce à la réutilisation interne des apports extérieurs, mobilisation rendue possible par la qualité des apports des tuteurs (Cyrulnik, 2000).

Le tuteur de résilience vise à établir des liens entre les forces et compétences de l’enfant avec les ressources formelles, comme le milieu scolaire ou communautaire, et informelles, comme le réseau familial et social, disponibles dans son environnement. Pour les enfants ayant des vulnérabilités biologiques, comme une réactivité très élevée au stress ou une intelligence inférieure à la moyenne, le soutien de l’environnement est extrêmement important

L’étape dans lequel le tuteur mobilise essentiellement les forces de l’enfant en les mettant en lien avec ses ressources internes et externes revêt une importance capitale. C’est par ces liens tissés entre les différents facteurs de résilience identifiés et les ressources présentes chez l’enfant et dans son environnement que se mettront en branle les processus d’activation pouvant mener à la résilience.

La résilience incite non seulement à considérer la personne, mais aussi son réseau de relations sociales, que ce soit sa famille, ses amis, ses voisins, ses camarades de classe ou ses collègues de travail (Saleebey, 2009; Vanistendael et Lecompte, 2000; Cyrulnik, 2000; Terrisse et al., 2001; Delage, 2004; Tousignant, 1999; Werner, 1993). Le tuteur doit donc arriver à identifier avec l’enfant les ressources formelles et informelles présentes dans son environnement qui lui sont significatives. Parfois, notamment dans le cas de maltraitance ou de négligence

familiale, la collaboration de la famille n'est pas toujours possible. Le soutien peut alors venir de l'extérieur de la famille (Cyrulnik, 1999), comme du milieu scolaire ou du milieu communautaire (Anaut, 2002; Cyrulnik, 2000; Delage, 2004; de Tychey, 2001; Garmezy, 1991; Guedeney, 2000; Luthar, 2000; Manciaux, 2001; Rutter, 1999; Werner, 1993). Aussi, comme le rapporte Gilligan (2008), certaines personnes vont parfois jouer un rôle important tout au long de la vie de l'enfant, tandis que d'autres vont jouer un rôle ponctuel mais qui peut influencer toute une vie.

Enfin, selon Vanistendael et Lecompte (2000), l’idée d’une activation de la résilience vaut aussi pour le tuteur qui intervient auprès d'un enfant en difficulté et qui viendrait à considérer son intervention comme un échec. L'échec n'annule pas le sens, par exemple ce qui ne donne pas de résultats à court terme peut donner des résultats à long terme.

Le tuteur de résilience doit donc accompagner l’enfant dans le processus de résilience en adaptant son action à la personne. Le chemin vers la résilience se fait parfois en marchant, parfois au pas de course. Une relation thérapeutique empreinte d'un esprit de collaboration, de confiance ainsi que de la croyance dans la capacité des individus à identifier leurs besoins, leurs forces et leurs ressources est donc primordiale (Cyrulnik, 1999; Drapeau et al., 2004; Saleebey, 2009; Vanistendael et Lecompte 2000).

Notre apport original, soit le processus par lequel s’active la résilience présenté précédemment, représente le cœur de cette thèse. La connaissance du processus d’activation s’avère très utile dans le champ de la prévention, afin de promouvoir la résilience chez les enfants placés en familles d’accueil. Une évaluation complexe et complète des contextes de vie des enfants maltraités est donc un prérequis à l’intervention, ainsi qu’une compréhension du rôle de ces facteurs qui entrent en ligne de compte. Si ces facteurs sont connus de manière générale, il reste qu’ils ne s’appliquent pas nécessairement à tous les contextes de risque, ni à tous les enfants.

L’individu devra se distinguer sur au moins trois des cinq domaines pour être qualifié de résilient. La présence d’un lien significatif positif avec un ou des adultes représente un facteur important de résilience pour les jeunes hébergés en milieu substitut. Ce lien devrait être établi directement auprès d’un membre de la famille immédiate (mère, beau-père ou fratrie), sinon une

tante, un cousin, un entraîneur, un professeur ou un autre adulte avec qui le jeune a établi un lien de confiance, peut jouer un rôle clé pour soutenir et orienter les jeunes dans la résilience. La mère représente une source de soutien incontournable dans la vie de la plupart des jeunes qui ont participé à cette étude, et ce, malgré les contextes familiaux difficiles.