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Une responsabilité pour violation d'un devoir de dil igence?. 111

La responsabilité fondée sur l'art. 58 CO est encourue du fait du défaut de l'ouvrage. Le propriétaire répond à raison de la défectuosité même, et non à raison de son comportement qui peut avoir produit cet état de choses. La cause du défaut n'importe peu et il est sans importance que le propriétaire ait pu, en faisant preuve de diligence, découvrir Je défaut et y remédier 102

La responsabilité du propriétaire d'ouvrage est présentée comme la plus sévère des responsabilités objectives puisqu'elle n'autorise pas la personne recherchée à se libérer en prouvant qu'elle a fait preuve de toute l'attention nécessaire, à l'instar des art. 55 al. 1 ou 56 al. 1 CO. Le critère est objectif et ne laisse aucune place à la prise en considération d'un quelconque reproche subjectif à l'encontre du responsable103

Et pourtant, la diligence est au centre des débats lorsqu'il s'agit de déterminer si l'ouvrage a été bien construit et entretenu. C'est pourquoi, F. WERR0104 qualifie la responsabilité fondée sur l'art. 58 CO de responsabilité pour violation d'un devoir de diligence.

li est vrai que la détermination du standard de sécurité à respecter en fonction du type d'ouvrage se fait de manière objective, par référence à des normes administratives (si elles existent) ou à des normes généralement reconnues dans un domaine particulier, comme les Directives SKUS105 en matière de pistes de ski. En l'absence de telles normes, il convient de déterminer quelle est l'attention requise en fonction des circonstances concrètes du cas d' espèce106

En vertu du privilège décrit plus baut107, l'étendue du devoir de sécurité

«s'apprécie en pratique selon les critères de la proportionnalité et du caractère raisonnable (ATF 129 UT 65 c. 1.1 p. 67; 126 III 113 c. 2b p. 116), ce qui combine la responsabilité objective avec un élément de faute au moins »108 Le fait que la diligence requise est limitée par les moyens

102 ATF 6911394 c. 3, JdT 19441241, rappelé in Trib. Cant. VS, RVJ 1977134, 138.

103 TF, 4C.386/2004, 2 mars 2005, c. 2.3; BK - BREHM, CO 58 N 55 ss; REY, N 1059;

0FTTNGER ! STARK, LI, § 19 N 71; BasK - SCHNYDER, CO 58 N 15; nuancé, WERRO, Traité, N 565 s.

l04 WERRO, Traité, N 563; dans le même sens, SCHWENZER, N 49.09; OFTTNGER /STARK, II,§ 19 N 1.

IOS ATF 130 Il 193 c. 2.3, SJ 20041517.

t06 ATF 131IIl115 c. 2.1.

107

Cf. supra, IIl.A

108 ATF 130 II1 193 c. 2.2 in fine, SJ 20041 517, 519.

Journées du droit de la circulation routière 2006

financiers publics a en tout cas pour effet de relativiser le caractère objectif de la responsabilité du propriétaire d'ouvrage.

Lorsque, en matière de salage et sablage de routes verglacées, on se réfère au fait que la formation de verglas était prévisible et évitable ou que les personnes en charge ont mal apprécié les circonstances109, le pas vers la faute est vite franchi. Un tel adoucissement de la responsabilité n'est toutefois pas de mise si le responsable recherché n'est pas une collectivité publique.

C) Le recours du propriétaire d'ouvrage (art. 58 al. 2 CO)

Le recours du propriétaire d'ouvrage contre les personnes responsables du défaut de l'ouvrage sera illustré par une affaire valaisanne. En août 1977, se sont produits plusieurs accidents de la circulation sur la route du Grand-Saint-Bemard. Un nouveau revêtement auquel avait été incorporé du Verglimit, un produit destiné à empêcher la formation de verglas, avait été posé sur les tronçons en cause un mois plus tôt. Ce produit peut avoir une influence sur l'adhérence dans les premiers temps qui suivent sa pose, cette influence ne se manifestant toutefois que dans des circonstances particulières. Plusieurs décisions du Tribunal fédéral ont été rendues dans cette affaire110 La responsabilité du Canton du Valais en tant que propriétaire d'ouvrage a ainsi été admise à 1 'égard des victimes des accidents rn. Le Canton du Valais a alors recouru contre le fournisseur du produit Verglimit et obtenu gain de cause, sous réserve d'une rédution de 50% pour faute concomitante112

A l'appui de sa demande, le Canton du Valais invoquait une violation du contrat conclu avec le fournisseur du produit Vergiimit. Les parties ayant convenu d'une vente du produit avec assistance du fournisseur avant, pendant et après la pose du produit, le Tribunal fédéral qualifie la relation de contrat mixte, relevant à la fois de la vente et du mandat113 Etant donné que le demandeur contestait la bonne exécution des prestations d'assistance, le Tribunal fédéral examine la responsabilité du fournisseur sur la base des règles du mandat. Il retient une triple violation du devoir de conseil et

109 ATF 129 III 65 c. 4-5 SJ 2003 I 161: le fait que« la sableuse n'était alors pas occupée en un autre lieu» (c. 5), de même que le critère du temps disponible pour intervenir (TF, JdT 1985 1 389) devraient être irrelevants.

110

ATF 116 Il 645: action récursoire de l'assureur responsabilité civile d'un détenteur contre le Canton du Valais et son assureur; TF, 4C.314/1992, 21 novembre 2000:

action récursoire du Canton du Valais contre le fournisseur du produit Verglimit; TF, 4C.314/1992, 11 décembre 2001, action du Canton du Valais contre son assureur responsabilité civile.

111 ATF 11611 645 c. 4-6.

112 TF, 4C.314/1992, 21 novembre 2000.

113 TF, 4C.314/1992, 21 novembre 2000, c. 6b.cc; GAUCH, N 134.

c. CHAPPUIS/J. BECKER, Responsabilité de l'Etat d'information incombant au fournisseur en tant que spécialiste11

4,

quant au choix du revêtement auquel Je Verglimit a été incorporé, aux mesures préconisées pour atténuer l'effet de glissement115 et à l'absence de mesure de l'adhérence initiale. La responsabilité contractuelle du fournisseur a dès lors été admise. Une faute concomitante a cependant été retenue à la charge du Canton du Valais116Comme il est notoire qu'un tel nouveau revêtement peut être glissant dans les premiers temps, il convenait de mettre en place une signalisation complémentaire au signal « chaussée glissante » (par ex., réduction de la vitesse maximale autorisée ou signalisation des virages).

Le Tribunal fédéral mentionne aussi la loi sur la responsabilité du fait des produits (LRFP), mais ne s'y arrête pas, puisque cette loi ne s'applique qu'aux produits mis en circulation après le Ier janvier 1994 (art. 13 LRFP), ce qui n'était pas le cas du Verglimit117L'idée mérite cependant qu'on l'explore comme fondement tant de l'action récursoire du propriétaire d'ouvrage que de la prétention de la victime d'un accident de la route.

L'utilisation du produit incriminé a causé décès et lésions corporelles, de même que des dommages à des véhicules automobiles (art. 1 lit. a et b LRFP). Toutefois, le Canton du Valais n'est pas directement victime de ces dommages corporels et matériels qui touchent des tiers. Il subit un dommage purement économique qui n'est pas couvert par la LRFP118 Par ailleurs, l'art. l lit. b LRFP limite la réparation au dommage matériel subi par un consommateur privé, ce que n'est pas un canton. Il paraît donc exclu que Je dommage subi par le Canton du Valais du fait de sa responsabilité à l'égard de tiers eût pu être couvert par laLRFP.

En revanche, dans des circonstances comparables, la victime d'un accident pourrait songer à s'en prendre au fournisseur du produit, qui risquerait de voir sa responsabilité engagée solidairement à côté de celle du propriétaire de la route (art. 51 CO). Le problème tiendrait probablement ici à la condition du défaut du produit au sens de l'art. 4 LRFP. Le produit Verglimit en tant que tel n'a pas été mis en cause, mais son incorporation à un revêtement trop peu dur, (mal) choisi par le fournisseur et le Canton. Ce choix peu adéquat de revêtement était proposé dans la brochure relative au produit119Or, selon l'art. 4 al. 1

114 Arrêt cité, c. 8c.

115 Le fournisseur du produit avait conseillé de renoncer au sablage de la chaussée, considérant que le lavage de celle-ci était suffisant (c. 8c.bb).

116 Arrêt cité, c. 8c.

117 Arrêt cité, c. 6b.cc in fine.

118 WERRO/BELSER, § 146 N 41etN118.

119 Arrêt cité, c. 8c.aa.

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lit. a LRFP, le défaut du produit peut résider dans sa présentation120li aurait donc été concevable que les victimes agissent directement en réparation de leur dommage contre le fournisseur du produit (si la LRFP leur avait été applicable).

Conclusion

La responsabilité de l'Etat pour les routes, en tant qu'elle est fondée sur l'art.

58 CO, soulève certaines difficultés.

En premier lieu, l'on peut se demander s'il est véritablement justifié de pro-téger plus mal le touriste japonais circulant sur la route de Tasch-Zermatt121 que le même touriste accidenté dans un ascenseur. Du côté des responsables, il paraîtrait inadmissible de permettre à un particulier d'échapper à sa respon-sabilité en se prévalant de son impécuniosité. Pourquoi l'Etat serait-il justifié à s'en prévaloir? Le devoir de diligence, caché sous la responsabilité du propriétaire d'ouvrage censée être sévère parce qu'objective, contribue en-core à adoucir la responsabilité incombant à l'Etat.

En second lieu, la limite entre le défaut de l'ouvrage et la responsabilité pro-pre du lésé (Selbstverantwortung) touche à la problématique de la faute concomitante. Il convient d'être particulièrement attentif à ne pas exclure d'emblée toute responsabilité au motif de l'absence de défaut. Le raisonne-ment doit procéder en deux étapes, celle de l'examen du défaut tout d'abord, puis celle d'une éventuelle réduction de l'indemnité pour faute concomitante.

Pour terminer, la prise en compte du risque inhérent au véhicule comme fac-teur général de réduction de l'indemnité est à proscrire. La destination d'une route est de permettre un trafic fluide et sûr des véhicules automobiles. Le risque inhérent à ceux-ci, qui participe à définir la destination de la route, ne saurait être opposé au conducteur.

120 REY, N 1191 s.; HESS, LRFP 4 N 41 et 63 SS.

121 Ce touriste est-il censé savoir que les ressources du Canton du Valais sont insuffisantes pour protéger la route contre les avalanches ?

c.

CHAPPUIS/J. BECKER, Responsabilité de l'Etat

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C. CHAPPUls/J. BECKER, Responsabilité de l'Etat

Annexe 1 (A TF 129 ID 65)

TRIBUNAL FEDERAL (tlère Cour civile), Audience du 29 octobre 2002.

- A. c. Etat du Tessin, SJ 20031page162 ss

ACCIDENT DE LA CIRCULATION. RESPONSABILITE DU PROPRIETAIRE DE L'OUVRAGE ET DU DETENTEUR DU VEHICULE À MOTEUR. REPARTITION DU DOMMAGE.

l. - Responsabilité de la collectivité publique propriétaire d'une route, notamment en matière de prévention du risque de verglas (c. 1).

2. - Responsabilité admise en l'occurrence en raison du fait que la formation de verglas à l'origine de l'accident était non seulement prévisible, mais également évitable compte tenu des circonstances ( c. 2 à 5).

3. - Répartition du dommage en cas de concours des responsabilités entre le propriétaire de l'ouvrage et le conducteur fautif. Prise en considération du risque inhérent à l'usage d'un véhicule automobile (c. 7).

Faits (résumés):

[SJ 2003 I page 162]

A. - Le litige a pour objet une action en dommages-intérêts, à hauteur de l 6'000 fr., introduite par A. à l'encontre de l'Etat du Tessin. Alors que A.

circulait, le 8 janvier 1996 au matin, sur la route cantonale conduisant de Tesserete à Lugano, son véhicule automobile est parti en glissade sur une plaque de glace et a fini sa course contre un arbre.

Par jugement du 30 décembre 2000, le Prêteur du district de Lugano, deuxième section, a admis partiellement la demande et alloué à A. un montant de 9'600 fr., plus intérêts à 5% du 12 janvier 1996.

Sur appel des deux parties, la Ilème Chambre civile du Tribunal d'appel a confirmé, le 22 avril 2002, le jugement de première instance. Les juges d'appel ont retenu qu'au lieu de l'accident, la route ne garantissait pas la sécurité nécessaire, de telle sorte que la responsabilité du canton était engagée en vertu de l'art. 58 CO. Ils ont approuvé la décision du Prêteur de réduire l'indemnité allouée au demandeur dès lors que ce dernier, de son propre aveu, circulait à une vitesse inadaptée.

B. - L'Etat du Tessin recourt en réforme contre cet arrêt. Le recours est partiellement admis, en ce sens que le Tribunal fédéral réduit à 6'400 fr., plus intérêts à 5% du 12 janvier 1996, l'indemnité mise à la charge du canton.

Droit (extraits):

Journées du droit de la circulation routiêre 2006

t. - A teneur de l'art. 58 CO, le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.

1.1. -Un ouvrage est réputé défectueux lorsqu'il ne garantit pas une sécurité suffisante, confonne à son but et à sa fonction (ATF 126 III 113 c. 2a/cc p.

116 et renv.; Brehm, Commentaire bernois, n. 65 ad art. 58 CO).

S'agissant d'une route, il y a lieu de tenir compte du genre et de l'intensité du trafic auquel elle est affectée (ATF J 03 Il 240 c. 2b p. 243; Brehm, op. cit., n.

170 ad art. 58 CO). Toute source de danger ne peut être automatiquement considérée comme un vice de construction ou un défaut d'entretien. On ne saurait en effet prétendre raisonnablement que l'ensemble du réseau routier devrait être réalisé et entretenu de telle sorte qu'il prévienne tout risque, même minime. L'usager ne peut ignorer que les routes sont exposées aux phénomènes

[SJ 2003 I page 163}

naturels et qu'il y a des périodes où la circulation peut s'avérer dangereuse.

Doctrine et jurisprudence s'accordent à considérer que c'est en principe à l'usager qu'il incombe de se conformer à l'état de la route et non pas le contraire (ATF 102 Il 343 c. 1 b p. 345; Brehm, op. cit., n. 172 ad art. 58 CO;

Oftinger/Stark. Scbweizerisches Haftplichtrecht, vol. ll/l, Zurich 1987, n.

111 et 112 p. 239; Keller, Haftpflicht im Privatrecbt, 6e éd., Berne 2002, p.

206). Pour apprécier la responsabilité d'une collectivité publique, il convient en outre de ne pas oublier que les investissements publics dans la construction et l'entretien du réseau routier doivent rester en proportion raisonnable avec les moyens financiers à disposition. En d'autres termes, on ne peut exiger d'une corporation publique propriétaire d'une route que les interventions réalisables, aussi bien sous l'aspect technique que sous l'aspect économique (A TF 102 Il 343 c. l c p. 345 ss; 1 OO Il 134 c. 4 p. 139; Brehm, op. cit., n. 173-175 ad art. 58 CO; Oftinger/Stark, op. cit., n. 111 p. 238;

Keller, op. cit., p. 204).

1.2. - S'agissant de la présence de glace sur la chaussée, on ne peut exiger du propriétaire qu'il remédie à cette situation immédiatement et en tout lieu. Il lui incombe tout d'abord de rétablir la circulation au plus vite sur les artères importantes et, si nécessaire, d'interdire la circulation dans les zones les plus dangereuses (ATF 98 Il 40 c. 2 p. 43 ss. et renv.). En principe, il n'est pas exigé d'épandre du sel ou du sable sur le réseau routier extérieur aux localités, exception faite des autoroutes. Sur les routes très fréquentées, il est donc admissible que les tronçons dangereux ne soient rendus praticables que dans un délai raisonnable (ATF 102 U 343 c. lb p. 345; Brehm, op. cit., n. 217 et 219 ad art. 58 CO; Oftinger/Stark, op. cit., n. 318 p. 253 et n. 142 p. 256).

C'est avant tout à l'intérieur des localités qu'il est nécessaire d'enlever la neige

C. CHAPPUlS/J. BECKER, Responsabilité de l'Etat et la glace, spécialement dans l'intérêt des piétons (ATF 89 II 331; Brehm, op.

cit., n. 226 ss. ad art. 58 CO).

1.3. - Il importe enfin de rappeler que c'est avant tout au conducteur qu'il revient de tenir compte de l'état du réseau routier et d'adapter sa vitesse à la situation concrète (art. 31 al. 1 et 32 al. 2 LCR). Etant donné qu'à une température voisine de zéro degré, la formation de verglas sur une route mouillée est prévisible, le conducteur est tenu, dans de telles circonstances, de réduire sa vitesse et, si nécessaire, d'avancer au pas. Celui qui ne prend pas ces facteurs en considération et qui circule trop rapidement ne peut se prévaloir de la

[SJ 20031page164)

responsabilité de la corporation publique fondée sur l'art. 58 CO (ATF 98 II 40 c. 2 p. 44 i.f.). C'est ce qui explique que, dans la jurisprudence publiée jusqu'à ce jour, en cas d'accident d'un véhicule à moteur à l'extérieur d'un centre habité, la responsabilité du propriétaire n'a encore jamais été retenue (Brehm, op. cit., n. 208 ad art. 58 CO; Oftinger/Stark, op. cit., p. 255).

2. -En l'occurrence, la cour tessinoise a retenu qu'au moment de l'accident, la chaussée ne garantissait pas une sécurité adaptée aux circonstances.

L'enquête a en effet établi qu'au matin du 8 janvier 1996, à 04h30, le tronçon litigieux a été inspecté par le cantonnier compétent, lequel a notamment pris la température de l'air. Sur la base du résultat enregistré et après avoir observé que la chaussée était simplement mouillée, ce cantonnier a considéré qu'il n'était pas nécessaire de faire appel à la saleuse, alors même que celle-ci n'était pas employée ailleurs à ce moment-là. Selon toute vraisemblance, la plaque de glace sur laquelle le véhicule du demandeur a glissé s'est formée après dissipation de la nébulosité et abaissement de la température, ces phénomènes ayant d'ailleurs été annoncés au bulletin météorologique du 7 janvier 1996. La présence bien visible d'amas de neige sur les bords de la chaussée, constitués les jours précédents par le passage du chasse-neige et qui étaient prêts à fondre, contribuait à accroître Je danger. Dans de telles circonstances, la formation de verglas, en particulier dans les endroits les plus exposés et les plus dangereux - ce qui était notoirement le cas du tronçon ici en cause - n'était donc pas seulement prévisible, mais également évitable. En s'abstenant de prendre les mesures urgentes et nécessaires requises par cette situation, la corporation publique n'a pas évalué les risques avec le soin et l'attention suffisants, ce qui entraîne sa responsabilité fondée sur l'art. 58 CO.

( ... )

5. - Quand bien même les moyens invoqués contre l'application de l'art. 58 CO sont finalement irrecevables, il vaut la peine de préciser que la juridiction cantonale n'a pas méconnu la portée de cette norme, en matière de routes et de places publiques, en retenant la responsabilité du défendeur pour ne pas

Journées du droit de la circulation routière 2006

avoir empêché la formation de la plaque de verglas. A s'en tenir aux faits admis par la décision attaquée, la corporation publique disposait des moyens de répandre du sel sur un tronçon de route notoirement dangereux, qui se trouvait certes en dehors de l'agglomération de Tesserete, mais cependant dans son voisinage immédiat. En effet, la sableuse n'était pas alors occupée en un autre lieu. La situation de danger qui existait au moment de l'accident est imputable au défendeur, dans la mesure où les personnes chargées par lui de cette tâche ont procédé à une mauvaise appréciation des circonstances et ont omis à tort de solliciter l'intervention du

[SJ 2003 l page 165)

service de salage. Dans ces conditions, la décision de retenir un défaut d'entretien de la route cantonale apparaît correcte.( ... )

7. - Le montant de l'indemnité allouée au demandeur est également critiqué.

7. - Le montant de l'indemnité allouée au demandeur est également critiqué.

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