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Le ressenti des tuteurs et des tutorés sur le tutorat*

PARTIE 3 : RÉSULTATS ET ANALYSES

3.3 Les effets du tutorat sur le climat de classe

3.3.2 Le ressenti des tuteurs et des tutorés sur le tutorat*

Questions communes aux tuteurs et aux tutorés :

Question n°1 : Qu’est-ce-que le tutorat selon toi ?

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Maxime : C’est pour aider des gens qui ont des difficultés.

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Florine : Ça sert à aider et à mieux réussir.

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Théophile : C’est quand on aide les autres.

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Shérine : C’est quand quelqu’un a des difficultés et qu’une personne vient lui expliquer pour plus qu’elle ait des difficultés.

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Laura : Ça peut m’aider.

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Tom : C’est quand on aide.

Analyse : L’intégralité des élèves fait référence au terme d’"aide" et perçoit le tutorat comme un dispositif de coopération visant à réduire les difficultés rencontrées. Seule Shérine (tutorée) met en avant l’action engagée pour cela : il s’agit d’expliquer une notion à autrui.

Question n°2 : Sais-tu pourquoi tu es tuteur(trice) / tutoré(e) ?

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Maxime : Euh… non.

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Florine : Non.

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Théophile : Parce que vous me faites confiance pour aider les autres.

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Shérine : Non.

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Laura : Non.

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Tom : Parce que je sais pas faire des trucs.

Analyse : Peu d’élèves savent expliquer pourquoi le rôle de tuteur ou de tutoré leur a été attribué. Seuls Théophile (tuteur) et Tom (tutoré) le justifient : l’un met en avant la confiance de l’enseignant envers l’élève (dans une dimension affective) et l’autre invoque les difficultés qu’il rencontre.

Question n°3 : Qu'est-ce qui te plait ou déplait dans le tutorat ? Pourquoi ?

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Maxime : J’aime bien parce qu’on peut aider des gens qui ont des difficultés et pour les aider et ils apprennent des choses.

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Florine : J’aime tout et je ne déteste rien.

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Théophile : J’aime bien aider *Tom* et il n’y pas de trucs que j’aime pas.

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Shérine : J’aime bien parce que quand je sais pas des choses, je peux demander à *Maxime* et au moins il m’explique les choses que moi je ne comprends pas.

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Laura : J’aime bien tout.

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Tom : J’aime tout.

Analyse : Les tuteurs Maxime et Théophile expliquent aimer le fait d’intervenir et d’aider les autres. Ils se sentent ainsi utiles et voient leurs compétences être valorisées. Shérine, tutorée, explique apprécier recevoir l’aide de Maxime et son intervention lui permet de comprendre de nouvelles choses. Une fois de plus, elle met bien en avant le fait qu’elle reçoit une explication de la part du tuteur. Pour les autres, le tutorat est perçu positivement mais il leur est compliqué d’expliquer en quoi il l’est.

Question n°4 : Aimerais-tu encore être tuteur(trice) / tutoré(e) l’année prochaine ?

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Maxime : Oui.

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Florine : Oui.

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Théophile : Oui.

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Shérine : Oui.

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Laura : Oui.

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Tom : Oui.

Analyse : Au vu des réponses recueillies, le tutorat est apprécié des élèves qui souhaitent à nouveau renouveler cette expérience.

Questions aux tuteurs :

Question n°1 : Que fais-tu pour venir en aide à ton camarade ? Que lui dis-tu ?

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Maxime : Par exemple si on est en mathématiques, vous m’avez donné une feuille pour aider les gens et je la prends des fois.

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Florine : Je lui explique ce qu’il faut faire aux exercices. Ça dépend ce que c’est.

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Théophile : Par exemple là en calcul en division je lui dis "Ça plus ça, ça fait combien ? Dans 7 combien il y a de fois 6 ?" et je lui dis si c’est bon avec la leçon. Après je lui explique sur l’imparfait "regarde les terminaisons" pour qu’il sache sa leçon et qu’il réussisse l’évaluation.

Analyse : Les tuteurs utilisent des référents et des méthodologies différentes : Maxime s’appuie essentiellement sur les fiches méthodologiques pour aider un camarade (données en entretien avec les tuteurs) alors que Théophile s’appuie davantage sur la leçon (de mathématiques ou de français) pour intervenir auprès de Tom. On constate donc qu’il existe différents modes d’intervention auprès des tutorés.

Question n°2 : Avais-tu préparé à l'avance ce que tu allais faire pour l'aider ?

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Maxime : Non, ça se fait naturellement.

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Florine : Non.

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Théophile : Non.

Analyse : Les tuteurs attendent que les tutorés activent leur tétra-aide sur la face "J’ai besoin d’aide" pour intervenir directement. Mais aucun d’entre eux ne s’accorde un temps de réflexion en amont sur la manière dont l’intervention sera menée. La coopération s’effectue grâce aux difficultés qu’expriment les tutorés. On est donc ici dans une conception du tutorat où le tuteur s’adapte aux besoins des tutorés.

Question n°3 : Qu'améliorerais-tu pour être encore plus efficace ?

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Maxime : Ne pas donner les réponses.

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Florine : Je ne sais pas.

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Théophile : Que j’apprenne plus mes leçons.

Analyse : Certains tuteurs comme Maxime mettent en avant le moment d’intervention et leur conception de leur rôle pour accroitre leurs performances de tuteurs : il s’agit pour lui

de ne pas donner les réponses pour que la tutrice raisonne par elle-même. Pour Théophile, la qualité de son intervention dépend du degré de maitrise de la leçon abordée.

Questions aux tutorés :

Question n°1 : Penses-tu avoir fait des progrès grâce au tutorat ?

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Shérine : Oui.

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Laura : Oui.

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Tom : Oui.

Analyse : Les tutorés sont conscients de l’intérêt du tutorat sur leur réussite scolaire. Cela est aussi confirmé grâce aux différents relevés et analyses que nous avions évoqués précédemment dans ce mémoire.

Question n°2 : Te sens-tu plus à l'aise dans les activités quand tu as l'aide de ton tuteur ?

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Shérine : Oui.

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Laura : Oui.

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Tom : Oui.

Analyse : Les tutorés affirment tous que le tutorat leur permet d’être plus à l’aise.

Question n°3 : Quand tu te retrouves seul(e) face à ton travail, repenses-tu aux conseils qu'il t'a donné ?

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Shérine : Oui.

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Laura : Parfois.

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Tom : Oui.

Analyse : Les tutorés affirment tous qu’il leur arrive de s’appuyer sur les conseils prodigués par les tuteurs pour réaliser un exercice. Il est vrai que j’ai remarqué que Shérine et Tom ont radicalement modifié leur façon de faire : Tom surligne les informations importantes d’une consigne et s’exerce plus régulièrement sur l’ardoise avant de passer au cahier, pour avoir le même réflexe de relecture que Thibault. Quant à Shérine, elle passe systématiquement par un schéma en résolution de problèmes.

Les systèmes de coopération sont des dispositifs pédagogiques intéressants pour mettre en place de la différenciation dans une classe de cycle 2 ou de cycle 3. Plus précisément ici, le tutorat aura permis aux tutorés de bénéficier d’un soutien proche et d’étayage par les pairs. La constitution des dyades et le choix des tuteurs et des tutorés doivent faire l’objet d’une réflexion de la part de l’enseignant : il est préférable de créer des dyades dans lesquelles les capacités de transmission du tuteur et les compétences du tutoré se rejoignent. Or, en analysant les résultats sur les différentes séquences qui ont été testées en classe, on s’aperçoit que les tuteurs ont un niveau de compétences déjà supérieur à la moyenne de la classe. L’instauration du tutorat a donc davantage développé l’effet tutoré que l’effet tuteur. Bien évidemment, sa mise en place s’est naturellement accompagnée de difficultés et d’obstacles à réajuster par la suite : l’enseignant doit installer un cadre de travail précis, avec des modalités nombreuses : le temps, l’espace, le matériel et le type d’activité pour que l’asymétrie soit propice aux apprentissages des élèves. Ayant entamé le tutorat au mois de novembre, les habitudes se sont prises tardivement. Le dispositif aurait gagné en efficacité s’il avait démarré dès la rentrée de septembre.

La coopération a eu de nombreux effets positifs sur les résultats et sur le climat de classe en CM1 : on remarque que les tutorés progressent plus rapidement et plus intensément que les élèves ne bénéficiant pas du dispositif. Sur les trois séquences testées, les tutorés progressent en moyenne de plus de 33 points, alors que les autres élèves eux, augmentent de 16 points environ. L’étayage par les pairs a donc un réel impact sur les résultats dans une classe de CM1. Toutefois, ces résultats auraient pu être encore plus performants si les tuteurs sélectionnés appartenaient davantage au niveau moyen de la classe, ce qui aurait permis un effet tuteur plus important. Aussi, les dispositifs coopératifs ont eu des effets positifs sur le climat de classe : j’ai observé un changement d’attitude face à l’erreur, désormais considérée comme un moyen d’expliquer à autrui ses difficultés pour une meilleure transmission du savoir. Les élèves ont gagné en responsabilité, en autonomie et en estime. Coopérer est un moyen de se socialiser et, de facto, cela permet à l’élève de se sentir comme étant un membre écouté et compris au sein d’un groupe solidaire. Le tutorat apporte un gain considérable dans le développement de l’élève : les fonctions cognitives, affectives, psychologiques, sociales et morales s’en trouvent enrichies.

BAUDRIT Alain, Le tutorat, richesse d’une méthode pédagogique. De Boeck. 2007 BOREL-MAISONNY Suzanne, Langage oral et écrit. Delachaux et Niestlé. 1973 CONNAC Sylvain, La coopération entre élèves. Paris, Canopé. 2017

CONNAC Sylvain, Organiser la coopération entre élèves pour prendre en compte leur diversité, Conférence donnée à Lyon, le 30 août 2017

DO Chi-Lan, Les représentations de la grande difficulté scolaire par les enseignants. Note d’information. 2005

GADBOIS Charles, L’analyse psychologique des organisations. Le climat et ses dimensions. L'année psychologique. 1974

GOUPIL Georgette, Les élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Gaëtan Morin. 1997

GUICHARD Daniel, Le tutorat entre élèves au cycle 3. Revue française de pédagogie. 2005

GUICHARD Daniel, Le tutorat et l'effet tuteur à l'école élémentaire. Carrefours de l’éducation. 2009

HAMMILL D.D, On defining learning disabilities : An emerging consensus. Journal of Learning Disabilities. 1990

LIPSON Marjorie Youmas, Reading disability research as interactionist perspective. Review of Educational Research. 1986

LORANGER Michel, Teachers and the social behavior of their students. Journal of Adolescent Research. 1989

MARCHIVE Alain, L’interaction de tutelle entre pairs : approche psychologique et usage didactique. Psychologie et Education, n° 30, p. 29-43. 1997

MOLLEN E, Learning Disabilities. Dans G.T. School. 1985


PIAGET Jean, Le langage et la pensée chez l’enfant. Delachaux et Niestlé. 1923 VYGOTSKY Lev, Pensée et Langage. Paris, Editions sociales. 1934


Annexe n°1 : Affiche "Quand j’ai fini mon travail".

Annexe n°5 : Brevet de tuteur, proposé par Sylvain CONNAC.

1 – Je souhaite devenir tuteur parce que :

- cela me permettra de me faire plus de copains et copines

- je pourrai commander quelqu’un

- je pourrai demander à quelqu’un de faire ce qui ne me plaît pas

- je montrerai que j’ai grandi

3 – Lorsqu’un enfant dont je m’occupe ne veut pas m’obéir :

- je lui donne une claque, comme ça il m’écoute

- il n’a pas à m’obéir, je ne suis pas son chef

- je vais me plaindre au maître ou à la maîtresse

- je me moque de lui en disant que ce n’est qu’un petit 5 – Lorsqu’un enfant me demande de l’aide :

- je l’envoie voir le maître ou la maîtresse

- je lui dis d’attendre, je dois finir mon travail

- je lui donne les réponses

- je ne lui donne pas les réponses mais seulement des indices 7 – Lorsqu’un enfant n’arrive pas à finir son travail :

- je lui fais comprendre qu’il n’est pas très fort

- je lui explique qu’il peut me demander de l’aide

- je ne fais rien, j’ai mon travail à finir

- je le dis au maître ou à la maîtresse

9 – Lorsque je ne veux plus être le tuteur :

- je ne peux rien faire, c’est obligé de rester tuteur

- je vais dire à l’enseignant qu’il me change

- j’en parle au conseil de la classe

- je lui dis de partir et de se trouver un autre tuteur

2 – Un tuteur, ça sert à :

- aider le maître ou la maîtresse

- faire taire les enfants les plus pénibles de la classe

- rendre service aux enfants qui en ont besoin

- apprendre à devenir un chef

4 – Lorsqu’un enfant dérange la classe :

- je crie aussi fort que lui

- je lui fais les gros yeux, comme ça il a peur

- je lui mets des gênes de comportement

- je lui rappelle les règles de fonctionnement de la classe 6 – Lorsqu’un enfant dont je m’occupe ne travaille pas :

- je lui dis « travaille ! »

- je ne fais rien, c’est son problème

- je l’aide à comprendre s’il n’y arrive pas

- j’appelle le maître ou la maîtresse pour qu’il s’en occupe 8 – Lorsqu’un enfant ne me veut plus comme tuteur :

- je lui explique comment il peut faire pour changer ou ne plus en avoir

- je lui interdis de changer, être tuteur c’est mon métier

- je l’ignore, puisqu’il ne veut plus de moi

- je lui fais comprendre que c’est un imbécile

10 – Quand un enfant ne me veut plus comme tuteur :

- je suis un mauvais tuteur

- il pense avoir grandi et il veut essayer de travailler seul

- je suis le meilleur tuteur de la classe

Annexe n°6 : Contrat du tuteur

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