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l’antenne mobile vous avez donc des locaux où vous pouvez recevoir les jeunes ?

Oui. Pour organiser les rencontres entre le jeune et son référent (ou éventuellement ses parents) le choix des locaux dépend du degré de familiarité du jeune avec l’exercice de la prostitution, de la place que la prostitution a pris dans la vie du jeune, et de l’éventuelle négociation préalable à la rencontre. Certains jeunes ont une pratique de la prostitution affichée, bravache, revendiquée  : dans cette logique, il peut s’avérer important qu’ils se montrent à leur référent dans un contexte marqué par leur nouvelle activité de prostitution. Le local devient un peu leur univers identitaire, le lieu où il leur semble avoir un semblant de maîtrise. Nous pensons qu’il est judicieux de respecter cette étape dans le processus d’autovalorisation. D’autres jeunes apparaissent paumés, aux prémices de l’activité. Certains sont sous la contrainte d’un proxénète. Il y a alors un intérêt à les maintenir à distance d’Entr’actes puisque nos locaux accueillent aussi des personnes se revendiquant « travailleuses du sexe » avec lesquelles la confusion serait trop importante. Nous pouvons alors leur proposer de se rencontrer au siège

Nous avons quand même conçu dans les locaux d’Entr’actes un espace réservé aux mineurs, qui est adapté à leur âge tout en incluant la dimension de sexualité tarifée. C’est un lieu singulier où se côtoient coloriages et préservatifs, atelier de perles et godemichés ! Il n’y a pas de paradoxe dans cette démarche car il est important qu’ils sachent poser un préservatif dans leur activité. Nous pensons en effet qu’il est contre-productif de commencer par tout mettre en œuvre pour que les jeunes « arrêtent la prostitution » si cet objectif doit prendre des mois pendant lesquels on ne leur apprend pas à gérer leur activité. Nous pensons aussi que les approches de la santé centrées sur le dépistage du VIH et des IST sont importantes mais très insuffisantes : il ne faut pas confondre diagnostic et prévention.

À Entr’actes nous sommes très en pointe sur la question du dépistage, même si en l’absence d’autorisation parentale elle peut paraître complexe. Nous effectuons des dépistages par prélèvements classiques réalisés par notre infirmière diplômée d’État, mais également des Trod VIH et VHC, c’est-à-dire des tests rapides d’orientation diagnostique. Pour les premiers, une convention avec le laboratoire du CHU nous permet de déposer à l’analyse les prélèvements à toute heure du jour et de la nuit. Le second type de tests présente l’intérêt d’être réalisé par du personnel non médical et donc plus accessible. Dans les deux cas, les dépistages peuvent être faits en antenne mobile, hors les murs, sur un mode très réactif qui convient parfaitement à l’instantanéité propre à ces jeunes.

De façon très large le soin, ou plus exactement l’approche « santé », est très importante dans l’accompagnement des mineurs. Elle précède et accompagne un éventuel projet d’insertion.

Nous nous servons fréquemment de cette « passerelle » pour entrer en lien avec les jeunes : ils sont très attentifs à l’attention qu’on leur porte et ils refusent rarement un rendez-vous avec l’infirmière, dès l’instant où celle-ci fait partie d’une structure (ici Entr’actes) qu’ils ont identifiée comme un soutien. Lorsque l’amorce du lien avec l’éducateur peine, le recours à l’infirmière est une très bonne ressource.

J’en reviens à l’espace que nous avons réservé aux mineurs, dans nos locaux. Notre idée est aussi de les aider à revenir « en mode enfance », dans cet espace et sur ce temps, avec l’éducateur d’Entr’actes qui les reçoit. Certains jeunes arrivent avec des vêtements et une parole très provoquants, très sexualisés. Nous essayons de faire tomber ce masque-là. Une de nos éducatrices en particulier me disait encore récemment combien il est toujours étonnant, même si c’est ce qu’on vise, de les voir évoluer dans ces lieux : on redécouvre un enfant avec ses coloriages, ses puzzles, ses perles… Ils repassent « en mode enfance », mais la difficulté c’est de maintenir cela.

Il n’y a pas de recette miracle mais plutôt une posture bienveillante où l’éducatrice essaie de se caler sur le rythme du jeune, en étant à l’écoute de ses centres d’intérêt mais aussi et peut-être (c’est important) à l’écoute de ses peines affectives et « de cœur » – même si nous avons conscience que le « copain » en question profite souvent de la jeune fille. Cette première étape est cruciale. On pourrait être tentés d’écarter cela rapidement mais nous pensons qu’il n’est pas profitable de déconstruire la figure aimée tant que l’on n’a pas compris à quoi elle répondait, à quel besoin. Tenter « d’ouvrir les yeux » de la jeune fille confrontée à une situation d’exploitation en lui disant « tu ne vois pas qu’il profite de toi ? qu’il n’aime que ton argent ? » repose très certainement sur une vérité et sur de bons sentiments, mais cela n’est pas efficace s’il n’y a pas, au préalable, un travail de décodage. Or, ce travail ne peut se faire qu’en acceptant de partager un peu de l’expérience et de l’histoire de l’adolescente. Un fois que nous avons compris ce que la jeune fille recherche dans cette relation, la question est de chercher avec elle ce qui peut la remplacer.

Il très important de garder en tête que l’activité prostitutionnelle vers laquelle la jeune fille s’est tournée n’est peut-être pas la meilleure des options, de notre point de vue, mais que c’est celle qu’elle a trouvée face à une situation donnée. Un manque, une difficulté, un besoin à un moment précis. Si l’on ne cherche pas de ce côté avant de déconstruire, nous risquons de passer à côté de l’accompagnement. 

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