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Lorsque nous avons demandé aux médecins généralistes quelle définition ils avaient du soutien à la parentalité, les réponses ont été variées et richement développées.

Les médecins définissent le soutien comme une aide, un accompagnement des parents, qu’ils mettent en place par différents moyens : une écoute, un apport spontané d’informations aux parents ou une réponse à leurs questionnements. Il s’agit aussi pour certains médecins de détecter des problèmes éventuels, notamment d’interaction parent-enfant ou d’anxiété parentale.

Notre étude montre que les médecins évoquent spontanément différents thèmes à aborder avec les parents, les plus cités étant l’alimentation et le sommeil. Même si ces thématiques sont importantes à travailler avec les parents, il apparaît que seule une minorité de médecins aborde spontanément des thématiques centrales de la guidance parentale : analyse et travail autour des sollicitations de l’environnement en vue de favoriser le développement psychomoteur de l’enfant, sujets éducatifs, psycho-comportementaux, de sociabilité de l’enfant ou compréhension des besoins, du comportement et du rythme de l’enfant.

De même, le sujet des interactions précoces, le lien affectif parent-enfant ou les signaux que donne le bébé sur les dysfonctionnements de lien sont très peu évoqués par les médecins.

La vision du soutien à la parentalité, développée par notre échantillon, concorde avec une partie de la définition, en 2012, du soutien à la parentalité du CNSP (31) : « Elles ont pour spécificité de placer la reconnaissance des compétences parentales comme fondement du bien-être et de l’éducation de l’enfant (...) ces actions privilégient une prévention « prévenante » attentive aux singularités individuelles, sans schéma prédictif, évaluatif ou normatif. Elles utilisent comme levier la mobilisation des parents qui ne sont pas seulement des bénéficiaires de l’action mais qui en sont les acteurs ».

De même, les représentations de la guidance parentale qui émergent des réponses apportées par les médecins de notre étude concordent en partie avec les recommandations de l’HAS de 2005, qui évoquent l’importance du soutien à la parentalité et définissent ainsi plusieurs objectifs (29) : « la communication d’informations et de repères sur la construction des liens familiaux et les moyens matériels, éducatifs et affectifs qui permettent à l’enfant de grandir ; le développement de compétences parentales comme nourrir l’enfant, réaliser les gestes d’hygiène de base, protéger l’enfant (par exemple concernant les conditions de sommeil), veiller à son bon développement psychomoteur ; le développement de compétences personnelles utiles dans la vie quotidienne comme faire face aux exigences d’un jeune enfant, prendre des décisions et résoudre des problèmes, avoir une réflexion critique, être en capacité de maîtriser son stress » .

Il semble que les conseils apportés par la plupart des médecins soient nombreux mais restent centrés autour de thématiques précises (alimentation, sommeil, pleurs, croissance staturo- pondérale), occultant de fait une partie des sujets qui peuvent être abordés.

Pourtant, notre étude montre que certains médecins, qui ont eu une formation adaptée, se représentent la guidance parentale comme une approche globale permettant d’amener les parents à comprendre que chaque interaction et proposition à leur nourrisson ont un impact sur son développement. Ainsi, le médecin peut analyser l’impact environnemental et conseiller les parents dans le but de leur faire prendre conscience que les acquisitions de leur enfant sont en lien avec les propositions qu’ils peuvent lui faire et ceci dès les premiers mois de vie.

Dans notre étude, le développement émotionnel et les thématiques plus psychologiques (comportement, éducation, socialisation) sont beaucoup moins développés par les médecins. Un questionnement apparaît donc quant aux raisons de ce constat. Quelques médecins apportent des pistes de réflexion : un manque de formation initiale sur ces sujets, un manque de temps, un sentiment de malaise ou de non-légitimité à aborder ces questions, une volonté de ne pas les aborder ou encore le sentiment qu’une implication de leur part est inutile car les connaissances des parents devraient être évidentes.

Les thématiques à aborder sont nombreuses, balayant de multiples domaines (éducatifs, psychologiques…), auxquels s’ajoutent les nombreux éléments du suivi du nourrisson (examen complet du nourrisson, suivi du développement psychomoteur et de l’appareil sensoriel, suivi de la croissance staturo-pondérale, vaccinations…).

Cette activité se surajoute donc au panel de rôles qu’exerce déjà le médecin généraliste dans sa pratique courante. Nous y reviendrons par la suite mais nous constatons facilement que le manque de temps est l’une des limites à l’exercice du rôle par le médecin généraliste.

Rappelons enfin, que l’INPES a édité des fiches (37) à visée des professionnels de santé pour aider à accompagner la parentalité dans lesquelles il rappelle « la somme des attitudes et conduites parentales favorables au développement de l’enfant » (provenant du programme « À chaque enfant son projet de vie permanent » du centre de jeunesse de Montréal).

Elles sont définies ainsi :

- Répondre aux besoins de base de l’enfant (alimentation, soins de santé, sommeil) ;

- Offrir une réponse et un engagement affectifs (présence, disponibilité, attention et réaction aux signaux de l’enfant) ;

- Adopter une attitude positive envers l’enfant (valorisation de ses qualités, démonstration d’affection et de chaleur, intérêt pour les activités de l’enfant) ;

- Considérer et traiter l’enfant comme une entité distincte (reconnaissance des besoins spécifiques de l’enfant, acceptation de ses différences) ;

- Exercer le rôle parental avec pertinence (ne pas faire assumer à l’enfant ses responsabilités ou ses difficultés, traiter tous ses enfants avec justice) ;

- Établir un cadre de vie (climat familial serein, règles de vie et limites claires, moyens de récompense et de punition adaptés) ;

- Favoriser la socialisation de l’enfant (aide et encouragement aux relations de l’enfant avec autrui) ;

- Répondre aux besoins intellectuels et éducatifs de l’enfant (stimulation de l’enfant, développement du goût de l’exploration). 


Une telle vision de la complexité du rôle parental et de son impact direct sur le développement global des compétences de l’enfant doit être expliquée et mise à la connaissance des parents.

En interrogeant volontairement les médecins sur leur vision de la guidance parentale, nous avons pu mettre en évidence qu’ils avaient de bonnes connaissances des moyens à mettre en œuvre auprès des parents (écoute, conseils…) mais seule une faible proportion de médecins évoque spontanément l’intérêt de l’enfant. Le soutien à la parentalité est vu dans un objectif d’aide aux parents, ce que les médecins parviennent à décrire aisément, mais sans son but final qui est de soutenir le développement précoce du nourrisson.

Or, l’objectif de la guidance parentale est d’aider les parents à mieux appréhender leur rôle de parent mais aussi de soutenir le développement précoce du nourrisson, c’est-à-dire :

- Pour un enfant qui se développe bien, sans anomalies détectées, il s’agit de guider et d’informer les parents sur les futures acquisitions et besoins du nourrisson ;

- Pour un enfant qui se développe bien, il s’agit de détecter des petites anomalies (difficultés à tenir assis, à se retourner, peu de pré-langage, interaction pauvre…) afin de les prendre en charge précocement alors qu’elles ne relèvent pas d’une pathologie. Il s’agit alors d’analyser ce qui est proposé à l’enfant afin d’adapter les conseils en fonction de l’enfant mais aussi des compétences et possibilités pour le parent. L’impact de ces mesures sera à réévaluer par des consultations rapprochées ;

- Pour un enfant présentant de grandes difficultés ou un retard dans les acquisitions, il s’agira d’analyser ce qui est proposé au nourrisson afin d’adapter les conseils qui seront complémentaires des orientations possibles spécialisées.

La plupart des médecins de notre étude ont une représentation assez complète et variée de la guidance parentale et de l’environnement psycho-social de l’enfant et ils enrichissent leur définition par leur expérience et leur pratique. Une perspective s’ouvre quant à la formation des médecins qui pourrait leur permettre de mieux percevoir que la guidance parentale est, au-delà d’un moyen d’aider les parents, un véritable outil pour soutenir le développement précoce du nourrisson et agir sur de petites difficultés dans les acquisitions qui peuvent avoir un impact important par la suite.

2. Quel rôle pour le médecin généraliste dans le soutien à la parentalité ?