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I.1.4.3 Phase de résolution de l’inflammation

I.3. RESEAU CYTOKINIQUE ET INFLAMMATION

I.3.1. Vue d’ensemble sur les cytokines

Les cytokines sont des glycoprotéines intervenant dans les communications à courte distance entre les cellules de l'organisme. Ce qui distingue les cytokines des hormones, ce sont les nombreuses sources potentielles, le grand nombre de cellules cibles différentes, impliquant un large spectre d’action et des activités qui peuvent être autocrines, paracrines, juxtacrines ou plus rarement endocrines [59,60]. La production d’une cytokine donnée peut être modulée positivement ou négativement par de nombreux facteurs ou autres cytokines créant ainsi tout un réseau de communication cellulaire.

Les cytokines peuvent être classées selon le type de cellules par lesquelles elles sont produites majoritairement. Ainsi, on distingue les cytokines monocytaires, telles que celles appartenant à la famille de l’IL-1, les cytokines sécrétées à la fois par les monocytes et les lymphocytes comme l’IL-6, le TNF-α et l’IL-10, et enfin les cytokines spécifiques des sous- populations T. Elles peuvent être également classées selon leur activité pro- ou anti- inflammatoire, ou encore leur structure moléculaire, ou celle de leurs récepteurs. L’effet net de chaque cytokine dépend du milieu dans lequel elle agit et de la présence d’antagonistes ou d’éléments synergiques [61]. La balance entre les cytokines pro-inflammatoires et anti- inflammatoires est la clé de la régulation de l’inflammation.

I.3.2. Cytokines de la famille de l’IL-1

La famille de l’IL-1 est composée de 11 membres, l’IL-1β, l’IL-1α, et l’IL-1RA (IL-1 receptor antagonist) étant les plus étudiées. Elles sont sécrétées par une large variété de types cellulaires comprenant les monocytes/ macrophages, les kératinocytes, les lymphocytes B stimulés, et les fibroblastes [43]. En se fixant sur le même récepteur IL-1R1, l’IL-1α et l’IL- 1β induisent des voies de signalisation identiques par activation du domaine cytoplasmique TIR. L’IL-1R1 ne peut induire la transduction du signal qu’après le recrutement de la protéine adaptatrice IL-1RAcP (IL-1 receptor accessory protein). Le récepteur complet (récepteur de type I + AcP) recrute une kinase associée au récepteur de l'IL-1 (IRAK pour IL-1 receptor- associated kinase). La transduction du signal au noyau fait appel à une succession d'activation de kinases, en particulier celles impliquées dans les voies de signalisation NF-κB et p38/MAPK, pour permettre la transcription de gènes cibles. L’IL-1α et l’IL-1β peuvent

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également se fixer sur la sous-unité IL-1R2, qui ne possède pas de domaine intracellulaire fonctionnel et joue donc un rôle de leurre [62].

A la différence de l’IL-1α qui est biologiquement active sous cette forme, l’IL-1β est synthétisée sous forme de précurseur inactif, la pro-IL-1β, et nécessite un clivage enzymatique par la caspase-1 afin d’être activée puis libérée [63].

L’IL-1α et l’IL-1β sont deux cytokines pro-inflammatoires qui jouent un rôle majeur dans la réponse immunitaire innée, la défense contre les pathogènes et l’inflammation. L’IL-1β induit la synthèse de la cyclooxygénase de type 2 (COX-2), de la phospholipase A2 et de l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS pour Inducible nitric oxide synthase) [62]. Ces enzymes sont responsables de la formation du monoxyde d’azote, de la prostaglandine E2 et du facteur activateur des plaquettes, impliqués dans les composantes fièvre, douleurs, vasodilatation et hypotension de l’inflammation. Quant à l’IL-1α, son précurseur est fortement exprimé dans les monocytes ou encore les kératinocytes. Libérée par les cellules mourantes suite à une lésion de la peau, elle semble jouer un rôle prépondérant dans l’initiation des réactions inflammatoires cutanées. Son activité s’exerce à la fois en tant qu’alarmine et en tant que cytokine [64].

Les deux cytokines induisent l’expression des protéines de la phase aiguë de l’inflammation, la CRP, la protéine sérum amyloïde A (SAA pour Serum amyloid A) et le fibrinogène ainsi que l’expression de chimiokines et d’autres cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-6 et le TNF-α [62]. D’autre part, elles sont capables de stimuler l'adhérence des leucocytes à l'endothélium en augmentant l'expression des molécules d'adhésion à la surface des cellules endothéliales [24]. Elles induisent aussi la production de collagénases et de métalloprotéases et, de ce fait, jouent un rôle dans les affections détruisant les tissus osseux et cartilagineux [23,25].

L’importance de l’IL-1β dans la polarisation Th17 a été confirmée par Wilson et al. Ceci est en accord avec l’impossibilité des lymphocytes T CD4 naïfs issus de souris déficientes pour l’IL-1R1 à se différencier en cellules Th17 [33,65]. L’IL-1β joue également un rôle central dans les fièvres récurrentes héréditaires, le groupe prototype des maladies auto- inflammatoires que nous développerons par la suite [66,67].

L’IL-1RA est l’inhibiteur naturel compétitif de l’IL-1. En effet, il se fixe sur la sous-unité IL-1R1 empêchant le recrutement de la sous-unité IL-1RAcP ainsi que sa signalisation. La balance entre l’IL-1 et l’IL-1RA joue un rôle principal dans le contrôle de la durée et de l’intensité de la réaction inflammatoire [68]. Fait intéressant, plusieurs IL-1RA recombinants

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sont utilisés pour le traitement de nombreuses pathologies inflammatoires et auto- inflammatoires, en particulier liées à une hyper activation de l’inflammasome [67,69].

L’IL1-β est codée par un gène de 7.15kb comprenant sept exons. Plusieurs études ont investigué une association entre les variants génétiques de ce gène et le niveau de production de cette cytokine [70,71]. Parmi ces variants, les trois SNPs situés respectivement au niveau du promoteur à la position -511C>T (rs16944), de la boîte TATA en -31T>C (rs1143627) et de l’exon 5 à la position +3954C>T (rs1143634) sont les plus étudiés (Figure 9). Cependant, ces études ont mené à des résultats variables, voire parfois controversés [70,72,73].

D’autre part, le génotype TT en +3954 a été associé à la maladie d’Alzheimer [74] et à un risque plus élevé de développer la maladie auto-inflammatoire de Behçet [75] alors que les génotypes CC et TC ont été respectivement associés à la parodontite chronique et au développement de tuberculose extra-pulmonaire [76,77]. D’autre part, les patients porteurs d’un haplotype spécifique composé de l’allèle T en -511 et de l’allèle C en -31 avaient un risque plus élevé de développer un choc septique après une infection postopératoire ou un traumatisme grave, comparés aux autres patients [78]. Par contre, la présence de l’haplotype

IL-1β -511C/-31T a été corrélée au développement d’une dépression majeure récurrente [79].

Figure 9. Représentation schématique des principaux SNP étudiés au niveau des gènes

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L’IL-1α est codée par un gène de 11.48 kb. Le SNP le plus étudié est celui localisé au niveau du promoteur en -889 A>T. Ce dernier a été associé à la maladie d’Alzheimer [81,82], l’obésité [83], la parodontite agressive [84] et l’ostéomyélite [85].

Plusieurs travaux ont étudié le marqueur VNTR (VNTR pour Variable number of tandem repeats) situé au niveau de l’intron 2 du gène de l’IL-1RA (rs380092), qui consiste en une répétition en tandem de 86 paires de base (pb) (Figure 9). Les allèles 1 et 2, comportant respectivement 4 ou 2 séquences répétées, sont les plus fréquents alors que les allèles 3, 4 et 5 sont beaucoup plus rares (< 1%). Dans la plupart des populations étudiées, les génotypes prédominants sont 1/1 et 1/2 [86]. Le génotype 2/2, présent à une prévalence inférieure à 10%, a été à plusieurs maladies telles que les pathologies cardiovasculaires (coronaropathies), la maladie de Crohn, la spondylarthrite ankylosante, le syndrome de Sjögren et le lupus érythémateux systémique [87–89]. Au contraire, une association négative a été observée entre ce génotype et la prédisposition aux infections à mycoplasmes et aux cytomégalovirus [86]. Fait intéressant, dans certaines pathologies telles que la sclérose en plaques [90], l’ulcère duodénal et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, l’effet de l’allèle 2 ne se retrouve qu’en association avec les polymorphismes en -511 ou +3954 de l’IL-1β [91–93].

I.3.3. Cytokines monocytaires/lymphocytaires

I.3.3.1. L’interleukine 6

L’IL-6 est une cytokine pléiotrope, notamment impliquée dans la régulation du système immunitaire, de l’hématopoïèse, de l’oncogenèse et de l’inflammation. Elle est exprimée dans de nombreux types cellulaires tels les lymphocytes T et B, les monocytes/macrophages, les cellules dendritiques, les fibroblastes, les mastocytes, les cellules NK (Natural Killer) et les cellules endothéliales [94]. Elle agit par l’intermédiaire de son récepteur IL-6R, ce qui permet le recrutement de deux chaînes gp 130 (glycoprotéines) conduisant ainsi à l’activation des STAT 1, 3 et 5 via l’activation de la voie de transduction du signal JAK-STAT au cours de laquelle les protéines sont activées par phosphorylation sur résidus tyrosine par les kinases de la famille JAK (JAK1, JAK2) (Janus tyrosine kinase). Cette phosphorylation des STAT entraîne leur dimérisation et leur entrée dans le noyau où elles ont un rôle de facteur de transcription [95].

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L’IL-6 joue un rôle important dans la phase aiguë de l’inflammation en stimulant, en synergie avec l’IL-1 et le TNF-α, la production des protéines de la phase aiguë de l’inflammation essentiellement la CRP et la SAA et, à un moindre degré, le fibrinogène et l’haptoglobine. L’IL-6 induit également le recrutement des PNN et une apparition de fièvre en agissant sur le système nerveux central [96]. Au-delà de son action à court terme, elle intervient aussi dans la chronicisation de celle-ci, en modifiant la composition de l’infiltrat cellulaire qui, au bout de 24 à 48h, devient constitué majoritairement de monocytes/macrophages au lieu de PNN [97] (Figure 10).

Figure 10. Rôle de l’IL-6 dans la chronicisation de l’inflammation [97]. 1 : L’IL-6 libéré durant la phase aiguë de l’inflammation, se lie à son récepteur IL-6R, 2 : le recrutement de deux chaînes gp 130 entraîne l’activation des voies JAK-STAT conduisant au recrutement des monocytes, 3 : l’action prolongée de l’IL-6 entraîne l’apoptose des neutrophiles, la phagocytose et l’accumulation des monocytes dans les régions enflammées.

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D’autre part, l’IL-6 stimule la croissance et la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes et des lymphocytes T en cellules T cytotoxiques en augmentant la production de l’IL-2 et de l’expression de son récepteur IL-2R [94,97]. A côté de son rôle pro- inflammatoire, l’IL-6 possède certaines propriétés anti-inflammatoires. A des taux élevés, elle peut inhiber la synthèse des cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1, le TNF-α ou l’IFN- γ. De plus, elle est capable d’induire la synthèse de l’IL-1RA contribuant à la résolution de l’inflammation [61].