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1. Les Solanacées

1.2. Ressources génétiques Tomate, Aubergine, Piment et utilisation

Les collections de ressources génétiques patrimoniales, quelle que soit l’espèce agricole, sont composées de proportions variables, d’une collection à l’autre, des formes cultivées dans le monde, des formes sauvages, et des espèces apparentées qu’elles soient cultivées ou sauvages. Dans le cadre d’intérêts publics et privés, des collections de ressources génétiques patrimoniales des grandes espèces cultivées ont été créées depuis plus d’un siècle, dont la plus fameuse historiquement est celle constituée dans la première moitié du vingtième siècle par N.I. Vavilov. Depuis le début des années 1970 des collections internationales des grandes espèces agricoles ont été créées dans les centres internationaux de recherche agronomique

sous l’égide du Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR). L’International Board for Plant Genetic Resources -IBPGR-, créé en 1974, et renommé successivement International Plant Genetic Resources Institute -IPGRI- puis Bioversity international) fait partie des du dispositif du CGIAR et joue un rôle majeur pour initier ou favoriser la collecte de ressources génétiques dans de nombreux pays, qui se sont alors souvent dotés d’une banque de gènes nationale. En Europe (au sens géographique), l’IPGRI a constitué un programme collaboratif de gestion des ressources génétiques des plantes cultivées (The European Collaborative Programme for Plant Genetic Resources) qui fonctionne via plusieurs réseaux. Le réseau « légumes » comporte notamment un groupe de travail Solanacées, qui a notamment créé les bases de données européennes pour la tomate, l’aubergine et le piment, qui comportent à ce jour les données passeport de 21 000, 6 000 et 9 000 accessions de ces espèces (Daunay et al. 2011). En France, l’INRA (Montfavet, 84) entretient et exploite en recherche des collections de tomate, piment et aubergine comprenant chacune de l’ordre de 1500 introductions, et anime le réseau français des ressources génétiques de ces trois espèces, dont font partie une douzaine de sociétés de sélection, le GEVES (Groupe d’Etude et de Contrôle des Variétés et des Semences) et le CIRAD. Hors Europe, d’autres grandes collections de tomate, aubergine et piment existent, comme par exemple celle de l’USDA-ARS-GRIN à Griffin en Georgie (USA).

TOMATE

Les ressources génétiques naturelles de la tomate ont été abondamment exploitées pour l’amélioration variétale en particulier pour l’amélioration de sa résistance à de nombreux agents pathogènes, et plus récemment de ses qualités organoleptiques. Malgré une très grande diversité apparente de taille, forme, couleur des fruits, port des plantes, etc., la tomate cultivée présente une biodiversité génétique très faible à la fois du fait de son introduction récente en Europe et de l’inévitable effet fondation, et du fait de son autogamie. Les espèces sauvages ont été très utilisées dans les programmes de sélection pour améliorer les caractéristiques agronomiques de l’espèce cultivée. Ainsi tous les gènes de résistance aux maladies des cultivars actuels proviennent des espèces sauvages (Philouze and Laterrot 1992), qui se sont également révélées être une source de variabilité très intéressante pour l’adaptation aux stress ou l’amélioration de la qualité des fruits (Rick 1979), par exemple S. cheesmaniae et S.

chmeilewskii dont les fruits sont riches en matière sèche (Poysa 1993). Ainsi S. habrochaites

présente une résistance au froid S. cheesmaniae qu’on trouve en bord de mer dans les îles Galápagos possède une résistance au stress salin, S. chilense, grâce à un puissant système racinaire, et S. pennellii, grâce à son aptitude à retenir l’eau dans son feuillage, sont des géniteurs de résistance à la sécheresse (Philouze and Laterrot 1992).

Les croisements interspécifiques entre la tomate cultivée et les autres espèces sauvages sont réalisables assez facilement, sauf avec S. peruvianum [au sens large] et S. chilense qui nécessitent le recours à la culture d’embryons immatures (Philouze and Laterrot 1992).

AUBERGINE

L’aubergine et les espèces qui lui sont apparentées sont hermaphrodites et préférentiellement autogames. En milieu ouvert les fleurs sont visitées par des insectes vibreurs (bourdons, différents types d’abeilles) qui sont responsables d’un taux d’allogamie variable selon les conditions environnementales et la morphologie florale, les fleurs longistyles étant plus sujettes à l’allopollinisation que les fleurs peristyles (stigmate à la même hauteur que les pores de déhiscence des anthères). Les ressources génétiques apparentées sont nombreuses, puisque plus d’une centaine d’espèces de Solanum, la plupart sauvages, ont été répertoriées (Daunay et al. 1999). La compatibilité en croisement avec l’aubergine a été tentée pour environ la moitié d’entre elles, avec un taux de succès moyen de 30% (Daunay 2008) (

ANNEXE 2

). Leur usage en sélection est encore limité, du fait que les espèces les plus intéressantes, en particulier S. torvum et S. sisymbriifolium, résistantes à plusieurs agents pathogènes telluriques (Daunay, 2008) ne donnent pas de descendances fertiles quand on les hybrides avec S. melongena. S. aethiopicum est l’espèce qui a été utilisée avec succès en sélection, pour introduire la résistance au flétrissement bactérien via croisement sexué (Ano et al. 1991), et la résistance au Fusarium oxysporum f.sp. melongenae via l’hybridation somatique (Rizza et al. 2002).

S. melongena présente une très grande variabilité morphologique, notamment pour le poids, la

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Figure 1. Compatibilité de croisement entre les différents pools du genre Capsicum.

Les flèches sont pointées en direction du parent femelle. Les lignes en tirés indiquent que les hybrides sont obtenus relativement facilement. Les lignes en pointillés indiquent que très peu d’hybrides peu fertiles sont obtenus ou leur obtention dépend des accessions choisies comme parent (Palloix 2006).

leur origine géographique, du fait d’une sélection et commercialisation encore locales jusqu’à récemment : par exemple les variétés extrême orientales sont très précoces et ont une végétation souvent très anthocyanées, les variétés tropicales sont généralement tardives, et les variétés méditerranéennes traditionnelles ont en général une végétation vigoureuse. L’hybridation naturelle entre les variétés cultivées et les formes sauvages de S. melongena est commune en Asie, et de nombreux types de plantes intermédiaires entre les formes cultivées et sauvages existent.

PIMENT

Les espèces du genre Capsicum sont hermaphrodites et préférentiellement autogames. Cependant le taux d’allogamie peut être élevé selon la morphologie des fleurs (stigmate plus long que les anthères) et les conditions environnementales, en particulier la présence d’insectes pollinisateurs. De ce fait, il est recommandé de prendre des précautions d’isolement des fleurs lors de la multiplication de lignées par autofécondation.

Le matériel génétique sauvage est, comme dans le cas de la tomate, une source importante de diversité qui peut être utilisée pour améliorer les variétés commerciales. Le matériel génétique sauvage, présent dans une vaste gamme de zones écologiques, constitue un réservoir de gènes. Les complexes, formés à partir de la combinaison des informations relatives à l’origine géographique, aux caractères morphologiques, au système de reproduction, au caryotype et aux marqueurs biochimiques et moléculaires, sont définis en deux groupes phylogénétiques principaux : le groupe des « fleurs blanches » comprenant les complexes C. annuum et C.

baccatum et celui des « fleurs violettes » correspondant au complexe C. pubescens. C. annuum ne peut se croiser avec le groupe d’espèces à fleurs violettes (Figure 1). Bien que

difficile, son croisement avec C. baccatum et C. chacoense, deux espèces riches en caractères utiles, est possible (Pickersgill 1980). Par contre il se croise facilement avec C. chinense. La valeur potentielle du matériel génétique sauvage pour l’amélioration du piment commercial est encore sous-exploitée (Bosland 1996).

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Figure 2. Carte génétique de la tomate basée sur des marqueurs morphologiques (Butler 1952).