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0.3 Le modèle d’étude, la problématique et les objectifs de l’étude

0.3.1 Le renard arctique

Dans cette étude, le modèle d’étude est le renard arctique, l’un des principaux carnivores terrestres en Arctique. Il se caractérise par sa petite taille (environ 3-5 kg), un museau court, de petites oreilles rondes et des extrémités poilues. Il reste actif toute l’année (Audet et al. 2002). Il possède une répartition circumpolaire et se retrouve dans la toundra arctique de l’Eurasie et de l’Amérique du Nord, dans la toundra alpine de la Fennoscandinavie, ainsi que dans les îles de Svalbard, en Islande et dans plusieurs autres petites îles de l’Arctique, de l’Atlantique Nord et de la mer de Béring (Angerbjörn et al. 2004a; Audet et al. 2002; Prestrud 1991).

Le renard arctique consomme des petits rongeurs comme les lemmings ou les campagnols si ces derniers sont disponibles, mais il peut aussi se nourrir de toute une variété de proies alternatives : oiseaux de plusieurs espèces (surtout les œufs, mais aussi les jeunes et les adultes), poissons, invertébrés marins, carcasses de rennes ou de mammifères marins (Chesemore 1968b; Dalerum & Angerbjörn 2000; Eide et al. 2005; Elmhagen et al. 2000; Frafjord 1993, 2002). Les renards arctiques mettent en réserve certaines de leurs proies, en particulier des œufs d’oie des neiges (Chen caerulescens atlanticus), lorsque les ressources sont abondantes (Careau et al. 2007; Samelius & Alisauskas 2000). Les ressources cachées permettent de prolonger le pic

d’abondance des ressources estivales jusqu’en hiver (Samelius et al. 2007). Par ailleurs, une analyse d’isotopes stables du carbone a révélé une plus grande utilisation de ressources marines (phoques) en hiver en cas de faible abondance des lemmings (Roth 2002). Ainsi, le renard arctique, en tant que prédateur « opportuniste » (Elmhagen et al. 2000), utilise préférentiellement les petits rongeurs, mais peut compléter son alimentation par d’autres sources, selon la période.

La longévité du renard arctique en milieu naturel est de 3-4 ans en moyenne, mais peut atteindre 9-10 ans (Audet et al. 2002). Les renards arctiques se reproduisent une fois par année. Leur territorialité semble plus forte pendant la période d’élevage ; ils maintiennent parfois un territoire même en l’absence de jeunes ou d’un partenaire (Eberhardt et al. 1982). Ils défendent leurs territoires par des comportements directs (chasse de l’intrus) et indirects (urine et vocalisations) (Eberhardt et al. 1982). La taille des portées varie fortement selon les ressources disponibles. Dans les régions où le régime alimentaire des renards est principalement constitué de petits rongeurs, les portées sont de plus grande taille (2-16 jeunes, Angerbjörn et al. 1995) mais sont produites seulement les années où les rongeurs sont abondants. Là où les renards comptent sur des ressources plus prévisibles (ressources marines ou colonies d’oiseaux marins), ils se reproduisent chaque année mais ont des portées plus petites (1-10 jeunes, rarement plus de 12, Tannerfeldt & Angerbjörn 1998).

Bien que l’unité sociale de base soit composée du couple (mâle et femelle), l’organisation sociale du renard arctique est relativement flexible (Norén et al. 2012). Plusieurs cas de groupes composés d’un couple reproducteur et d’un ou deux adultes provenant d’une portée précédente (ou considérés comme l’étant) ont été rapportés en Alaska, en Norvège et particulièrement en Suède (Angerbjörn et al. 2004b; Eberhardt et al. 1983a; Strand et al. 2000). Dans les populations insulaires relativement isolées (île Mednyi, île Saint-Paul, île Wrangel), on peut observer des systèmes sociaux plus compliqués, avec des groupes composés de plusieurs adultes (jusqu’à six individus

sur l’île Mednyi) (Goltsman et al. 2005). Le cas de l’île Mednyi présente une organisation sociale particulière, dans laquelle on observe fréquemment des groupes familiaux stables et la coopération d’individus non reproducteurs à l’élevage des jeunes (Goltsman et al. 2005). Au niveau génétique, des cas de reproduction impliquant plusieurs partenaires et des paternités multiples ont été découverts malgré la monogamie sociale (Cameron et al. 2011; Carmichael et al. 2006). Ces accouplements hors couples constitueraient des stratégies visant à procurer un avantage adaptatif dans les milieux très variables en favorisant la variation génétique Les renards arctiques sont capables d’entreprendre des déplacements sur de longues distances et, malgré leur petite taille, ils peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres en quelques mois (Pamperin 2008; Tarroux et al. 2010; Wrigley & Hatch 1976). Le renard arctique est considéré comme étant une espèce mobile, mais plusieurs aspects de son écologie spatiale ne sont pas connus, en particulier pendant la période hivernale. Des mouvements saisonniers distincts ont été décrits en Alaska, avec un mouvement de l’intérieur des terres vers les côtes en automne ou sur la banquise en hiver, les individus retournant à leurs tanières au printemps (Chesemore 1968a; Wrigley & Hatch 1976). Ce type de mouvement de l’intérieur vers les côtes aurait aussi lieu dans l’archipel canadien et serait relativement commun en automne (Soper 1944), bien que ces informations soient mal quantifiées. La banquise fournit aux renards arctiques un accès aux ressources marines. Les renards peuvent suivre les ours polaires (Ursus maritimus) pour profiter des restes de leurs proies, se nourrir de mammifères marins pris dans la glace ou chasser de jeunes phoques au printemps (Chesemore 1968b; Smith 1976). Au cours des années de creux de lemmings, des migrations massives ont été rapportées en Russie et dans la province canadienne du Manitoba : les renards se dispersent en automne loin de leurs domaines estivaux et rejoignent leurs tanières au printemps ; toutefois, le pourcentage d’individus capables de réaliser l’aller-retour au complet n’est pas connu (voir Wrigley & Hatch 1976). Ces types de mouvements ont des conséquences sur la répartition spatiale de ce

prédateur, causant des irruptions d’individus dans certaines régions. Ils ont aussi des conséquences sur les structures génétiques locales et la propagation de maladies comme la rage (Mørk & Prestrud 2004; Norén et al. 2011b).

En dépit des mentions dans la littérature scientifique d’un mouvement avec un retour (« the homing theory », Meinke et al. 2001), les études de suivi télémétrique indiquent plutôt que les renards adultes resteraient proches de leurs domaines vitaux estivaux en hiver (Alaska et Norvège, respectivement Anthony 1997; Landa et al. 1998) ou qu’ils utiliseraient le même domaine vital tout au long de l’année (Svalbard, Frafjord & Prestrud 1992; Prestrud 1992). Les suivis par télémétrie satellitaire en Alaska ont montré une stratégie mixte chez les adultes (certains renards restant résidents et d’autres parcourant de longues distances) mais, le suivi n’ayant pas été réalisé pendant le cycle annuel complet, le retour des individus n’a pas toujours pu être déterminé (Lehner 2012; Pamperin 2008). Près du champ pétrolifère de Prudhoe Bay (Alaska), les renards restent par contre résidents en hiver et incorporent des ressources d’origine humaine dans leur alimentation (Lehner 2012), soulignant une influence de la disponibilité des ressources sur les mouvements des renards en hiver. La capacité à effectuer une migration complète a été confirmée chez quelques individus (Tarroux et al. 2010) ; cependant, la proportion d’individidus et les catégories d’âge-sexe réalisant ce type de déplacement, ainsi que les facteurs explicatifs en jeu, restent mal connus.