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Représentation du produit dans la phase de synthèse

Ce chapitre aborde l’aspect représentation du produit. Précisons immédiatement que la re- présentation du produit fait appel à deux notions souvent confondues [Loy91] : la modélisation et la visualisation. Tandis que la modélisation a pour but la définition du produit, la visualisation n’a qu’un rôle de représentation restrictive interprétable selon un contexte précis. Nous traitons par la suite de la modélisation du produit.

Le fil conducteur de l’étape de synthèse est bien entendu le produit (le mécanisme). Du début jusqu’à la fin, il va prendre forme d’après les choix réalisés par l’équipe de concepteurs. La représentation finale du produit, à l’issue de la phase de conception, est une représentation graphique, géométrique et dimensionnée, universellement reconnue et appelée dessin de défini- tion. Cette représentation, bien que très réaliste, n’en est pas moins une modélisation abstraite du produit, comme toutes les autres représentations. Durant sa conception, le produit est passé d’une description fonctionnelle textuelle, le CdCF, à une description géométrique qui repré- sente au mieux son futur aspect physique. Une multitude d’étapes intermédiaires ont donné lieu à différentes représentations du produit. Ces représentations découlent de la méthodologie de conception retenue. Par exemple, une approche fonctionnelle [Boc98] recourt à des représenta- tions du type diagramme comme dans le formalisme sadt1 ou tabulaire comme dans le cas du formalisme qfd2. Dans le cas d’une approche comportementale, nous disposerons de représen- tations schématiques sommaires. Le modèle conceptuel représente le produit par des entités qui caractérisent les concepts mis en œuvre pour satisfaire aux besoins : ce peut être des formalismes objets tels que omt3, ou relationnels tels que niam4. Le modèle descriptif est plus orienté vers l’aspect géométrique. Il fournit une description des constituants à l’aide d’entités élémentaires telles que surfaces, arêtes ou bien nœuds et facettes, qui pourra ultérieurement être utilisée dans une étude par éléments finis. Enfin, et nous arrêterons là notre recensement, nous trouvons la

1. Structured Analysis and Design Technique. 2. Quality Functional Deployment.

3. Object Modeling Technique.

représentation par « features » ou « entités »5. Ces features, géométriques ou non, représentent une information concernant une pièce. L’information peut concerner une fonction de fabrica- tion, une fonction technologique, une fonction de forme, etc. Ils donnent lieu le plus souvent à une représentation géométrique que l’on intègre directement aux logiciels de cao. Ce concept de features est né du besoin de dépasser le strict cadre de modélisation géométrique lors de la conception en y intégrant des contraintes de fabrication. Il a débouché sur une nouvelle métho- dologie de conception nommée « feature-based design »6. Les auteurs éprouvent des difficultés à donner une définition cohérente d’un(e) feature, tant les informations contenues peuvent être diverses. Néanmoins, le feature constitue un outil puissant d’intégration de connaissance dans une entité géométrique plus ou moins complexe, et cette capacité à transmettre une intention à partir d’un élément primaire de matière est le fondement même de notre démarche. On peut cependant constater une grande disparité dans la richesse des informations contenues dans les features et on a souvent tendance à les cataloguer en features de haut-niveau ou de bas-niveau selon leur complexité et la nature des informations. Une étape délicate de la conception est la sélection des features au vu des fonctions à remplir.

Il apparaît que ces différentes modélisations prennent des formes très diverses selon leur utilisation. Dans le cadre de la conception préliminaire, on trouvera une description plus détaillée des modèles et outils de représentation et de raisonnement dans [HW98]. Cette diversité permet de transmettre aisément des informations utiles aux opérations menées dans chaque approche (calculs, choix, etc.) en adaptant le modèle. Cette évolution de la représentation traduit aussi le besoin d’intégration de nouvelles connaissances dans le modèle produit. La recherche d’un modèle produit évolutif qui puisse intégrer des connaissances de natures différentes représente alors un enjeu important [Con96]. L’enrichissement de la base d’informations concernant le produit implique une structuration des données pour que le concepteur ne soit pas submergé. En conséquence, les modèles peuvent éluder une partie des informations acquises dans les phases amont qui s’avèreraient inutiles dans la tâche courante.

Fig.1.6 – Niveaux de décomposition fonctionnelle selon [Gui87].

5. Le terme français n’étant pas plus explicite que son homologue anglophone, nous conserverons ce dernier dans la suite de l’exposé.

a) b)

Fig.1.7 – Décomposition d’un mécanisme en solutions technologiques selon [Gui87].

En prenant pour hypothèse que tout système mécanique peut être complètement décrit à partir de ses liaisons, J. Guillot propose un modèle de représentation de produit structuré en niveaux de définition [Gui87]. On en dénombre six, de complexité fonctionnelle décroissante, concernant l’exemple d’un hélicoptère (figure 1.6). Ces niveaux, dont le nombre ne nous apparaît pas primordial, sont associés à des définitions fonctionnelles du mécanisme. Il est donc évident que l’opération de décomposition n’a de valeur que pour les systèmes mécaniques connus pour lesquels on peut précisément identifier des blocs fonctionnels. Ces blocs sont des regroupements fonctionnels de haut niveau, telle la propulsion, ou bien de définition plus précise comme la boîte de transmission primaire de l’hélicoptère. Ils sont l’objet d’une connaissance experte et de méthodes de traitement connues et éprouvées. On notera que l’importance de la fonction est inversement proportionnelle à la précision de définition (figure 1.5). Notons encore que le niveau ultime de définition ne concerne pas les pièces constitutives du mécanisme, mais les «solutions technologiques» des liaisons mécaniques [GC84]. Ces éléments représentés sur la figure 1.7.b, sont les entités de base de la décomposition fonctionnelle pour lesquelles une connaissance et des méthodes de sélection existent. L’auteur rappelle que les décompositions sont toujours conditionnées par les niveaux supérieurs, c’est-à-dire que l’on recherche les découpages propres à satisfaire les contraintes issues des niveaux supérieurs. Dans une logique d’optimisation, et plus largement pour le bon déroulement des tâches de synthèse, on privilégie les décompositions qui génèrent le moins de couplage entre les blocs fonctionnels. Il est évident que l’opération de décomposition n’a de valeur que si l’on peut identifier précisément des blocs fonctionnels.

Cette analyse d’un système mécanique par niveaux fonctionnels constitue la base de notre réflexion. Cette analyse n’est pas propre au domaine du génie mécanique puisqu’elle a déjà été appliquée au génie civil dans le cadre d’un système de cao [Alz93]. Nous avons tenté d’en extraire une méthodologie de travail proposant des opérations liées aux niveaux de définition. Nous présentons cette organisation opérationnelle dans la section 1.6.2.

1.6

Définition d’une organisation opérationnelle de la phase