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Mieux repérer, mieux accompagner

- développer des formations pour sensibiliser les professionnels ;  

- développer des partenariats spécialisés avec la justice et la police, mais également avec des intervenants pluridisciplinaires sociosanitaires ;

- accélérer le repérage de ces situations ;  

- mettre en place un accompagnement éducatif renforcé ;  

- faciliter l’éloignement hors de la Seine-Saint-Denis et ainsi sécuriser au mieux les parcours de ces jeunes.

Enfin, dans la perspective de mieux identifier à la fois les situations des mineur.e.s victimes de prostitution, mais également de centraliser la connaissance, un cadre du service ASE se spécialise sur la question. Ce « référent prostitution » a également pour mission de faire connaitre les dispositifs pour que les professionnels les utilisent et de jouer le rôle d’interface avec les partenaires.

Ces évolutions et perspectives ont pour objet d’améliorer la connaissance, par tous les profes-sionnels du service, de cette problématique et, à terme, la prise en charge des mineur.e.s.

Mieux repérer, mieux accompagner

Il ressort d’une analyse rapide des dossiers ainsi que d’échanges avec les professionnels que différentes pratiques ont pu émerger pour accompagner les mineur.e.s victimes de prostitution.

Ainsi une éducatrice de l’ASE témoigne de la disponibilité qu’elle a toujours accordée à une jeune fille qui se présentait en circonscription le plus souvent de manière inopinée et sans rendez-vous. La fragilité des demandes de ces jeunes nécessite une disponibilité immédiate des professionnels.

Dans une autre situation, le maintien de la prise en charge d’une jeune fille au sein d’une maison d’enfants à caractère social (Mecs) est acté au regard de la relation de confiance qu’elle a tissé avec les professionnels, alors même qu’elle n’y apparaît que quelques heures entre ses fugues pour prendre une douche et se restaurer.

3  Baudry Katia, Collet Beate. Les conduites prostitutionnelles de mineur(e)s hébergé(e)s dans les centres d’accueil de la protection de l’enfance de Seine-Saint-Denis. Rapport de recherche pour le département de Seine-Saint-Denis et la MMPCR.

Pantin : Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques, 2021.

Enfin, le responsable d’un service d’hébergement en semi-autonomie a mis en place des groupes de parole à destination des jeunes et avec une association extérieure pour évoquer les questions des relations affectives, sexuelles, du consentement, de respect de son propre corps et de celui de l’autre. Il s’est également accordé avec le commissariat du secteur et les appelle dès que des voitures venant chercher les mineur.e.s tournent autour de son établissement, permettant ainsi la mise en place de patrouilles de police régulières et la diminutions de ces pratiques.

Si ces exemples témoignent de l’implication et de la mobilisation des professionnels face à ces conduites prostitutionnelles, ils restent des initiatives ponctuelles aux effets limités.

Ainsi, face au constat de l’insuffisance des dispositifs existants pour répondre à la problématique de la prostitution des mineur.e.s, le parquet et le tribunal pour enfants de Bobigny ont pris, en 2019, l’initiative d’un groupe de travail mené avec les différents acteurs du territoire, l’aide sociale à l’enfance, la Protection judiciaire de la jeunesse, les associations habilitées exerçant des mesures d’AEMO (Avvej 4, Adsea 5 et Jean Cotxet), le centre départemental enfance-famille, la Croix-Rouge et l’association Amicale du Nid.

Ce travail a abouti à la signature, en juillet 2020, d’une « Convention sur la mise en place d’un dispositif expérimental visant à l’évaluation et à la prise en charge des mineur.e.s en situation de prostitution » dont la mise en œuvre a débuté dès septembre 2020.

Cet engagement vise principalement à l’expérimentation d’une intervention de l’Amicale du Nid 93 en renfort des services éducatifs et d’évaluation. Cet accompagnement spécifique est d’abord prévu dans le cadre d’évaluations classiques d’informations préoccupantes (réalisées dans un délai de trois mois) et d’évaluations rapides au cours d’une ordonnance de placement prosivoire par le parquet (huit jours). Il est également possible dans le cadre de mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO).

L’intervention d’une association spécialisée sur cette question est apparue essentielle pour permettre aux mineur.e.s d’évoquer cette question à l’extérieur des services de protection de l’enfance et en-dehors du travail effectué avec la famille. L’objectif est également de permettre aux éducateurs de poursuivre le travail d’accompagnement éducatif, en étant soutenus par des professionnels extérieurs connaissant la thématique des conduites prostitutionnelles sous un angle spécifique.

Dans ce cadre, l’Amicale du Nid a développé une « mission mineur.e.s » qui intervient tant auprès des mineur.e.s et de leur famille que des professionnels éducatifs, pour confirmer éventuellement que des conduites prostitutionnelles existent, accompagner le.la mineur.e dans la verbalisation de ces conduites, puis dans une sortie de la prostitution.

Le choix initial a été fait de soutenir les accompagnements éducatifs à domicile afin de limiter au maximum les placements à l’ASE, de les prévenir. En effet, un accueil dans un établissement de la protection de l’enfance ne permet que rarement d’endiguer les conduites prostitutionnelles ; il peut même parfois les favoriser, voire les amplifier. Les professionnels accueillant des mineur.e.s confié.e.s et en situation de prostitution sont ainsi doublement mis en difficultés puisqu’aux difficultés « classiques » d’accompagnement de cette problématique s’ajoute celle de l’effet de groupe au sein des établissements.

Si la préférence pour une intervention à domicile par rapport à une mesure de placement apparaît parfaitement adaptée pour un certain nombre de situations, il ressort des interpellations des professionnels que d’autres jeunes sont effectivement confié.e.s au service de l’ASE, en amont des conduites prostitutionnelles réelles ou repérées, ou de la mise en œuvre de la convention, ou que la mesure de placement est inévitable.

Ainsi le besoin de venir renforcer l’accompagnement éducatif dans le cadre des mesures de placement émerge et le service réfléchit donc actuellement aux modalités de travail dans le cadre d’un accueil au service.

L’intervention de l’Amicale du Nid en renfort de l’évaluation ou de l’accompagnement éducatif est toujours décidée par l’autorité judiciaire : le parquet dans le cadre d’une évaluation classique ou rapide au cours d’une ordonnance de placement provisoire (OPP), et le juge des enfants dans le cadre d’une AEMO.

Pour permettre une mise en œuvre rapide et facilitée, la convention ne cadre pas de manière formelle les actions à mettre en place, à l’exception de temps d’échanges réguliers entre professionnels constituant le binôme d’intervenants. Ainsi chaque binôme évalue ensemble les modalités d’intervention les plus pertinentes. Si la présentation de l’Amicale du Nid se fait, généralement, en présence du service éducatif, les rencontres suivantes avec le.la jeune et/ou la famille se réalisent de manière distincte, avec des temps d’échange entre les professionnels.

Enfin, au regard de la réalité des services, il a été laissé à la libre appréciation des binômes qu’un rapport commun ou deux rapports distincts soient rendus, afin de ne pas alourdir la charge de travail.

Dans le cadre de cette même convention, est également prévu un circuit spécifique concernant les signalements adressés à un magistrat du parquet « référent prostitution » afin d’en fluidifier le traitement. Enfin, il est prévu le soutien technique de l’Amicale du Nid auprès des différents professionnels de l’ASE, par le biais de la mise en place de journées de formation/sensibilisation sur la question des conduites prostitutionnelles.

En effet la question de la formation des professionnels est apparue comme un point essentiel.

Une rapide consultation de plusieurs dossiers a mis en lumière le fait que les professionnels semblaient en difficulté (ou très prudents) pour écrire leurs doutes/soupçons quant à des conduites prostitutionnelles. Ainsi, ces informations sont d’abord transmises dans le cadre d’échanges plus informels (conversations téléphoniques ou mails) et beaucoup plus tardivement dans des rapports éducatifs à destination des décideurs. De plus, lorsque ces faits sont évoqués, peu d’éléments apparaissent quant à l’accompagnement éducatif mis en place autour de cette question.

Par ailleurs, rappeler que la prostitution est une violence et non pas une pratique relevant de la vie intime et sexuelle du jeune semble incontournable, afin que les professionnels puissent poser le cadre de leurs propos de manière beaucoup plus claire avec les mineur.e.s : la prostitution est une violence les mettant en danger.

Le service est donc en cours de construction de sessions de formation/sensibilisation, avec l’Amicale du Nid 93 dans le cadre de cette convention, mais également avec la MMPCR 6, à destination des professionnels, et ce à différents niveaux.

Un premier niveau vise à sensibiliser les travailleurs sociaux, psychologues, cadres ASE et professionnels des lieux d’accueil (établissements, familles d’accueil).

6  Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques.

Un second niveau, organisé sur chaque territoire cette fois, visera les professionnels ASE des lieux d’accueil mais également ceux concourant à la protection de l’enfance, tels que le service social, la protection maternelle et infantile, la Protection judiciaire de la jeunesse, l’Éducation nationale, la prévention spécialisée. L’idée de ces temps est de créer une culture commune, pour permettre aux professionnels un meilleur repérage, et de s’appuyer les uns sur les autres dans l’accompagnement de ces situations.

Un travail s’est également engagé à l’initiative du tribunal, pour construire une convention visant la traite des êtres humains, et notamment la prostitution, sur le modèle de celle conclue à Paris.

Il s’agit là de pouvoir prendre en charge des mineur.e.s sous l’emprise de réseaux de proxénétisme, souvent très puissants et organisés, en leurs proposant un dispositif de protection et d’éloignement dudit réseau. L’idée forte de cette convention serait que les associations de terrain transmettent un signalement au parquet pour solliciter une OPP lorsque les jeunes filles/garçons sont d’accord pour cet éloignement. Le service de l’ASE devrait alors répondre de manière quasi immédiate à l’accueil, dans une structure éloignée de la région parisienne en capacité de prendre en charge ce type de problématique.

Le service travaille depuis de nombreuses années, via une cheffe de bureau dédiée, avec des établissements situés en dehors de la Seine-Saint-Denis pour répondre aux besoins d’accueil des mineur.e.s confié.e.s. Une réflexion va ainsi être menée pour mettre en place des partenariats privilégiés avec des établissements en capacité de prendre en charge des mineur.e.s victimes de prostitution et de ne pas les exclure malgré les difficultés engendrées par leur comportement (fugues, dénégations, mises en danger, effets générés sur le groupe).

En effet, de manière générale avec la prostitution des mineur.e.s, les professionnels sont comme « coincés » entre la nécessité impérieuse de faire cesser ces mises en danger d’une gravité extrême, donc dans un temps court, et celle de tisser une réelle relation de confiance avec le.la jeune lui permettant de nouer un dialogue autour de la violence que constitue la prostitution, ce qui ne peut se faire que dans un temps long.

Enfin, par le biais du « référent prostitution » au service ASE, les signalements pour des faits de prostitution vont être centralisés et feront l’objet d’un suivi avec le parquet. Cette modalité de travail a pour but que les professionnels de terrain disposent d’informations concrètes sur le devenir de leurs écrits/signalements, pour lutter contre une certaine démobilisation, et en informer les jeunes. En effet, il a été constaté que très peu de signalements font l’objet d’un retour écrit et classé au dossier quant aux suites données, avec le double effet délétère que les mineur.e.s pensent que de toute façon la loi ne s’impose pas et que les professionnels pensent qu’écrire ne servirait à rien puisqu’il n’y aurait aucune suite.

Le service de l’ASE de Seine-Saint-Denis a donc entamé, et poursuit, une réflexion importante autour de la prise en charge et de l’accompagnement des mineur.e.s victimes de prostitution, en faisant évoluer son cadre d’action de manière progressive et concrète.

Toutefois cette mobilisation va de pair avec celle des partenaires extérieurs (police, justice, santé) afin que chacun soit actif, de sa place, pour agir sur ces situations de prostitution de mineur.e.s. S’il semble tout à fait pertinent d’envisager la problématique de la prostitution

UNE MOBILISATION INTERMINISTÉRIELLE

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