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3. Flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum

3.2. Le complexe d’espèce Ralstonia solanacearum

3.2.3. Eléments d’épidémiologie

Son cycle infectieux passe généralement par un stade de survie saprophyte, sous forme rugueuse, dans le sol ou dans l’eau qui peut même durer plusieurs années. Cependant sa capacité de survie dans un sol nu est très discutée. Le temps de survie dépend du type de sol, du biovar et des conditions environnementales (Nicole 1995). La bactérie peut survivre 24 semaines au plus dans un mélange sol-sable, (Granada and Sequeira 1983) et 5 semaines au plus dans un sol contenant des plantes non hôtes tels que le maïs ou le haricot.

R. solanacearum ne pourrait survivre dans un sol pendant une période prolongée dû au fait

qu’il n’est pas un compétiteur suffisamment efficace par rapport à la microflore du sol (Sequeira et al. 1993). La bactérie ne survivrait pas dans un sol par elle-même mais en infectant continuellement les racines de plantes hôtes ou en colonisant la rhizosphère de plantes non-hôtes (Granada and Sequeira 1983).

La nature du sol peut influer sur la conservation de R. solanacearum dans le sol. En fonction des caractéristiques physico-chimiques des sols, certains sont propices au flétrissement bactérien (conducteurs) tandis que d’autres sont suppresseurs (Hayward 1991). Les relations entre le type de sol et l’incidence du flétrissement bactérien sont contrastés. Par exemple dans le cas du flétrissement bactérien de l’arachide, Abdullah et al (1983) a montré que l’infection se produisait dans un sol sableux mais qu’elle était plus élevée dans un sol argileux ; de même Kelman en 1953 avait observé en Indonésie que la maladie était plus sévère dans un sol argileux, cependant en Chine, He et al (1990) a publié que la maladie était plus répandue dans un sol sableux et ne l’était pas dans un sol argileux (Hayward 1991). De façon générale, les oxisols (sols ferralitiques à argile de type halloysite ou kaolinite) sont propices au développement de la maladie alors que les vertisols (à montmorillonites) ont un effet

suppresseur (Bereau and Messiaen 1975; Prior et al. 1993). L’action suppresseur des vertisols pourraient être dû à l’argile présente dans ces sols. Sous l’action de la dessiccation, la fermeture du réseau poreux des argiles (tactoides) entrainerait progressivement l’incapacité à se multiplier, puis un effet d’écrasement létal pour les bactéries (Schmit & Robert 1984 ; Schmit et al. 1990). L’effet naturel suppresseur des vertisols peut être altéré par un excès d’eau et la gravité du flétrissement bactérien peut être réduite par des amendements organiques (Prior et al. 1993).

R. solanacearum est capable de survivre dans l’eau qui est un bon milieu de conservation de

la bactérie. Sa durée de survie planctonique est variable en fonction de la qualité de l’eau et de la température selon la souche concernée (Poussier 2000). Une eau purifiée (eau osmosée ou eau des villes) favorise la survie de la bactérie plusieurs mois contre 2 semaines au plus dans une eau d’irrigation (Poussier 2000). R. solanacearum survie également dans des eaux riches en matières organiques comme des eaux de surface (17 à 33 jours), ou un mélange eau/boue (6 à 24 jours) (Janse 1996; Janse et al. 1998).

Les plantes sont également propices à la conservation de R. solanacearum qui peut constituer des sources potentielles d’inoculum dans les débris organiques, les plantes flétries en décomposition car la bactérie est capable de dégrader les produits issus de la lignification. Tout matériel végétal (tubercule de pomme de terre, pieds de banane, rhizomes de gingembre ou d’héliconia, boutures, etc.) bien que ne présentant pas de symptôme de flétrissement bactérien mais porteurs d’infection latentes sont des réservoirs d’inoculum. Les adventices hôtes telles que la morelle noire et la morelle douce-amère mais aussi les plantes non-hôtes comme l’orge (Hordeum vulgare), le maïs (Zea mays) sont également des niches écologiques favorisant le développement de R. solanacearum (Álvarez et al. 2008b; Hayward 1991).

L’humidité du sol et la température sont des facteurs environnementaux qui influencent l’expression du flétrissement bactérien. Un sol humide et bien drainé favorise plus la survie de

R. solanacearum qu’un sol sec ou inondé (Buddenhagen and Kelman 1964). La température

affecte la survie mais également l’interaction hôte-pathogène (Hayward 1991; van Overbeek et al. 2004). A des températures inférieures à 0°C, la bactérie ne se maintient pas (Olsson 1976). Entre 0 et 10°C, la bactérie bien que présente dans le sol ne provoque pas de maladie (Kelman 1954). La température optimale se situe entre 30 et 35°C, exception faite, pour les souches« froides » de phylotype II (IIB sequevar 1, historiquement race 3 biovar 2), qui ont

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Tableau 10. Modes de dissémination de R. solanacearum (Kelman 1994)

Origine de la contamination Autres informations Références

Matériel végétal planté Tubercules de pomme de terre contaminés (infections latentes)

Hayward (1991)

Rhizomes de gingembre Lum (1973)

Boutures de bananes depuis l’Amérique Centrale jusqu’au Philippines)

Rillo (1979), Buddenhagen (1986)

Rhizomes d’Heliconia (d’Hawaï au Queensland en Australie)

Hyde et al. (1992)

Semences vraies Arachide (Chine) Zhang et al. (1993)

Arachide (Indonésie) Machmud et Middleton

(1990) Semences de tomate (de l’Inde au Népal) Shakya (1993) Semences de tomate (autres lieux) Devi et Manon (1980),

Hayward (1991) Boutures de tomate Du Sud-Est des Etats-Unis vers les états du

Nord et du Canada

Vaughan (1944), Layne et McKeen (1967), Gitaitis et al. (1992)

Plantules de fraisier Taïwan Hsu (1991)

Transmission par insecte A partir d’inflorescences de bananiers atteintes de la maladie de Moko vers des inflorescences saines

Buddenhagen et Elsasser (1962)

Transmission mécanique

par pincement Sur tomate (Géorgie et Floride, Etats-Unis) McCarter et Jaworski (1969)

par élagage Sur bananier (Amérique Centrale) Sequeira (1958)

par l’équipement de récolte Sur Perilla crispa (Taïwan) Hsu (1991) par blessure des racines lors des

pratiques culturales

Général Kelman (1953)

Blessures dues aux nématodes Divers hôtes Kelman (1953), Lucas et

al. (1955), Pitcher (1963), Jonhson et Powell (1969), Napière (1980)

Transmission de racine à racine Libération des bactéries dans le sol à partir de racines infestées et contamination des racines voisines

Kelman et Sequeira (1965)

Transmission aérienne par dispersion des populations épiphytes lors de pluies

Sur tabac (Japon) Hara et Ono (1985), Ono

une température optimale avoisinant les 23°C (Buddenhagen and Kelman 1964). L’adaptation des souches de race 3 aux températures plus froides explique la présence de ces souches sous des latitudes élevées dans le monde et aux altitudes élevées sous les tropiques (Thurston 1963). A 43°C, R. solanacearum est incapable de survivre dans le sol (Seneviratne 1988).

Un aspect encore largement méconnu chez R. solanacearum est sa capacité à survivre dans un état viable mais non cultivable, VBNC (viable but nonculturable cells) sous certaines conditions de stress comme une exposition au cuivre (CuSO4) dans une solution saline, dans un sol autoclavé (Grey and Steck 2001), incubation à faible température dans le sol ou dans l’eau (Caruso et al. 2005; van Elsas et al. 2000; van Overbeek et al. 2004) (van Elsas et al. 2001). Le VBNC est un état dans lequel la bactérie est viable mais incapable de se diviser suffisamment pour former des colonies sur un milieu solide non sélectif (McDougald et al. 1998). Il pourrait être considéré comme un mécanisme de dormance et de survie à long terme pour certaines bactéries ne formant pas de spore. La nature des conditions induisant l’état VBNC diffère et dépend du type de bactérie : stress osmotique, changement de température, présence de métaux lourds, etc. Dans certains cas, la bactérie peut « ressusciter » autrement dit quitter l’état VBNC pour recommencer les divisions cellulaires et ainsi redevenir cultivable (Poussier 2000). R. solanacearum dans l’état VBNC est capable d’infecter et de se multiplier dans les tissus. De plus, R. solanacearum sous la forme VBNC a été détecté dans des boutures asymptomatiques de géranium. Ainsi, la forme VBNC pourrait expliquer la persistance de l’infection dans la nature. La présence de cellules VBNC de R. solanacearum dans les eaux naturelles pose de nouveaux problèmes pour la détection (van Elsas et al. 2001) et la persistance de l’infection de R. solanacearum (Álvarez et al. 2008a; Grey and Steck 2001).

Les sources de dissémination sont diverses et variées comme en témoigne le Tableau 10 (Kelman et al. 1994). Cependant, le principal responsable de la propagation de la maladie sur un plan local mais aussi international est l’Homme. Les eaux de ruissellement et d’irrigation lessivant les sols contaminés constituent un autre mode de dissémination de R. solanacearum (Farag et al. 1999; Hayward 1991; Janse et al. 1998; Poussier et al. 1999).

La dispersion de la maladie peut s’effectuer de racine à racine (Kelman and Sequeira 1965). Une plante flétrie génère, dans le substrat, une quantité importante de bactéries qui peuvent contaminer les plants proches. Cet inoculum ainsi formé en se mélangeant à l’eau d’irrigation

augmente le risque de contamination d’un plant à l’autre (Cariglia 2007). Autrement, la dissémination peut se produire par utilisation de matériel végétal abritant d’importantes populations de R. solanacearum sans présenter de symptômes (Hayward 1991). Les plantes participent ainsi au maintien de niveaux élevés d’inoculum même dans des régions où la maladie semble absente. Le transport par l’Homme de matériel végétal porteur d’infection latente (tubercule de pomme de terre, pieds de banane, rhizomes de gingembre, boutures, etc.) est la principale cause de dissémination de la bactérie d’un pays à l’autre, d’un continent à un autre (Granada and Sequeira 1983). Les conséquences de l’infection latente sont d’autant plus graves que les plants porteurs sains autrement dit qui n’expriment pas de symptômes, correspondent souvent à des cultures commerciales. L’importation de tubercules de pomme de terre et de boutures de géranium ou autres plantes ornementales porteurs d’infection latente a joué un rôle important dans la propagation de la maladie et est à l’origine des introductions de souches de race 3 en Europe (Janse 1996; Janse et al. 2004) et aux Etats-Unis (Kim et al. 2003; Norman et al. 2009; Williamson et al. 2002).

Pour finir, l’Homme intervient de nouveau dans la propagation de la maladie lors des interventions culturales telles que la taille et la récolte (Hsu et al. 1993).

L’infection de R. solanacearum, bactérie tellurique, se fait naturellement par le système racinaire. Les exsudats racinaires des plantes hôtes diffusant au niveau des bactéries et agissant comme stimuli provoqueraient un chimiotactisme des bactéries pathogènes vers les racines (Digat & Caffier, 1996). (Yao and Allen 2006) a montré que la souche

R. solanacearum K60 est attiré activement par les exsudats racinaires de la tomate. La

bactérie mobile (Tans-Kersten et al. 2001) progresse jusqu’à la surface des extrémités racinaires puis pénètre l’hôte par les racines soit en profitant de blessures provoquées par des nématodes tels que Meloidogyne spp. et insectes ravageurs, ou bien provoquées par l’Homme via les outils agricoles ou le repiquage des plantes, soit en profitant d’ouvertures naturelles comme l’émergence de racines secondaires, les lenticelles ou la zone d’élongation au niveau de l’apex des racines (Vasse et al. 1995). R. solanacearum colonise d’abord les espaces intercellulaires du cortex interne racinaire puis envahi les vaisseaux du xylème. Les cellules infectées des tissus adjacents aux vaisseaux du xylème émettraient des expansions vésiculeuses appelées thylles à l’intérieur desquels les bactéries sont présentes. Ces thylles s’invagineraient dans le xylème puis se rompraient libérant ainsi les bactéries dans le xylème

(Wallis and Truter 1978). Après pénétration dans les vaisseaux du xylème racinaire, les bactéries progressent jusqu’au niveau de la tige.